L'option parlementaire

Intégrations régionales

Écrit par Olivier Dabène   

L'Amérique latine possède plusieurs parlements régionaux, dont la fonction est parfois ambigüe. Le dernier processus d'intégration à s'être doté d'un parlement est le Mercosur. 

  • Introduction : pourquoi, quand et comment apparaissent des parlements régionaux
  • Le modèle européen
  • Tableau des parlements régionaux
  • Le débat dans le Mercosur
  • Pour en savoir plus sur le Parlement du Mercosur
  • Annexe: liste des assemblées régionales
  • Travaux d'étudiants

 

Introduction : pourquoi, quand et comment apparaissent des parlements régionaux

L'option parlementaire semble un recours « naturel » pour combler le déficit démocratique des processus d'intégration.

En Europe, tel fut le cas pendant longtemps. La construction européenne se traduisait par une érosion des prérogatives des parlements nationaux, mais pas par une montée en puissance proportionnelle du parlement européen. La Commission semblait bénéficier des transferts de souveraineté, pas le parlement, ce qui alimentait la critique sur le déficit démocratique de l'Union européenne. Comme l'avancent Pascal Delwit, Jean-Michel De Waele et Paul Magnette, « Compris en ces termes simples, le déficit démocratique appelait une solution simple : il suffisait pour y remédier de développer les pouvoirs législatifs, budgétaires et de contrôle de l'Assemblée européenne ». (Pascal Delwit, Jean-Michel De Waele et Paul Magnette, A quoi sert le Parlement européen ?, Bruxelles, Editions complexe, 1999, p.12).

Et depuis les années 60, le Parlement a effectivement réussi à conquérir un très grand nombre de prérogatives. Ce renforcement du Parlement européen va à l'encontre de l'évolution des parlements nationaux, qui ont renoncé à légiférer pour se consacrer au contrôle politique a posteriori du travail gouvernemental. Le Parlement européen s'est à l'inverse relativement désintéressé du contrôle a posteriori du travail de la Commission pour se consacrer à faire progressivement entériner une procédure de codécision. 

La montée en puissance du Parlement européen a-t-elle pour autant comblée le déficit démocratique, entendu au sens de plus ample participation des représentants des citoyens européens au processus de prise de décision communautaire ?

Sur un plan institutionnel, sans doute, mais sur un plan politique « depuis le début des années 80, chacune des réformes des traités fut l'occasion d'augmenter les pouvoirs du Parlement européen ; depuis le début des années 90, chacune des élections européennes a aussi vu croître le taux d'abstention. Ce constat force à réviser les diagnostics classiques du déficit démocratique » (Ibid, p.13). La participation est passée de 63% en 1979 à 45,7% en 2004. Les citoyens des nouveaux États membres n'étant pas les plus enthousiastes.

En d'autres termes, au fur et à mesure que les électeurs européens peuvent intervenir plus directement dans le processus de prise de décision communautaire, ils semblent s'en désintéresser. Il y a là un étonnant paradoxe, qu'il n'y a pas lieu de tenter de résoudre ici, mais qui oblitère considérablement l'exemplarité du cas européen et en général de l'option parlementaire pour combler un supposé déficit démocratique.

Deux remarques viennent au surcroît à l'esprit.

  1. Un Parlement s'inscrit dans une logique de démocratie représentative. Il constitue donc une greffe dans un système politique d'intégration qui, par ailleurs, ne possède en général aucune autre caractéristique institutionnelle ou politique de la démocratie représentative : pas de gouvernement élu, pas de partis politiques régionaux agrégeant des préférences, etc. Cette greffe ne va pas de soi, car il n'existe pas, en Europe et a fortiori ailleurs, une séparation claire des pouvoirs au sein des systèmes institutionnels. Le Parlement, qui par nature est transnational, doit composer avec les instances intergouvernementales.
  2. Aucun processus d'intégration en Amérique latine n'a prévu, à son démarrage, d'inclure un Parlement dans sa structure organique. Il convient donc de s'interroger sur les raisons pour lesquels cette dimension est venue se surajouter, en sachant qu'aucun pays d'Amérique latine ne dispose d'un régime parlementaire. Et l'on rejoint le débat soulevé à propos du déficit démocratique : pourquoi, quand et comment la question du déficit démocratique semble pouvoir se résoudre par l'option parlementaire ? 

