Rentrée solennelle du CERI 2025
Pour son soixante-treizième anniversaire, le CERI a célébré à l’Institut du monde arabe, aux côtés de ses chercheurs, amis et partenaires, l’ouverture de l’année académique 2025-2026. Beau et festif, ce moment augure une année féconde et nous donne l’élan nécessaire pour affronter une tâche dantesque : comprendre, avec humilité, inventivité et rigueur, les fractures du monde.
Comme le veut la tradition, la rentrée solennelle s’est ouverte par l’accueil d’une nouvelle promotion de treize doctorants, dont les travaux dessineront l’avenir du laboratoire. L’arrivée de cinq nouveaux titulaires, la présence de plus de vingt chercheurs invités venus du monde entier et le passage à l’éméritat d’un collègue rappellent que la science se construit par des liens quotidiens entre les personnes et au fil des générations. Nous avançons toujours en montant sur les épaules des géants qui nous ont précédés.
Nos rentrées se tiennent traditionnellement hors les murs, de préférence dans des musées qui mettent en lumière des histoires extra-européennes. Depuis 1952, le CERI s’est affirmé comme l’un des grands centres internationaux consacrés aux Suds. Cette année, l’Institut du monde arabe nous a accueillis autour de l’exposition Cléopâtre, avec la complicité amicale de son président, Jack Lang. Nous y avons entendu la leçon inaugurale de la professeure Lorraine Daston, qui a montré, en mobilisant l’histoire des sciences, le droit, la biologie et la sociologie des organisations, combien le concept de diversité est récent, souvent instrumentalisé, et devenu récemment une valeur positive, mais pas toujours pour de bonnes raisons. Considérer la diversité comme un droit fondamental constituerait sans doute un objectif à la hauteur de notre temps.
Notre concours photo a ensuite distingué des recherches menées au plus près du terrain, qui disent beaucoup de notre identité :négociations climatiques, où l’absence de la délégation américaine fut à la fois assourdissante et révélatrice, contextes de recherche en Mauritanie, au Tchad et au Ghana, où se conjuguent les réalités de la guerre, la fragilité des services publics et la vigueur des mobilisations sociales.
Avec ces interventions et ces regards croisés, cette rentrée solennelle incarne l’ambition qui fait la singularité du CERI : explorer les relations internationales et la politique comparée tout en assumant la fécondité de leur dialogue, maîtriser l’art de la comparaison et du décentrement en refusant les hiérarchies unidirectionnelles entre Nord et Sud, réinterroger nos disciplines en intégrant des perspectives critiques pour rendre intelligible l’enchevêtrement des crises contemporaines. Ce projet serait-il trop ambitieux ? En physique, l’on repousserait les frontières théoriques ; en médecine, l’on chercherait à inventer de nouveaux vaccins. Dans nos disciplines, que proposer de plus pertinent alors qu’un certain ordre international vacille ? Avec la rigueur nécessaire, nous travaillons à produire des analyses historicisées, qui restituent au réel toute sa complexité et que seul le temps long de la recherche rend possibles.
L’an dernier, le CERI a organisé plus de trois cent cinquante événements scientifiques ouverts à la cité et publié autant de travaux. Ce chiffre n’a de sens que parce qu’il témoigne d’une vitalité et d’une qualité exceptionnelles. Cette année, notre horizon sera la première Biennale du CERI, qui se tiendra les 2 et 3 juin prochains. Nous vous y donnons d’ores et déjà rendez-vous!
Stéphanie Balme