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ELIPSS : portrait des Français confinés

Illustration d'après MuchMania (via Shutterstock)

Crédits : Gouvernement de la République française

Le 16 mars dernier, une décision gouvernementale allait bouleverser pour quelques mois notre quotidien et nos déplacements : la distanciation sociale par le confinement.
Pour évaluer l’impact de ces mesures exceptionnelles sur la population, l’équipe du projet Faire face au Covid-19: Distanciation sociale, cohésion, et inégalité dans la France de 2020 (ANR CoCo) a travaillé avec celle du dispositif d’étude longitudinale par Internet ELIPSS afin d’établir et mettre en œuvre les procédés de mesure quantitative nécessaires.

Un dispositif éprouvé

Depuis 2012, de nombreuses données sont collectées régulièrement auprès du panel ELIPSS, un échantillon représentatif de la population géré au Centre de données socio-politiques (CDSP). Ces données longitudinales contribuent à évaluer l’évolution des pratiques et attitudes des individus et à identifier les changements.
L’ensemble des informations recueillies par ELIPSS donnent une image fidèle de la situation de population avant le confinement et servent de socle de référence aux analyses à venir.

Des adaptations nécessaires

Pour répondre au besoin exceptionnel du projet CoCo, l’équipe ELIPSS a adapté ses procédures pour accroître la fréquence de l’enquête et l’accompagner d’un volet qualitatif. D’un format initial d’une enquête par mois, l’équipe a développé un dispositif de suivi resserré constitué d’une enquête tous les quinze jours et d’un journal de bord quotidien pour certains panélistes de l’échantillon.
Cinq vagues d’enquête ont été administrées au panel ELIPSS à compter du 1er avril, avec un intervalle de deux semaines entre chaque questionnaire, pour couvrir différentes phases de la crise du Covid-19. Une sixième vague évaluera la nouvelle normalité post-épidémie.
En parallèle, un dispositif de journal de bord quotidien a été mis en place pour certains panélistes afin d’enrichir le volet qualitatif ; ils se sont vus proposer une série de questions ouvertes sur le vécu du confinement.

Confinés mais en bonne santé

Les données d’enquête ont fait l’objet d’analyses primaires publiées dans les policy briefs relatifs à chaque vague, tout au long du projet.
Un des résultats de la deuxième vague d’enquête (questionnaire du 15 au 22 avril 2020) peut paraître surprenant : au bout d’un mois de distanciation sociale, les répondants ne semblent pas démoralisés par le confinement.
Comparées aux données de l’enquête annuelle menée par ELIPSS depuis 2017, leurs déclarations sur leur santé et sur leur bien-être général atteignent des scores plus élevés que les années précédentes (voir graphique). On remarque également que certains facteurs amplifient ces effets positifs, par exemple les foyers disposant des revenus les plus hauts, ou encore les cadres et agriculteurs se déclarent en meilleure en santé.
Ce phénomène est décrit par l’équipe de recherche comme le paradoxe de « l’œil du
cyclone » : confronté à un événement sanitaire grave, il semble plus facile de se considérer en « bonne santé ».


Source : Enquête « Faire face au Covid-19 – 1ère & 2ème vague (CoCo-1&2), 1-8 & 15-22 avril 2020, Enquête annuelle 2017, 2018 et 2019, ELIPSS/CDSP ». Nombre de personnes interrogées : 834.
Lecture : La ligne verte dans le graphique supérieur gauche montre que 10 % des employés ont déclaré être en « très bonne » santé dans l’enquête de 2017, ils sont près de 20% dans la dernière enquête. Les deux graphiques de gauche indiquent les tendances temporelles par profession et les deux de droite par tercile de revenu disponible des ménages. Les deux graphiques supérieurs indiquent la proportion de personnes interrogées qui se disent en « très bonne » santé et les deux graphiques inférieurs montrent l’évolution de l’indice de bien-être subjectif. Cet indice est constitué d’une moyenne de six questions qui portent sur le sentiment de nervosité, de découragement, de détente, de tristesse, de bonheur et de solitude. Les réponses sont échelonnées entre 0 et 1, 0 indiquant le niveau de bien-être le plus bas et 1 le plus élevé possible.


Si ces résultats sont relativement contre-intuitifs, ils n’auraient pas pu être mis en évidence sans des données pré-existantes de qualité. C’est là tout l’intérêt et l’originalité du panel ELIPSS : collecter et mettre à disposition une base de données longitudinales sur la société française pour les études actuelles ou à venir.
Sciences Po, avec l’équipe ELIPSS propose ainsi à toute la communauté de recherche un dispositif robuste, ouvert (données diffusées à l’usage des chercheurs) et apte à suivre les évolutions et tendances de la société.