Il nous faut bien caractériser le contexte dans lequel est apparu le recours à l'option parlementaire et analyser les fonctions initialement conférées à ces parlements régionaux.

Trois cas de figure peuvent se présenter qui, grosso modo, correspondent aux expériences historiques européenne et latino-américaines.

  1. Dans un premier cas, la création et la montée en puissance d'un Parlement correspond à une évolution du système politique de l'intégration vers le modèle parlementaire. Si l'on reprend l'hypothèse de l'isomorphise ou du mimétisme institutionnel, entre les régimes politiques nationaux et le régime politique communautaire, cela correspond à une situation, en Europe, où le parlementarisme, dominant dans les États membres, le deviendrait dans l'Union. A l'hypothèse de la fédéralisation s'ajoute celle de la parlementarisation.
  2. Deuxième cas de figure, la création des parlements ne correspond pas à une évolution vers un modèle parlementaire, ce qui serait au demeurant improbable en Amérique latine où domine le présidentialisme, mais répond à une volonté d'impliquer les partis politiques nationaux dans la dynamique d'intégration et faciliter l'importation des normes.
  3. Troisième cas de figure, la création d'un Parlement revêt une importance symbolique. Un Parlement régional représente la volonté commune, la convergence de valeurs, un espace de délibération transcendant les frontières et les souverainetés, une enceinte de socialisation. L'Assemblée ainsi créée peut même être détachée de tout processus d'intégration régionale (Parlatino).

 

Le  modèle européen

Le modèle ayant été européen, je commencerai par rappeler les fonctions remplies par le Parlement européen.

Commençons par un point d'histoire. Dans l'immédiat après-guerre, toutes les organisations internationales qui sont créées sont inspirées par une volonté de démocratisation : le Conseil de l'Europe, l'UEO, l'OTAN prévoient des assemblées composées de parlementaires.

Comme l'avance Paul Magnette, « il eût été anormal, dans le climat de restauration des démocraties libérales d'après-guerre, et inacceptable pour les parlementaires qui devaient ratifier le traité, qu'une Communauté européenne, fût-elle limitée dans son objet, ne comporte pas d'Assemblée » (Paul Magnette, Contrôler l'Europe. Pouvoirs et responsabilités dans l'Union européenne, Bruxelles, Editions de l'Université de Bruxelles, 2003, p.35).

La CECA (1951) possédait son Assemblée, qui délibérait et contrôlait la Haute autorité.

Comme l'avance encore Magnette, « ce système reflète l'état du parlementarisme après-guerre : l'assemblée parlementaire n'est pas perçue comme un pouvoir de décision législative mais de contrôle des exécutifs ». (p.35)

Toutefois, précise Magnette, les concepteurs de la CEE ne sont pas allés jusqu'au bout de la logique parlementaire, qui aurait fait de la Commission un gouvernement ordinaire reflétant une majorité politique au Parlement. Dans ce schéma, le Conseil serait devenu une sorte de chambre haute (type Bundesrat).

Pour autant, toute l'histoire du Parlement européen, un peu comme l'histoire du Parlement de Westminster, est une chronique d'une montée en puissance. L'invention progressive d'un parlementarisme communautaire, où les parlementaires, qui disposent de la liberté d'élaborer leur propre règlement, créent des règles (interpellation, questions écrites, etc.) pour améliorer leur information et ainsi mieux contrôler la Commission et le Conseil (Olivier Costa, Le Parlement européen, assemblée délibérante, Bruxelles, Presses de l'Université de Bruxelles, 2000).

