Prendre l’histoire au mot. Tentations et territoires littéraires de l’histoire

 
Responsable(s)

Romain Bertrand et Antoine Lilti

A propos

Ce groupe de recherche se propose d’éclairer d’un jour nouveau le débat, ancien et récurrent, sur les frontières fictionnelles de l’écriture historique. Il se donne ainsi pour tâche d’inventorier et d’interroger les modalités nouvelles du rapport que les sciences humaines entretiennent avec la littérature – ses œuvres, ses codes, son histoire, ses figures d’auctorialité. Bien qu’il ait toujours existé, de l’un à l’autre de ces deux domaines de production du savoir, des gués et des ponts – matérialisés par des emprunts croisés de formes et de prétentions –, la question même du registre de leurs relations se pose avec une acuité croissante depuis une quinzaine d’années. Là où d’aucuns célèbrent leur compagnonnage ou prophétisent leur convergence féconde, d’autres s’effraient des dangers de leurs liaisons et de l’affaissement corrélatif de la frontière entre « faits » et « fiction ». La montée en puissance du genre hybride de la « non- fiction », qui use et abuse de la scénographie de l’enquête, et la vogue des romans historiques qui soit multiplient les signes extérieurs de scientificité (éléments de bibliographie, notes de fin, etc.), soit versent ouvertement dans l’« exofiction », ravivent les controverses autour de la congruence ou de l’irréductible différence des critères de véridicité qui, dans l’un et l’autre champ, définissent les « pactes de lecture » des récits. D’un côté se trouve affirmée, au nom du droit à l’imagination scientifique et dans l’espoir de la reconquête de lectorats perdus, la nécessité de moderniser l’écriture historique en puisant au répertoire de formes et de styles de la littérature contemporaine. De l’autre se trouve dénoncée, comme attentatoire à l’idée même d’une autonomie des savoirs scientifiques, la dilution littéraire de leurs méthodes et de leurs modes d’argumentation. Histoire et littérature, pour ou contre ? 

Tel que le plus souvent il se donne à lire, le débat présuppose toutefois des conceptions figées et naïves de l’un et l’autre domaine. Les historiens en appellent à la littérature comme à un surcroît de puissance ou à un supplément d’âme, tandis que les romanciers braconnent du côté de l’histoire une méthode susceptible de les aider à accomplir leur « retour au réel ». Qu’ils se regardent en chiens de faïence ou avec les yeux de Chimène, historiens et romanciers se considèrent sous l’angle de leurs plus grands pouvoirs. Nous souhaiterions ici modifier les termes de ce débat, et nous intéresser à ce qui réunit historiens et romanciers en amont de leurs œuvres, au quotidien de leurs métiers – à savoir un certain art de la description. Pour ceux qui la guignent comme pour ceux qui s’en défient, la puissance des écritures littéraires tient presque tout entière dans leur capacité à faire droit, dans le récit, aux subjectivités : celle de l’auteur-enquêteur aussi bien que celle des acteurs dont il recueille ou accueille la parole. Nous aimerions montrer, à l’inverse, que les formes de rapports les plus productives entre les deux domaines sont celles qui visent à faire advenir, par la « besogne des mots » (G. Bataille), une description objective du ou des mondes arpentés dans le temps de l’enquête. 

Programme

19 mai 2022
14h-16h15
CERI, 56 rue Jacob, Paris 6e, Salle Jean Monnet (RDC)

Séance 4
L’ironie de l’histoire

Autour des écrits de Pierre Senges, auteur, notamment, de La Réfutation majeure, d’après Refutatio major, attribué à Antonio de Guevara, 1480-1548 (Verticales, 2004), Projectiles au sens propre (Verticales, 2020) et L’Art de faire naufrage, avec L’Art de naviguer de Antonio de Guevara (Vagabonde, 2021)
 
Nombre de places limitées et accès contrôlé.
Réservation nécessaire auprès de Romain Bertrand


21 avril 2022 SEANCE ANNULEE 
14h-16h15
CERI, 56 rue Jacob, 75006 Paris, Salle Jean Monnet

 
Séance 3
La carte et l’écritoire
Autour des écrits de Diane Meure, auteure, notamment, de La Carte des Mendelssohn (2015) et Les Villes de la plaine (2011).

10 mars 2022
14h-16h15
CERI, 56 rue Jacob, 75006 Paris, Salle Jean Monnet


Séance 2
The Lost City of Z. Ethnographies fictionnelles
Autour des écrits de Jean-Marie Blas de Roblès, auteur, notamment, de Là où les tigres sont chez eux (Zulma, 2008), de L'île du point Némo (Zulma, 2014) et de Ce qu'ici-bas nous sommes (Zulma, 2020).

13 janvier 2022
14h-16h30
CERI, 56 rue Jacob, 75006 Paris, Salle Jean Monnet


Séance 1
Décrire au plus juste : la fabrique des récits documentaires
Autour des écrits de Mathieu Larnaudie, auteur, notamment, des Effondrés (Actes Sud, 2010), de Notre désir est sans remède (Actes Sud, 2015) et, avec Arno Bertina et Olivier Rohe, de Boulevard de Yougoslavie (Inculte, 2021).

 

 

 

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