Prudences chinoises

06/09/2013

Dans l'affaire syrienne, la Chine se fait discrète. Elle n'a jusqu'à présent agi que pour évacuer ses ressortissants et protéger ses intérêts, lesquels sont localement réduits. Sa diplomatie a pris parti contre une éventuelle initiative militaire occidentale, mais s'est répandue dans les couloirs en propos fort modérés. Il est clair que dans cette affaire, Pékin se contente d'appuyer Moscou. Pourquoi ?

La première explication de cette attitude est que Russes et Chinois appliquent au Conseil de sécurité de l'Onu une règle implicite qui consiste à se soutenir réciproquement pour équilibrer la surpuissance américaine. Cette fois-ci, ils s'allient d'autant plus volontiers qu'ils ont le sentiment de s'être fait gruger par les Occidentaux dans l'affaire libyenne : pour frapper Kadhafi, en effet, ces derniers étaient allés bien au-delà des autorisations données par le Conseil de sécurité.

La seconde explication est qu'à la différence de leurs partenaires russes, les diplomates chinois ne connaissent ni ne comprennent vraiment le Moyen-Orient. Et à vrai dire, ils ne s'y intéressent que médiocrement : ils se contentent de protéger autant que possible leurs importations massives de pétrole et, sur le plan politique, de soigner leur relation avec la puissance régionale qui leur importe le plus : l'Iran.

Pékin n'est pas un acteur politique d'envergure

En outre, deux faits précis empêchent les responsables chinois de prendre un vrai parti dans l'affaire syrienne. Le premier est qu'ils savent que le régime d'Assad est une tyrannie politiquement sans avenir, d'autant plus qu'elle manque de tout dynamisme économique. Mais l'autre est que la révolte populaire qui s'y développe est très influencée par ces mêmes factions islamistes que Pékin pourchasse sur ses marges occidentales. Pour dépasser ces deux méfiances, il faudrait que les dirigeants chinois puissent s'appuyer sur une véritable réflexion géopolitique à propos du Moyen-Orient. À ce jour, elle n'existe pas.

La prudence chinoise présente en fait toutes les caractéristiques d'un apprentissage. Pékin apprend le Moyen-Orient en se mettant à l'abri de Moscou et en protégeant ses intérêts. C'est une position pragmatique et raisonnable. Mais elle fait clairement voir ce qui manque encore à la diplomatie chinoise, malgré ses progrès récents. Tout d'abord, cette diplomatie se déploie de façon encore très inégale dans le monde : elle est très forte en Asie, en progrès rapides en Afrique noire, mais elle demeure prudente au Moyen-Orient et discrète en Amérique latine. En second lieu, la diplomatie chinoise se sent incapable de choisir clairement entre les grands principes moraux et politiques qui s'affrontent en Syrie.

Malgré sa surpuissance économique et financière et son poids sur les États-Unis, la Chine n'est donc pas encore un acteur politique d'envergure mondiale. Pour le devenir, elle devra étendre sa connaissance du monde et fonder sa propre réflexion sur l'ordre mondial.

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