Liberté pour Fariba liberté pour la recherche

16/09/2019

Au début du mois de septembre, le CERI a fait sa rentrée, et le fil normal de nos activités a repris progressivement. Cette rentrée a toutefois un goût amer car notre collègue Fariba Adelkhah, directrice de recherche à Sciences Po, n’a pu l‘effectuer : elle a, en effet, été arrêtée en Iran en juin 2019 et y est toujours incarcérée. 

Comme elle en a l’habitude depuis des années, Fariba conduisait, au vu et au su de tous, des recherches sur l’Iran contemporain. Elle revenait ainsi, après un détour de quelques années par l’Afghanistan, à ce terrain iranien qu’elle avait arpenté sans relâche pour mieux faire comprendre, dans toute sa complexité, cette société « post-révolution islamique ». Fidèle à la méthode éprouvée des anthropologues, elle s’était donc engagée dans une enquête de terrain de longue haleine, guidée par une seule ambition : la soif de mieux comprendre l’épaisseur de cette société. 
Ses activités ont toujours été - faut-il le préciser ? - strictement universitaires et Fariba Adelkhah n’avait pas d’engagement politique public. On ne peut donc que se perdre en conjectures, invérifiables, sur les raisons qui ont pu pousser des forces, à l’intérieur de la République islamique, à s’en prendre ainsi à une chercheuse qui a toujours effectué, en toute transparence, ses activités de recherche.

La situation inacceptable dans laquelle se trouve Fariba n’est hélas, pas singulière. D’autres chercheurs ont été arrêtés au cours des années passées, et encore tout récemment l’anthropologue Kameel Ahmady, un Anglo-Iranien, s’est retrouvé en détention. Même si les universitaires sont loin d’être les seules victimes de cet arbitraire, il reste que ce sont des proies appréciées : on les accuse invariablement de conduire, sous couvert de recherche, des activités confinant à l’espionnage. Et il n’est pas nécessaire de travailler sur le très contemporain pour se retrouver derrière les barreaux. Xiyue Wang, de nationalité américaine, doctorant du département d’histoire de Princeton - université dont Sciences Po est proche - menait des recherches sur la dynastie Qajar qui dominait la Perse entre la fin du XVIIIe siècle et le début du XXe siècle. En 2017, il a été condamné à dix ans de prison.

Ces faits attestent qu’en Iran, comme malheureusement dans d’autres pays non-démocratiques, les chercheurs peuvent facilement être considérés avec suspicion et se retrouver dans une mécanique infernale digne du Procès de Kafka.  Nous sommes, chercheurs, devant une vraie difficulté : il nous faut continuer notre travail d’élucidation du social, même sur des terrains difficiles, mais nous ne pouvons pas ignorer que, même si nous agissons avec prudence, nous pouvons nous retrouver injustement en posture d’accusés. Cette réflexion plus approfondie sur le travail du chercheur, dans un monde en ébullition, il nous faudra prendre le temps de la mener, ultérieurement, avec sérénité et responsabilité.

En attendant, au nom du CERI, et à l’unisson de toute la communauté de Sciences Po, je réaffirme avec force un soutien sans faille à Fariba, ainsi qu’avec tous les scientifiques emprisonnés en Iran, et je réitère l’ardent souhait de la retrouver bientôt à nos côtés.

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