Mais cette histoire d'une affirmation politique progressive est constamment freinée par un attachement non moins important à la logique technocratique. Après tout, les pères fondateurs de l'Europe estimaient que le jeu politique devait s'effacer devant la planification technique. Faut-il rappeler que Jean Monnet a été le premier Commissaire au plan et qu'il envisageait la Commission européenne comme un organe technique neutre détaché des contingences politiques. Cette tension entre exigence démocratique et souci de dépolitisation taraude la construction européenne depuis ses débuts.

Le Parlement européen a connu 2 révolutions politiques, qui ont considérablement renforcé ses prérogatives. La première en 1979 (l'appellation « Parlement » n'est adoptée qu'en 1976), avec sa première élection au suffrage universel. La seconde en 1999 avec la démission de la Commission Santer. La crise avait commencé en 1997 avec l'affaire de la vache folle, qui a démontré une série d'incompétences et d'irresponsabilités dans la Commission. Le Parlement avait décidé de créer un « Comité d'experts indépendants », dont les conclusions sont dévastatrices pour la Commission qui démissionne collectivement le 15 mars 1999.

Le Parlement a aussi été renforcé au plan institutionnel, avec l'Acte unique de 1986 puis surtout avec le Traité de Maastricht de 1992, qui constitutionnalise les avancées réalisées par le Parlement à son initiative (commissions d'enquête, droit de pétition, investiture et censure de la Commission, notamment) et le dote de davantage de prérogatives législatives, et le Traité d'Amsterdam de 1997, qui consolide la procédure de codécision.

Depuis, le Parlement possède 5 pouvoirs (cf. Olivier Costa)

  • Forum d'expression
  • Nomination/auditions
  • Censure/contrôle
  • Législative (codécision)
  • Budgétaire

La fonction de contrôle est sans doute fondamentale, car au-delà de l'objectif flou de combler le déficit démocratique, le Parlement offre surtout un mécanisme pour affirmer la responsabilité politique de l'Union européenne, son accountability.

Mais le Parlement européen a surtout su consolider son pouvoir en faisant usage de son expertise technique. Comme l'avance Olivier Costa, « Les députés ont admis que l'invocation de leur représentativité démocratique était souvent impropre à susciter la prise en compte de leurs amendements et résolutions par la Commission et le Conseil. Aussi, tendent-ils à l'exiger en brandissant la menace d'un veto ou en faisant valoir qu'ils détiennent une forme d'expertise spécifique qui vient compléter celle de la Commission » (Olivier Costa, « Les pouvoirs législatifs et constituants », p.91, dans Pascal Delwit, Jean-Michel De Waele et Paul Magnette, A quoi sert le Parlement européen ?, Bruxelles, Editions complexe, 1999).

Ce point est important, selon Olivier Costa, « le pouvoir du Parlement ne découle pas de la simple application des règles, mais de leur utilisation stratégique » (Ibid., p.92).

Il dépend notamment de l'issue des débats politiques internes au Parlement qui, toujours selon Olivier Costa, se structurent autour de 3 clivages : partisans d'un parlementarisme latin défendant le débat politique VS partisans d'un parlementarisme anglo-saxon défendant la production de normes; membres des deux partis dominants (le duopole constitué par le Parti populaire européen et le Parti des socialistes européens) VS membres des petits partis sur la question de l'encadrement réglementaire des délibérations, la transparence des débats et du respect des minorités; parlementaires des grands pays VS parlementaires des petits pays, là aussi sur la question du respect des minorités.

Si le Parlement européen est apparu dès ses origines comme organe de l'intégration régionale, l'expérience latino-américaine est quelque peu différente.

