La fabrique de la vérité électorale. Controverses nationales et circulations internationales

 
Responsable(s)

Hélène Combes, responsable scientifique du projet
Elise Massicard, responsable de l'équipe CERI
Marie-Emmanuelle Pommerolle, responsable de l'équipe Université Paris 1 

Equipe de recherche 
VANNETZEL Marie, CNRS
PERROT Sandrine
GUEVARA Erica, Université Paris 8
DESRUMEAUX Clément Université Lyon 2
VOILLIOT Christophe, Université Paris Nanterre
DEBOS Marielle, Université Paris Nanterre et Institute for Advanced Study, Princeton
BARGEL Lucie, Université Côte d’Azur, membre de l’IUF
MACHUCA Marina, CERI Sciences Po

A propos

Ce projet a pour objectif d’analyser, dans une perspective comparée et transnationale, la construction de « la vérité électorale », comprise comme un accord publiquement exprimé sur les règles de la compétition politique et par conséquent l’acceptation des résultats des élections. En effet, les dénonciations de fraudes sont au cœur de la compétition politique dans de nombreux pays, et les questionnements sur la validité des scrutins au cœur de légitimité démocratique ; malgré le rôle croissant d’experts navigant d’ONG en organisations internationales, et alors même que les élections n’ont jamais été aussi technicisées et contrôlées, elles apparaissent de plus en plus contestées. 

Selon des logiques tantôt de coopération, tantôt de concurrence, les multiples acteurs participant à l’organisation et au contrôle des élections – partis, bureaucraties électorales, experts nationaux et internationaux, juges – contribuent souvent à mettre en doute la robustesse des résultats. Ils sont porteurs de visions concurrentes – techniques et morales - de ce qu’est une « bonne élection ». 

Dans le même temps, la construction sociale de la « transparence électorale » est au cœur de débats experts et technologiques, portés par des intérêts variés, aux niveaux national mais aussi international. De nombreuses normes et pratiques en matière électorale circulent dans les arènes internationales. Le projet s’attache à retracer la construction d’un milieu d’experts internationaux. Par ailleurs, certaines technologies électorales (identification biométrique, e-vote, machines à voter, transmission électronique des résultats…) sont développées et commercialisées par des entreprises privées et étrangères, et donc soumises à des logiques marchandes et de transaction parfois corruptive. Ces logiques de circulation et de diffusion répondant à divers investissements placent la question de la matérialité électorale au cœur de l’expertise démocratique internationale. 

Parallèlement à ces tendances à la technicisation et à l’emprise croissante de l’expertise, on assiste à des formes de « vernacularisation » de l’élection : des groupes affinitaires, mais aussi des groupes porteurs d’intérêts hétérogènes se saisissent des enjeux électoraux, alimentent des controverses, et parfois produisent des vérités alternatives et les diffusent largement, notamment sur les réseaux sociaux. Ces contestations et la production de ces vérités alternatives ne se font pas uniquement selon des logiques partisanes, mais répondent à des logiques souvent plus complexes, qui constitueront l’un des axes d’investigation du projet. 

Notre questionnement comparatif sera abordé depuis des terrains à conflictualité de long cours (Mexique, Kenya) et des terrains à conflictualité plus récente (Egypte, Turquie, Ouganda, Brésil). La circulation de normes et de pratiques sera étudiée par le biais de plusieurs terrains transnationaux.

Type de projet
ANR
Réseaux

Retrouvez la page Hypothèses du projet

Programme

19 octobre 2023
10h-13h
CERI, Salle S1, 2e étage, 28 rue des Saints-Pères, 75007 Paris.


Les élections aux États Unis et au Kenya

Intervenant.e.s : Pierre-Yves Baudot, Université Paris-Dauphine – IRISSO – Discussion autour de l'article La dé-démocratisation des élections. Race et handicap dans les politiques électorales aux États-Unis

Cette contribution entend suivre deux directions principales. D’une part, elle souhaite montrer la façon dont des segments entiers de populations (noirs américains et personnes handicapées) ont été et sont encore très largement exclus de facto des processus électoraux aux États-Unis. L’analyse parallèle de ces deux exclusions met toutefois en évidence des différences dans les temporalités et les instruments employés pour réaliser cette exclusion. D’autre part, elle entend montrer comment cette exclusion prend appui sur un répertoire argumentatif renouvelé, s’appuyant désormais sur la nécessaire préservation de l’intégrité électorale.



Lecture recommandée : Cecilia Passanti, Université Paris Cité – Démocratie expérimentale et mobilisation publique lors des élections de 2017 au Kenya.

Cecilia Passanti, Université Paris Cité - Démocratie expérimentale et mobilisation publique lors des élections de 2017 au Kenya

Cette contribution défend l’existence d’une « démocratie expérimentale » dans le contexte des élections contemporaines en Afrique. Sur la base de l’observation ethnographique de trois démonstrations technologiques à l’approche des élections de 2017 au Kenya, je démontre et précise les qualités d’une « démocratie expérimentale » dont le défi est d’établir la confiance populaire dans le vote en mobilisant le répertoire de la science et de la technologie. Ce répertoire consiste en l’utilisation de la démonstration, de la mise en scène et de l’amélioration du sens de la vue; l’utilisation d’outils techniques pour observer les « faits électoraux » dans leur état naturel; la mobilisation des parties prenantes en tant que communauté scientifique ; et la conceptualisation des électeurs et du personnel des bureaux de vote en tant qu’utilisateurs de la technologie.

