International Relation, Music and Diplomacy. Sounds and Voices on the International

06/02/2018

Entretien à l'occasion de la parution de l'ouvrage International Relation, Music and Diplomacy. Sounds and Voices on the International Stage, chez Palgrave. Les deux directeurs de l'ouvrage, Frédéric Ramel et Cécile Prévost-Thomas ont accepté de répondre à nos questions à propos d'un ouvrage qui transcende les disciplines pour s'interroger sur le rôle de la musique dans les relations internationales, à partir, notamment, d'un concept de " scène ".

L'ouvrage offre une discussion entre chercheurs de disciplines diverses, comme l'Histoire, la musicologie, la sociologie, la science politique, sur ce que vous appelez la diplomatie musicale. Vous avez choisi d'aborder la question de la musique en relations internationales à partir du concept de " scène ". Pouvez-vous nous dire ce qu'il revêt et pourquoi vous avez choisi cette " entrée " ?

Le concept de scène permet d'appréhender plusieurs strates de significations de la diplomatie musicale. D'une part, au sens d'Erving Goffman, celle de la mise en scène de la vie musicale et de la répartition des rôles et des interactions entre les individus concernés par les relations diplomatiques. D'autre part, au sens de Will Straw, la scène dévoile des formes de sociabilité inhérentes à la dynamique des activités et des formes d'expressions musicales plurielles, des échanges culturels qui se développent et circulent, de manière visible ou invisible, à l'échelle locale ou internationale.

Cet ouvrage collectif regroupe des textes qui s'interrogent autant sur la musique comme objectif de la diplomatie, comme vecteur, ou comme objet. Comment faire entrer en résonance une étude des enjeux du concours de l'Eurovision et une étude des feste dans la Rome du 18e siècle ? Est-ce que la notion de scène peut servir de passerelle et en quoi offre-elle un regard global sur la question ?

Prendre des illustrations empiriques tirées de différentes époques permet tout d'abord de souligner la robustesse du phénomène de diplomatie musicale, quand bien même celle-ci peut revêtir différentes formes selon les époques. Le concept de scène est un moyen d'aborder de façon transversale ces diplomaties : les diplomates en poste façonnent les scènes musicales, les manières de concevoir ou de pratiquer la musique influent sur les conduites diplomatiques, et les scènes musicales sont parfois importées dans les scènes diplomatiques. L'ultime chapitre de Jessica Gienow-Hecht offre un concept qui permet d'aborder l'ensemble de ces cas : celui de " musical branding " - chaque acteur cherchant, sur la scène, à faire entendre sa voix...

Votre travail est aussi pensé comme une lecture complémentaire à l'ouvrage Music and Diplomacy from the Early Modern Era to the Present, dirigé par Rebeka Ahrendt, Marc Ferraguto, et Damien Mahiet, les trois auteurs ayant par ailleurs été sollicités pour votre ouvrage. En quoi les deux ouvrages s'enrichissent-ils mutuellement et pourquoi recommanderiez-vous une éventuelle lecture en miroir des deux projets ?

L'ouvrage que vous citez est lui aussi tiré d'un colloque international organisé à Harvard et à Tufts en 2013, le nôtre fut organisé trois ans plus tard et à Paris. La structure des deux projets diffère car les directeurs du premier ouvrage ont choisi d'appréhender la musique au prisme des principales fonctions de la diplomatie : représentation, négociation, médiation. Chacune d'elle est illustrée par des cas dont la présentation suit une ligne chronologique. Bien qu'il adopte également celle-ci au sein des trois premières parties, notre ouvrage choisit d'importer un concept sociologique afin d'aborder la liaison entre musique et diplomatie : celui de scène, dont nous avons déjà parlé. Il tend aussi à explorer d'autres dimensions, au-delà du répertoire d'action au service des Etats (la diplomatie musicale formelle pourrait-on dire…). Mais au final, ces deux volumes sont en résonance, voire en contrepoint... pour rester dans le registre musical.

On ne peut qu'espérer que cette thématique fascinante et stimulante soit le début de recherches qui abordent les relations internationales à l'aune d'autres disciplines et de sujets habituellement réservés à d'autres disciplines... What's next ?

Comme nous le soulignons dans l'introduction, le tournant acoustique tient à la convergence de travaux qui émanent de la Musicologie, de l'Histoire, et des Relations internationales. D'ailleurs, les deux volumes chez Palgrave reflètent parfaitement ce phénomène. Parmi les directions identifiées, il convient de mentionner le rôle de la musique et des musiciens dans l'histoire des droits humains ou bien encore dans les périodes post-conflictuelles (ce qui permettrait d'établir un lien avec les études sur la mémoire et les commémorations). Un autre aspect concerne l'usage par les organisations intergouvernementales contemporaines de la musique tant dans leurs politiques publiques qu'éventuellement dans leur fonctionnement interne. Ce dernier volet devrait s'inscrire naturellement dans le groupe d'intérêt scientifique sur l'action multilatérale que le CERI souhaite créer au-delà de Sciences Po. Une occasion d'affermir les liens avec le CERLIS.

Propos recueillis par Miriam Périer.

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