 

Tableau des parlements régionaux

En effet, le Parlement latino-américain (Parlatino), est créé le 7 décembre 1964 à Lima, par 14 pays (160 parlementaires présents), comme institution démocratique de caractère permanent, destiné à harmoniser et canaliser le mouvement vers l'intégration, à un moment où il n'y a guère de démocratie dans la région et où l'intégration régionale est balbutiante. Après sa première réunion ordinaire à Lima en 1965, de nombreux coups d'État éloignent pour longtemps la possibilité de voir se réaliser le rêve de Bolivar de disposer d'une Assemblée des peuples d'Amérique.

Pendant 28 ans, le Parlatino se déplace de villes en villes, avec 13 assemblées ordinaires, 5 extraordinaires, 60 réunions de commissions permanentes et 10 conférences interparlementaire Europe/Amérique latine. Il fonctionne sur la base d'un accord entre parlements nationaux, ou tout au moins de ceux qui survivent aux régimes autoritaires, sans interventions des États ni reconnaissance juridique internationale.

Le 12 décembre 1992, le Parlement se fixe à São Paulo, dans un bâtiment dessiné par Oscar Niemeyer qui a voulu symboliser l'union des peuples du continent.

Auparavant, dans le sillage des démocratisations, le Parlatino fait l'objet d'une reconnaissance officielle par les gouvernements, avec la signature d'un Traité d'institutionnalisation, le 16 novembre 1987, toujours à Lima.

En 1991, le Parlatino enfourche un cheval de bataille : la création d'une Communauté latino-américaine des nations (Déclaration de Cartagène, approuvée par 227 délégués de 23 pays lors de la XIIIéme assemblée ordinaire, août 1991, Cartagena, Colombie).

Le groupe de Rio soutient le projet, fin 1992, lors de son sommet à Buenos Aires.

Une première réalisation : janvier 1993, création d'un Université latino-américaine (ULAC), à Brasilia.

Les membres du Parlatino sont au nombre de 21: Antilles néerlandaises, Argentine, Aruba, Bolivie, Brésil, Chili, Colombie, Costa Rica, Cuba, Equateur, El Salvador, Guatemala, Honduras, Mexique, Nicaragua, Panama, Paraguay, République Dominicaine, Suriname, Uruguay, Venezuela. La Communauté latino-américaine de nations est un projet réunissant 19 pays. Les pays de la Caraïbe sont réunis dans la Caricom.

Le projet est lancé au moment de la signature du Traité de Maastricht (1992), cité en exemple de capacité à réunir des peuples diversifiés au sein d'une Union.

Il n'a guère abouti, car les années 90 voient la relance de l'intégration un peu partout dans le continent, et les priorités sont autres.

A l'échelle du continent, on peut aussi citer le Parlement indigène des Amériques, créé à Panama le 31 août 1988. Son siège se trouve au Nicaragua, et il comprend des parlementaires indigènes d'Argentine, Bolivie, Colombie, Équateur, Guatemala, Nicaragua et Panama. Ses débats portent sur l'élaboration de lois favorables aux peuples indigènes.

Parmi les parlements régionaux, il existe un Parlement amazonique, et un Parlement de la Caraïbe (Assemblée de parlementaires de la Communauté) et deux forums à l'échelle des Amériques, le Forum interparlementaire des Amériques (FIPA) et la Confédération parlementaire des Amériques (COPA).

Il existe aussi dans le continent un Parlement andin, dont le traité constitutif est signé le 25 octobre 1979. 

Dans ses attendus, ce traité stipule que les différents gouvernements des cinq pays sont «convaincus que la participation des peuples est nécessaire pour assurer la consolidation et la projection future du processus global d'intégration des pays de la sous-région andine; conscients qu'il est indispensable de créer un moyen commun d'action pour affirmer les principes, valeurs et objectifs qui s'identifient avec l'exercice effectif de la démocratie». Dans son article 2, le traité prévoit que «le Parlement sera composé de représentants des peuples de chacune des Parties contractantes élus au suffrage universel direct...».