Les efforts technocratiques déployés par le fournisseur de technologie (Safran Morpho) et la commission électorale (Independent Electoral and Boundaries Commission) pour inspirer confiance dans le vote de 2017 au Kenya démontrent, d’une part, que le vote n’est pas dépourvu d’une dimension démonstrative inhérente et, d’autre part, que l’industrie de la biométrie et la gestion des élections en Afrique subsaharienne partagent de plus en plus de pratiques.

8 décembre 2023
10h-13h
CERI, Salle S1, 2e étage, 28 rue des Saints-Pères, 75007 Paris.


Le vote en Grèce ancienne

Intervenante : Liliane Lopez Rabatel, Université Lyon 2, Institut de recherche sur l’architecture antique – L’équipement du vote en Grèce ancienne.

Si l’élection n’est pas le mode de désignation le plus couramment utilisé dans le cadre de la démocratie athénienne, le vote, comme mode d’expression du peuple, est attesté dans de nombreuses procédures lors des réunions de l’Assemblée, du Conseil et du Tribunal. Nous définirons dans un premier temps dans les grandes lignes le contexte institutionnel dans lequel on avait recours à l’élection ou au vote décisionnel puis nous présenterons l’équipement du vote tel que nous pouvons le connaître à travers la mise en regard des sources de différentes natures dont nous disposons : textes et vestiges archéologiques. Enfin, nous nous poserons la question de l’organisation de ces procédures dans les lieux d’assemblée, édifices ou espaces urbains.

Discutant : Justin Willys, Durham University. – Voting materiality: comparative reflection from African perspectives.  

The production of electoral truth is complicated by the two contradictory imperatives that lie at the heart of election practices. On the one hand, elections must be ‘transparent’ – which we tend to understand literally as ‘visible’. On the other hand, the moment of individual decision that is at the centre of elections as we now understand them demands secrecy. The current logic of elections, which idealizes the private decision of each citizen, demands a performance of secrecy in a context of absolute openness. 

This presentation will reflect on the ways in which multiple actors – electoral management bodies, politicians, activists and others – have sought to manage that contradiction through the material stuff that constitutes an election. How have paper, ballot boxes and physical space been used to construct electoral truth – also to contest or undermine that truth?   

11 mars 2024
15h-18h
CERI, salle G009, 28 rue des Saints-Pères, 75007 Paris.


Protecting the Ballot: How First-Wave Democracies ended Electoral Corruption

Intervenante : Isabela Mares, Yale University – Discussion autour de l’ouvrage Protecting the Ballot: How First-Wave Democracies ended Electoral Corruption

Between 1850 and 1918, many first-wave democracies in Europe adopted electoral reforms that reduced the incidence of electoral malfeasance. Drawing on analysis of parliamentary deliberations and roll-call votes in France, Germany, Belgium, and the United Kingdom, Protecting the Ballot explores how these electoral changes came about.

Reforms limiting electoral malfeasance came in a variety of forms. Some reforms imposed harsher punishments for bribing or the politicization of state resources during campaigns. Other changes improved electoral secrecy, providing better protection of voters’ autonomy. By mandating the presence of candidate representatives supervising electoral operations, reforms also reduced the incidence of electoral fraud. Isabela Mares documents how elite splits facilitated the formation of parliamentary majorities in support of electoral reforms. The political composition of these majorities varied across countries and across issue area, depending on the distribution of political resources and the economic and electoral costs incurred by politicians with opportunities to engage in malfeasance. Unpacking the electoral determinants of the demand for reforms, Mares offers an alternative to theories of democratization that emphasize economic considerations alone.

By studying the successful adoption of reforms limiting electoral irregularities in first-wave democratic transitions, Protecting the Ballot sheds light on the opportunities and obstacles for ending electoral wrongdoing in recent democracies.

Discutant.es : Annabelle Lever, Sciences Po, CEVIPOF et Christophe Voilliot, Université Paris-Nanterre

17 juin 2024
CERI, salle G009, 28 rue des Saints-Pères, 75007 Paris.
15h-18h

Faire parler les voix…en images. La fabrique (télé)visuelle de la réalité électorale en France (1965-2022).

Comment faciliter le vote? Vote obligatoire, vote par procuration et par correspondance en débat en France, en RFA et en Suisse des années 1950 aux années 1970.

Intervenant.es : Jérémie Moualek, Université Paris-Saclay – Faire parler les voix…en images. La fabrique (télé)visuelle de la réalité électorale en France (1965-2022) et Zoé Kergomard, Université de Zurich – Comment faciliter le vote? Vote obligatoire, vote par procuration et par correspondance en débat en France, en RFA et en Suisse des années 1950 aux années 1970.

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