L'Allemagne doit nous inspirer

16/01/2013

  Editorial publié le 16 janvier 2013, en partenariat avec Ouest France

Le 22 janvier, l'Allemagne et la France fêteront le 50e anniversaire de leur traité d'amitié. L'occasion pour nous, Français, de regarder notre voisin de l'Est et de nous comparer.

Tout d'abord, l'Allemagne a assumé courageusement son passé totalitaire. Lorsque l'on a eu la responsabilité d'Hitler et d'Auschwitz, ce n'était pourtant pas simple. La fin de la Guerre froide a amené l'Allemagne de l'Est à retrouver la démocratie pour former un pays réunifié, tout en devant affronter un deuxième passé totalitaire, celui du communisme. Mais la démocratie allemande n'est pas seulement liée à l'absorption lucide de l'histoire. Elle est aussi liée à la reconstruction d'une société à bien des égards moins autoritaire que celle de la France, notamment parce que le fédéralisme permet moins la concentration des pouvoirs.

La formation des élites en est aussi la cause. En France, on continue à tolérer, chez ceux qui accèdent au pouvoir, une forme de bonapartisme. L'Allemagne a renoncé, en 1945, à l'élitisme autoritaire et a construit une société plus libérale, offrant des opportunités plus importantes à tous. Cela commence à l'école, où la France cherche toujours à former les meilleurs, alors que l'Allemagne éduque un homme « moyen » en laissant beaucoup moins de jeunes sur le bord de la route.

Forger du compromis

Ensuite, l'Allemagne est devenue l'une des plus grandes économies du monde, en s'appuyant sur une tradition industrielle totalement réactivée après la guerre. Mais, cette réussite n'est pas seulement liée aux entreprises. Elle résulte aussi de la capacité à forger du compromis. Il y a, en Allemagne, cette conviction que la lutte des classes est une vieille histoire (le parti socialiste allemand a renoncé au marxisme dès 1959) et qu'il faut se retrouver, dans les moments difficiles, tous ensemble autour d'une cause commune.

Dans ses voeux aux Allemands, Angela Merkel a déclaré qu'il faudra « patienter », car l'environnement économique sera plus difficile en 2013 et « la crise est loin d'être terminée ». Au bonapartisme des élites s'ajoute encore trop, en France, un relent de lutte des classes rendant peu légitime le compromis. La France reste un pays du rapport de force où trop d'acteurs pensent que réussir équivaut à gagner et à faire perdre l'autre. Mais des évolutions positives sont en marche. Le succès de la négociation sociale sur la flexibilité du travail est à cet égard encourageant.

Nul doute que l'Allemagne a pris à bras-le-corps plus ouvertement les vrais problèmes du XXIe siècle que sont la réforme de l'État providence (lois Hartz), la meilleure formation des élèves, la dynamisation des entreprises grâce à un double compromis gauche-droite et capital-travail.

Hélas, la France n'en est pas là. Les deux grands débats de société qui ont eu lieu depuis trois ans en sont la preuve. Sous Sarkozy, le thème de l'identité nationale eut comme seul effet de faire douter des Français ayant des parents étrangers qui ne s'étaient jamais posé la question de leur identité. Et maintenant, nous avons droit au psychodrame du mariage pour tous, alors que les grandes démocraties d'Europe ont toutes réglé ce problème ou sont en voie de le faire, comme en Grande-Bretagne. Alors que 23 % des jeunes Français sont au chômage, il y a d'autres causes nationales plus importantes à porter collectivement.

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