Les gardiens du fleuve. Crise environnementale et droit “écocentré” en action dans le Chocó (Colombie)

Projet soutenu par la Direction scientifique de Sciences Po ("SAB"), 2018-2021, porté par Sandrine Revet

En mai 2017, la Cour Constitutionnelle colombienne, par son jugement T-622, a doté le Rio Atrato, qui traverse le département du Chocó, d’une personnalité juridique. Le Rio Atrato traverse sur 750 km l’un des départements les plus pauvres de Colombie, peuplé en grande majorité d’afro-colombiens (87%) et affecté par de nombreuses dynamiques sociales, historiques, économiques et environnementales. Cette rivière, dans une région caractérisée par sa biodiversité exceptionnelle, est au centre de nombreux enjeux. Voie principale de communication pour les habitants de la région, pourvoyeur de pêche, le fleuve subit les conséquences d’une extraction d’or devenue intense à partir des années 1980 afin de financer les acteurs armés (guérillas, paramilitaires, bandes criminelles) présentes dans la région : la déforestation, la sédimentation du fleuve ainsi que sa pollution au mercure et au cyanure.

Le jugement T-622, en considérant le fleuve comme une personne, lui octroie des droits - de protection, de restauration, de maintenance et de conservation - et prévoit différentes mesures pour y parvenir. Des scientifiques sont impliqués afin de diagnostiquer l’état du fleuve et proposer des mesures pour sa restauration. Des équipes de "gardiens du fleuve" formées de représentants de l’Etat et de représentants des communautés locales sont nommées afin de les mettre en place et d’en assurer le suivi. Des organisations locales sont invitées à faire valoir les dimensions "bio-culturelles" de leur relation au fleuve…

Le projet s’intéresse d’une part au travail juridique et militant qui a été nécessaire pour porter le projet devant la Cour Constitutionnelle. Il s’interroge sur les connexions internationales qui ont permis aux acteurs juridiques de formuler le jugement, notamment à leurs liens éventuels avec les juristes militants au niveau international pour la reconnaissance du crime d’écocide devant la Cour pénale internationale de La Haye. D’autre part, à partir d’une ethnographie menée dans le Chocó, l’enquête suivra les acteurs impliqués dans la mise en place du jugement T-(militants, juristes, scientifiques, représentants locaux, représentants de l’Etat, habitants, gardiens du fleuve…), et dans une perspective anthropologique, s’intéressera aux différents usages du fleuve qu’ils développent. Elle cherchera à mettre en lumière les types de savoirs, de valeurs et de croyances que chacun mobilise et ce qu’ils révèlent comme type d’interaction avec le fleuve. La recherche sera attentive aux frictions qui apparaîtront au cours de ce processus.

 

Retour en haut de page