Quatre questions sur l'Amérique latine

29/01/2019

 

A l’occasion de la parution en français et en espagnol, de Amérique latine - L’année politique 2018 (Etude du CERI n°239-240), entretien avec Olivier Dabène, profeseur des universités, fondateur et président de l’Observatoire politique de l’Amérique latine et des Caraïbes
Le lancement de l'Etude aura lieu le 31 janvier prochain. Renseignements et inscription ICI.

Alors que Donald Trump arrive à mi-mandat de sa présidence, quel premier bilan peut-on tirer de son action a l’égard de l’Amérique latine ?

L’Amérique latine n’est pas sa priorité. L’agenda du président des Etats-Unis comprend toutefois deux dossiers qui lui tiennent à cœur : le Venezuela et les migrations. Donald Trump défend l’option de la sortie de crise au Venezuela par un changement de régime. Il a l’appui du groupe de Lima (qui regroupe treize pays d’Amérique latine, en majorité dirigés par des gouvernements conservateurs). La stratégie consiste à durcir les sanctions. Quant au thème migratoire, la construction d’un mur le long de la frontière avec le Mexique est censée stopper les caravanes de migrants en provenance d’Amérique centrale. Le président américain agite le spectre d’une « invasion » à des fins de politique intérieure alors que les entrées de migrants ont beaucoup diminué depuis une décennie. Ailleurs, Donald Trump conforte et soutient les présidents les plus radicaux du continent, comme Jair Bolsonaro, récemment élu au Brésil.

L’Amérique latine semble saisie d’un désenchantement démocratique. Comment expliqueriez-vous ce phénomène ?

En 2018, pour la sixième année consécutive, les appuis à la démocratie ont baissé. Trois raisons expliquent ce désenchantement : l’insécurité, l'économie et la corruption. Toutefois, la déception à l’égard de la démocratie ne se traduit pas par un soutien aux solutions autoritaires. L’opinion publique est plutôt de plus en plus indifférente au type de régime. Si des candidats aux élections font preuve de comportements d’autocrates, il ne leur en sera pas tenu rigueur.  Ainsi au Brésil, la tentative pour constituer un « front républicain » pour défendre la démocratie entre les deux tours de l’élection présidentielle a lamentablement échoué et les Brésiliens, comme les Américains et tant d’autres, ont élu une personnalité autoritaire.

Les Cubains se prononceront sur le projet de Constitution le 24 février. prochain Ce scrutin comme l’élection de Miguel Diaz-Canel à la présidence du Conseil d'Etat de la République de Cuba en remplacement de Raul Castro peuvent-ils annoncer une transformation du système politique de l’île ?

Cuba a renouvelé son personnel dirigeant en 2018. Le nouveau président Diaz-Canel est un quinquagénaire pragmatique. La nouvelle Constitution reconnaît l’importance du marché mais n’élimine pas le rôle dirigeant du Parti communiste. Elle n’ouvre pas la voie à une transition vers la démocratie représentative mais consacre des évolutions récentes, notamment au plan économique. Sur le plan politique, elle prévoit pour le président un mandat de cinq ans, renouvelable une fois.

Jusqu’où l’armée du Venezuela soutiendra-t-elle Nicolas Maduro qui vient de débuter son deuxième mandat à la tête du pays ? Quelle est la réaction du groupe de Lima qui s’était formé pour résoudre la crise, ou plutôt les crises, qui secoue(nt) le Venezuela au coup d'éclat de Juan Guaido ?

Il existe des tensions au sein de l’armée et de nombreux militaires ont été arrêtés mais la hiérarchie reste fidèle au président. Les militaires, de fait, gouvernent le pays, et les plus hauts gradés se sont considérablement enrichis. La révolte peut venir de la troupe ou des sous-officiers, qui comme les autres citoyens souffrent de la situation économique et sanitaire, mais ceux-ci sont très surveillés.
Les pays membres du groupe de Lima, à l’exception notable du Mexique, ont décidé de ne pas reconnaître la deuxième élection de Nicolas Maduro à la présidence de la République. Ils n’ont pour autant pas été au-delà et mis des sanctions économiques en place. Ces pays ne possèdent pas non plus de plan précis pour une intervention militaire mais ils ont en revanche déclaré reconnaître Juan Guaido comme président légitime du pays. Ce dernier, élu président de l’Assemblée nationale vénézuelienne le 5 janvier dernier, juge le scrutin du 20 mai 2018 contestable (une partie de l'opposition a été interdite de candidature). Par conséquent, selon lui, Caracas connaît une vacance du pouvoir. En application de la Constitution, il assume aujourd'hui l’intérim jusqu’à d’hypothétiques nouvelles élections.

Propos recueillis par Corinne Deloy


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