L'intégration dans ces conditions s'apparente à la méthode Coué ou au wishfull thinking. Car, en octobre 1979, la Colombie et le Venezuela connaissent des régimes démocratiques depuis de longues années, et l'Équateur depuis six mois, mais tel n'est pas le cas pour les deux autres pays signataires.

Dans les Andes, le recours à l'option parlementaire ne répond donc manifestement pas à une volonté de combler un déficit démocratique. Il correspond bien plutôt à un objectif de d'accompagnement d'une dynamique de démocratisation. Il s'agit de créer une assemblée délibérante, dans le cadre d'un processus d'intégration.

Le Parlement centraméricain (Parlacen) présente un cas de figure différent, créé dans le cadre des efforts de pacification de l'isthme dans la deuxième moitié des années 80.

Dès le premier sommet des présidents, tenu à Esquipulas le 25 mai 1986, l'idée d'un parlement élu au suffrage universel direct est évoquée (point 3) comme outil de dialogue politique pour consolider la paix et la démocratie. 

Le Traité constitutif du Parlement centraméricain (Parlacen) est approuvé le 2 octobre 1987, il entre en vigueur le 1er mai 1990, après que le Guatemala, le Honduras, le Nicaragua et le Salvador aient ratifié le Traité.

Le 28 octobre 1991, le Parlement est inauguré au Guatemala, avec 20 parlementaires élus du Guatemala, Honduras et Salvador.

Le Traité dote le Parlacen d'ambitions. Il s'agit à la fois de créer un forum consultatif, mais aussi d'impulser et orienter le processus d'intégration. Plus précisément, il s'agit aussi de choisir, nommer et révoquer les dirigeants des organes de l'intégration et de proposer des projets de traités.

Le Parlecen ne dispose pas de fonctions législatives et les prérogatives qui auraient pu lui permettre de se consolider, notamment dans un rôle de contrôle politique, ont été immédiatement rognées par le Protocole de Tegucigalpa (décembre 1991) qui créé le Système d'intégration centraméricain (SICA).

Le SICA n'accorde en effet aucun rôle au Parlement en matière de décision, le reléguant à une simple assemblée délibérative.

Au fil des années, le Parlacen a fait usage de sa légitimité démocratique pour s'approprier de nombreux débats et présenter des projets de résolution qui ont été influents. Son élargissement au Nicaragua et à Panama lui a conféré une audience régionale. Demeure l'opposition du Costa Rica,  pays le plus démocratique de la région, qui affaiblit le Parlement.

Le Costa Rica s'obstine à ne voir dans le Parlacen qu'un refuge pour anciens présidents de la république (qui sont membres de droit) qui y trouvent une immunité.

 

Le débat dans le Mercosur

Concernant le Mercosur, le débat concernant la création d'un Parlement est récent et complexe. Il s'inscrit dans le cadre d'une volonté de réforme politique du processus d'intégration.

La crise argentine de 2001 a constitué pour le Mercosur un de ces traumatismes fondateurs qui sont à l'origine du lancement - ou de la relance - de bien des processus d'intégration régionale. De même qu'au milieu des années 1980 les présidents brésilien et argentin, José Sarney et Raúl Alfonsín, avaient cherché à mettre en place un mécanisme de défense collective de la démocratie dans une phase délicate et incertaine de sortie de dictature, de même en 2002, il est apparu indispensable aux chefs d'État des pays membres de doter la région d'un système visant à prévenir les catastrophes macroéconomiques. Or un tel objectif ne pouvait être atteint sans faire franchir un saut qualitatif à l'institutionnalisation du Mercosur.

Certes, les signes avant-coureurs d'une relance étaient déjà perceptibles en 2002, comme en témoignent les discussions entre le président provisoire argentin Eduardo Duhalde et son homologue brésilien Fernando Cardoso. Mais la donne politique a été spectaculairement modifiée par l'élection de Luis Inácio Lula au Brésil (octobre 2002) et par celle de Nestor Kirchner en Argentine (mai 2003) qui ont porté au pouvoir des forces progressistes a priori très favorables à l'intégration régionale. Le 31 octobre 2004, la victoire de Tabaré Vásquez lors de l'élection présidentielle en Uruguay a consacré le basculement à gauche de cette région de l'Amérique latine.

