Hommage à Leonardo Morlino (1947-2025)

L’Association française de science politique rend hommage à Leonardo Morlino, décédé le 17 juin 2025, l’une des figures majeures de la science politique italienne et ancien président de l’IPSA, qui noua un lien étroit avec la France notamment comme professeur invité à Sciences Po ainsi qu’à l’Université de Montpellier.
Un In Memoriam sous la double plume de Christophe Roux (Université de Montpellier, CEPEL) et Luca Verzichelli (Université de Sienne, CIRCaP).

Avec Leonardo Morlino disparaît l’une des figures majeures de la science politique italienne dont il a contribué grandement au rayonnement international. Après une formation entamée à l’Université de Naples, il avait rejoint le groupe que Giovanni Sartori avait constitué à l’Université de Florence au tout début de la décennie 1970. Stabilisé localement, il intègre alors la génération qui, de fait, va prendre en charge l’institutionnalisation de la discipline dans le pays. Cela se traduira notamment pour lui, au départ de Sartori vers les Etats-Unis, par la coordination du « doctorat de Florence », un temps unique pépinière disciplinaire du pays, puis la codirection de la Revue italienne de science politique de 1983 à 1991 avant d’être preside (doyen) de la Faculté des sciences politiques et puis pro-rettore (vice-président) à la recherche de l’université.

Au plan scientifique, Leonardo Morlino affiche dès l’origine un profil de comparatiste spécialisé dans la dynamique des régimes politiques et, singulièrement, de la démocratie, ouvrant un cycle de publication continu, intense et cohérent. Il se dote d’abord, jusqu’au début des années 1980, des outils théoriques et conceptuels pour étudier les transitions démocratiques qu’il analyse en direct dans le cas espagnol puis élargit ensuite la perspective, jusqu’aux années 1990, autour de la consolidation démocratique en Europe du Sud, aire pour laquelle il cofonde un standing group à succès au sein de l’ECPR. Il ne peut pas, dans cette phase, ne pas se pencher sur le cas singulier de l’Italie où s’effondre la « Première République » et où il développe des considérations importantes sur le rôle des partis politiques dans le fonctionnement démocratique.  Il prolonge les investigations, avec le début du siècle, vers le concept de « qualité de la démocratie » dont il supervise les évolutions dans les phases de tensions que celles-ci traversent. C’est notamment le cas dans les années suivant la « Grande récession » et dont les répercussions politiques lui donnent notamment l’occasion de revisiter les cas sud-européens. Il a alors rejoint la LUISS à Rome dont il sera professeur émérite au terme d’un passage où il est à nouveau en charge de la recherche pour l’université et où il contribue à la fondation de la School of government.

Combinant explorations empiriques et réflexions conceptuelles pour saisir les mutations démocratiques, sa perspective se veut toujours comparative et internationale. Cela le conduit à embrasser un regard volontiers global qui ne se limite pas au Vieux continent (l’Amérique latine en particulier trouve sa place) tandis que sa production, prolifique et souvent collaborative, se fait vite une place dans les meilleurs segments du panorama éditorial international anglophone (voir notamment Democracy between Consolidation and Crises et Changes for Democracy, Oxford University Press, 1998 et 2011), en écho à des contributions italiennes nombreuses incluant aussi des manuels. Cette trajectoire remarquable s’accompagne, indéfectiblement, de la prise de toute une série de rôles institutionnels de première importance, qu’il assume avec un engagement et une détermination qui frappent. Ce sera notamment le cas au niveau associatif puisqu’il présidera la Société Italienne de Science Politique de 1998 à 2001 avant d’intégrer, en 2003, les instances de l’IPSA qu’il finira par présider de 2009 à 2012, dans un mandat au cours duquel il codirigera l’International Enclyclopedia of Political Science avec B. Badie et D. Berg-Schlosser.

Dans cette trajectoire globale, la France aura trouvé une place : il avait en effet été professeur invité à Sciences Po ainsi qu’à l’Université de Montpellier et avait publié une Introduction à la politique comparée (Armand Colin, 2013) tandis que ses articles avaient été accueillis dans la Revue française de science politique, la Revue internationale de politique comparée et Pôle Sud, revue dont il était membre du conseil scientifique.

L’AFSP s’associe à la tristesse de ses proches, de ses collègues et des associations disciplinaires.

Christophe Roux (Université de Montpellier, CEPEL) & Luca Verzichelli (Université de Sienne, CIRCaP)

Photo : AISP-IPSA

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