Facettes du populisme



par Alain Dieckhoff


Il ne se passe pas de jour sans qu’il ne soit question de populisme. Mais le recours à ce terme est, souvent, inversement proportionnel à sa clarté. Beaucoup s’accordent pour dire que le populisme est un style, une façon particulière de faire de la politique, fondé sur un appel direct au "vrai" peuple, dont la parole aurait été confisquée par des adversaires aux visages changeants : l’oligarchie financière, l’Europe, les capitalistes, les élites, etc... Ce style passe souvent par un dirigeant iconoclaste, souvent démagogue, qui prétend parler "franchement" au nom du peuple. Toutefois, ce serait une erreur que de réduire le populisme à un style ou à un type de politicien. Fondamentalement, le populisme est un unanimisme qui s’oppose tout à la fois à la distinction entre élites et masses, comme aux différentiations internes à la société. Le populisme a donc une double dimension constitutive : il est anti-élites et anti-pluraliste (1).

Pour mieux saisir les traits du populisme actuel, le CERI proposera trois événements scientifiques en novembre. Le 5 novembre, se tiendra le colloque annuel de l’Observatoire international du religieux qui se penchera sur les rapports, complexes, entre populisme et religion en Europe et aux Etats-Unis. S’il peut arriver que le populisme soit directement alimenté par des références à une tradition et des valeurs religieuses, le religieux est surtout l’objet d’une intense "culturalisation". Invoquer l’identité chrétienne de l’Occident, pour la Lega en Italie ou le Parti de la Liberté en Autriche, est moins affaire de croyance que d’appartenance et de démarcation par rapport à l’Islam.

Le 9, un séminaire organisé en coopération avec EDF R&D examinera les politiques énergétiques des Etats où des populistes sont au pouvoir , comme la Russie ou les Etats-Unis. Le populisme se traduit-il par des politiques énergétiques spécifiques (en matière de prix ou de redistribution…) et conduit-il à des décisions particulières en matière énergétique (relance de certaines filières, nationalisation…) ?

Enfin, les 27-28 novembre, aura lieu le colloque final du groupe de recherche sur les "nouveaux démagogues" dirigé par Elise Massicard et Christophe Jaffrelot. Son objectif sera de se pencher sur les populistes au pouvoir, particulièrement hors d’Europe (Asie, Amériques, Russie), en étudiant les trajectoires de conquête politique, l’exercice du pouvoir et les reconfigurations sociétales à l’œuvre. Par sa couverture géographique, ce colloque permettra de vérifier que le populisme est bien, aujourd’hui, un phénomène global.

Pour terminer, mentionnons que le CERI est également partenaire de deux événements scientifiques hors frontières. D’une part, cinq de ses chercheurs interviennent dans le cycle de séminaires organisé avec le Centre de civilisation française et d'études francophones de l’Université de Varsovie. D’autre part, le CERI est, avec Columbia University, l’Université de Groningen et l’Université d’Oslo, partie prenante du colloque "Untangling Popular Power: Rhetoric, Faith, and Social Order in the Middle East" prévu début mars 2019 à Amman en Jordanie, et dont l’objet est de réfléchir aux transformations du populisme au Moyen-Orient.

On le voit, à ce moment populiste qui marque en profondeur nos sociétés contemporaines, les chercheurs du CERI apportent toute leur attention, pour mieux le comprendre, dans ses multiples facettes.

(1) Jan-Werner Müller : Qu’est-ce que le populisme ?, Premier Parallèle, 2016.

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