Une fenêtre d'opportunité politique apparaît alors, clairement favorable à une relance du Mercosur. Le POP est réformé en décembre 2004.

Dans le cadre de cette réforme, deux arguments ont présidé au choix de l'option parlementaire.

D'un côté, un souci de légitimité démocratique, de l'autre, un souci d'efficacité. 

Face au problème d'introduction des normes communautaires dans les législations nationales, il est apparu que l'implication des parlementaires, et donc des classes politiques nationales, était de nature à résoudre cette difficulté.

De fait, les parlementaires interviennent, par le biais de la Commission parlementaire conjointe (CPC). L'article 25 du POP prévoit que la CPC doit « accélérer les procédures internes d'incorporation des normes du Mercosur ». Mais un expert remarquait dès juin 2003 que la CPC ne remplissait pas cette fonction de façon satisfaisante, en grande partie parce que la CPC n'est pas associée au processus de prise de décision (Ricardo Alonso García, Informe, Apoyo a la Comisión parlamentaria conjunta del MERCOSUR, 10 juin 2003).

Il recommandait de doter la CPC d'un pouvoir de codécision, préalablement à la création d'un Parlement (Ricardo Alonso García, Informe, Apoyo a la Comisión parlamentaria conjunta del MERCOSUR, 2 octobre 2003).

L'idée de la création d'un Parlement est ancienne.

Le Traité d'Asunción de 1991 prévoyait, dans son article 24, la création d'une Commission parlementaire du Mercosur, afin de « faciliter l'avancée vers la formation d'un marché commun ».

Durant cette année 1991, 3 réunions de parlementaires des quatre pays ont lieu, en mai à Asunción, en juillet à Buenos Aires et en décembre à Montevideo.

Lors de celle de Buenos Aires, est décidée la création d'une Commission parlementaire conjointe (CPC), dotée de prérogatives dépassant ce que les rédacteurs du Traité d'Asunción avaient en tête. La création d'un Parlement du Mercosur est évoquée, afin d'accélérer l'intégration des peuples. En décembre à Montevideo, la CPC est installée et son règlement intérieur approuvé. La CPC est composée de 64 membres, regroupés en 4 sections nationales de 16 parlementaires chacune. L'article 3 de son règlement intérieur mentionne que la Commission aura un « caractère consultatif, délibératif et de formulation de déclarations, dispositions et recommandations ». Par ailleurs, au titre de ses attributions, figure le « développement d'activités nécessaires pour faciliter la future installation du Parlement du Mercosur ».

La CPC est donc en place, bien avant la signature du POP en 1994, et avec des ambitions, quoique confuses.

Le POP inclue la CPC dans la structure organique du Mercosur, mais dans une position relativement subalterne, puisqu'elle ne fait pas partie des organes dotés de capacités de décision. Le POP dispose que la CPC émet des recommandations au Conseil du Marché commun, par l'intermédiaire du Groupe du marché commun.

De surcroît, aucun organe du Mercosur ne prévoit de « consulter » la CPC, en sorte que le « caractère consultatif » auto-attribué par la CPC n'a jamais pu se développer.

Le diagnostic de l'expert : « un rôle consultatif spécifié de façon inadéquate et, de ce fait, dépourvu d'efficacité, une fonction délibérative que l'on peut considérer comme inexistante, des décisions sans définitions précises et, du coup, à l'origine d'une certaine confusion » (Pierre Hontebeyrie, Informe final, Apoyo a la Comisión parlamentaria conjunta del MERCOSUR, Août 2003, p.11).

De plus, l'observation du fonctionnement de la CPC montre qu'elle fonctionne selon des logiques nationales et non interrégionales.

