Quatre questions sur les élections israéliennes du 9 avril 2019

16/04/2019

Entretien avec Alain Dieckhoff



Quelle analyse faites-vous du scrutin législatif du 9 avril dernier en Israël ?


Tout d’abord, le résultat est un succès personnel pour Benyamin Netanyahou qui est au pouvoir depuis dix ans et qui parvient à hisser son parti à la première place en terme de suffrages et à faire jeu égal avec la coalition Bleu-Blanc (35 sièges chacun).  Ce score est le meilleur obtenu par le Likoud depuis 2003. Ajoutons que c’est la première fois, depuis les années 1950 et David Ben Gourion, qu’un Premier ministre conserve aussi longtemps le pouvoir de façon ininterrompue.

Ensuite, le Likoud et son rival, la coalition centriste Bleu-Blanc totalisent ensemble 70 élus. Les neuf autres partis représentés à la Knesset se partagent les sièges restant. Depuis de nombreuses années, les deux formations qui arrivaient en tête des élections comptaient toujours, ensemble, moins de la moitié des sièges. L’inversion de la tendance montre que les élections de 2019 ont été fortement polarisées : les Israéliens ont voté pour ou contre Netanyahou.
 
Peut-on dire que Benny Gantz et son alliance Bleu-Blanc a réussi son pari en égalant presque le résultat du Likoud ?

Oui, tout à fait, Gantz, novice en politique, a réalisé un très bon score. La coalition Bleu-Blanc ne pouvait en outre s’appuyer que sur une seule formation vraiment structurée, Yesh Atid, parti centriste et laïc dirigé par Yair Lapid. Cependant, le problème de l’opposition au Likoud, de Bleu-Blanc aujourd’hui, du Parti travailliste hier, c’est qu’elle ne dispose pas de suffisamment d’alliés pour constituer une majorité à la Knesset.  

La déroute du Parti travailliste participe-t-elle de l’agonie de la gauche que l’on peut observer dans la grande majorité des démocraties ?

Avec 6 sièges, le Parti travailliste enregistre en effet une déroute historique. Il faut toutefois faire la part des choses. Certains électeurs traditionnels du parti ont, cette fois, préférer voter utile en optant pour Bleu-Blanc afin de faire barrage à Netanyahou. Toutefois, si le faible résultat du Parti travailliste s’explique en partie par un vote tactique, il illustre aussi l’inéluctable déclin d’un parti qui, depuis près de vingt ans, est incapable de dégager une offre politique convaincante. L’implosion du processus de paix a laissé le Parti travailliste sans voix. 

Benyamin Netanyahou, mis en examen dans trois dossiers, peut-il être rattrapé par les affaires ?

Il faut déjà commencer par constater que ces affaires n’ont eu aucun impact électoral : les électeurs traditionnels du Likoud n’ont pas lâché Netanyahou. L’inculpation officielle pour corruption, fraude et abus de confiance qui pourrait intervenir au cours de l’été prochain ouvrirait une crise sérieuse. Légalement, si rien ne contraint le Premier ministre à quitter ses fonctions, la pression politique pourrait se révéler trop forte. Cela dit, je crois qu’il ne faut pas sous-estimer la capacité de résilience de Benyamin Netanyahou.

Propos recueillis par Corinne Deloy

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