Lors de la première session plénière de la CPC, tenue en mai 1992 à Cordoba (Argentine), le président de la section brésilienne, Nestor Proença, souligne la nécessité de « perfectionner le modèle institutionnel jusqu'à la création d'un Parlement doté de fonctions supranationales » (cité par Pierre Hontebeyrie, dans Informe final, Apoyo a la Comisión parlamentaria conjunta del MERCOSUR, Août 2003).

L'idée de transformer la CPC en Parlement disparaît pourtant pendant plusieurs années, et réapparaît en décembre 1999, lors de la XIVème session plénière de Montevideo. Lors de la XVème session (Santa Fé), la CPC crée en son sein un groupe technique spécialisé pour l'institutionnalisation du Parlement du Mercosur.

Les changements politiques évoqués plus haut créent une structure d'opportunités nouvelles, et la CPC peut enfin développer son projet.

Le 15 décembre 2003, le Conseil du marché commun (CMC) approuve son programme de travail pour 2004-2006, dans lequel il évoque la création du Parlement pour fin 2006 (MERCOSUR/XXV CMC/DEC. 26/03, dans Hacia el Parlamento del MERCOSUR, Una recopilación de documentos, CPC/Fondation Honrad Adenauer, 2004).

Auparavant, un accord interinstitutionnel CPC/CMC avait été signé le 6 octobre 2003, appelé « amendement Alonso », qui prévoyait de renforcer la participation des parlements nationaux à la « conformation de l'ordre juridique du Mercosur ». Dans ce cadre, la CPC doit servir de « laboratoire réel et effectif pour profiler le rôle du futur Parlement régional ».

De son côté, le CMC s'engageait, dans cet accord, à « consulter la CPC pour tous les sujets qui requièrent l'approbation législative pour son incorporation dans les ordres juridiques des États membres » (article 1). En échange, la CPC s'engage à « impulser, à travers ses sections nationales, un travail responsable d'internalisation de la norme Mercosur » (article 2).

Cet accord interinstitutionnel n'a pas produit les effets escomptés.

A ce stade, il est intéressant de noter que la CPC, en dépit de sa capacité à rédiger son propre règlement intérieur, n'a pas su évoluer en 1992 et 1999 vers une affirmation de son rôle politique. Pas plus que l'accord interinstitutionnel de 2003 n'a pu contribuer à cette affirmation.

En juillet 2004, la Commission parlementaire conjointe (CPC) présente un projet de parlement au CMC, immédiatement très critiqué (Voir Fondation Friedrich Ebert (FESUR), Desafíos institucionales para el Mercosur, Documento preparatorio, Seminario, Montevideo, 27-28 de agosto de 2004).

Parallèlement, toujours juillet 2004, les États membres adoptent (Décision CMC n°05/04) un programme d'études pour la SAT du SM qui porte sur la « gouvernabilité démocratique » du Mercosur. Lors du sommet d'Iguazu du 8 juillet 2004, les présidents déclarent vouloir réformer le Protocole d'Ouro Preto.

Dans ce projet, les parlementaires ne sont pas élus au suffrage universel. La comparaison avec le Parlement européen incite le Mercosur à la prudence. Vu du Mercosur, les parlementaires européens sont certes élus au SU, mais le désintérêt des Européens pour ces élections est notoire.

Une représentation équitable des pays est prévu (16 parlementaires chacun) et une procédure de prise de décision à la majorité simple.

Les fonctions sont modestes, faisant dire à la FESUR, qu'il s'agissait plus d'une CPC rebaptisé que d'un véritable parlement.

La FESUR, et en fait derrière elle la SAT, suggérait en 2004 d'ajouter un certain nombre de prérogatives absentes du projet :

  • pour améliorer le rôle de tribune, une clause obligatoire d'information
  • le doter d'un rôle clair dans le processus de prise de décision
  • le doter d'un pouvoir budgétaire ou à tout le moins instaurer une obligation de reddition de compte sur une base annuelle.
  • le doter de la capacité d'auditionner les autorités mercosuriennes.

Pourtant, lors du sommet d'Ouro Preto en décembre 2004, les avancées sont modestes.

Il est vrai qu'en dépit d'un climat politique exceptionnellement propice aux progrès de l'intégration, les dures réalités des conflits commerciaux gâchent en partie l'atmosphère durant l'année 2004. En sorte que le sommet d'Ouro Preto intervient à un moment où l'Argentine et le Brésil échangent des critiques acerbes. Le déficit commercial de l'Argentine vis-à-vis du Brésil est à l'origine de la mauvaise humeur de Kirchner.

 

Comme l'avance Deisy Ventura :

Se trata de una valiosa ocasión perdida para desarmar la bomba del persistente déficit comercial de una Argentina en guardia. Nada más legítimo, y favorable a la integración a largo plazo, que la implantación de un sistema común de gestión de salvaguardias. 

La adopción de criterios legítimos y la creación de un sistema de control comunitario podrían generar mayor tranquilidad para los operadores económicos y permitiría recobrar una parte de la confianza en el carácter benéfico de la integración económica.

Este objetivo parece bastante distante. El Consejo evitó sistemáticamente la toma de decisiones relativas a la unión aduanera y el mercado común. A través de la Decisión CMC Nº 51/04, postergó para junio de 2005 los puntos más importantes del Programa de Trabajo para 2004-2006 que deberían concretarse en esta cumbre, como los reglamentos para medidas compensatorias y antidumping; la defensa de la competencia; la coordinación macroeconómica y la libre circulación de personas.

 

Elle ajoute, concernant le Parlement :

La Decisión CMC Nº 49/04 deviene en un texto jurídico antológico al decidir "dar continuidad a la creación del Parlamento del MERCOSUR". Dicha imposibilidad material se justificaría por la imposibilidad de crear un nuevo órgano a través de una norma que no es un Protocolo. 

Sin embargo, del punto de vista político la Decisión analizada tiene mucho significado. Se imaginaba que Brasil, cuyos líderes más expresivos defendían con entusiasmo la creación inmediata de un Parlamento electo por sufragio universal, sobretodo en la confortable posición de Presidencia Pro Tempore, condicionase la creación del Parlamento a un cierto número de criterios.

Contrariamente, la Presidencia no acordó importancia al texto final de la norma y otorgó a la Comisión Parlamentaria Conjunta tanto la elaboración del Protocolo, hasta el final de 2005, como su implementación, hasta el final de 2006.

Esto significa que el Parlamento MERCOSUR dependerá de cuanto los parlamentarios de los cuatro Estados, a través de sus Casas Legislativas, sean capaces de invertir en este espacio; si los actores que emergerán serán integracionistas o no; y si tienen claro el rol que un Parlamento debe desempeñar en un proceso de integración.

 

Au final, on peut conclure que la CPC n'a pas su évoluer, depuis 1991, vers une dynamisation de ses fonctions, sans doute parce que la région ne possède guère de tradition parlementaire.

Le passage à un Parlement qui n'est pas précédé par une montée en puissance de la CPC peut-il réussir ? On peut en douter.

Mais peut-être les concepteurs du Parlement ont-ils choisi l'option fonctionnaliste d'un Parlement utilitaire, servant à accélérer l'internalisation des normes, grâce au cumul des mandats, et non l'option substantielle d'un Parlement démocratisant, servant à créer une illusion de démocratie. L'exemple européen est là pour montrer que l'Assemblée avant 1979 a été très fonctionnelle.

 

Pour en savoir plus sur le Parlasur

 

Liste des Parlements régionaux

 Organisations inter-parlementaires

 Parlements liés à des processus d'intégration

 

Travaux d'étudiants

 

Mise à jour le Mardi, 30 Mars 2010

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