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Qu’est-ce qui fait descendre l’extrême droite dans la rue ?

Sofia, Bulgaria - February 16, 2019: Members and supporters of nationalist organizations participate in Lukovmarch procession - a march in commemoration of general Hristo Lukov. Crédits : Belish / Shutterstock

Lors d’élections récentes, les partis d’extrême droite ont renforcé leur ancrage au Parlement européen, à l’Assemblée nationale en France et dans deux länders de l’est de l’Allemagne. Mais l’extrême droite se manifeste aussi de plus en plus dans la rue, comme l’ont illustré les émeutes de cet été au Royaume-Uni. Sur quoi se mobilise l’extrême droite européenne dans l’arène protestataire ? Qu’est-ce qui fait descendre ces mouvements dans la rue ?

Ce sont des questions auxquelles permet de répondre l’observatoire Far-Right Protest Observatory (FARPO) auquel participent Caterina Froio et Pietro Castelli Gattinara du Centre d’études européennes et de politiques comparées de Sciences Po.

Sans surprise, dans le sillage de la crise des politiques d’asile européen, les questions migratoires et liées aux minorités ont été le premier motif de mobilisation au cours de la période 2008-2018, dans tous les pays étudiés. Mais la proportion des manifestations qui y ont été consacrées varie assez sensiblement selon les pays : autour de 60 % ou plus en France, en Suède, en Autriche et au Royaume-Uni, contre autour de 30 % ou moins en Italie, en Grèce et en Bulgarie.

La part des autres thèmes est plus variable d’un pays à l’autre : au cours de la période, 30 % des mobilisations en Slovaquie ont eu pour objet des commémorations. Près d’un quart des mobilisations en Italie (soit presque autant que sur les questions migratoires) ont porté sur des questions économiques et sociales, et 17 % en Grèce. Ces mobilisations s’inscrivent dans le contexte de la Grande Récession de 2008, qui a particulièrement touché ces deux pays, et dénoncent notamment l’augmentation du coût de la vie. Tandis que l’extrême droite polonaise a consacré 23 % de ses mobilisations à s’opposer à des droits civiques (comme les droits des personnes droits LGBTQI+ et le droit à l’avortement). Enfin, L’Europe et la politique étrangère mobilisent assez peu.

FARPO (pour Far-Right Protest Observatory), l’Observatoire des manifestations protestataires d’extrême droite, comprend deux jeux de données différentes : le premier (FARPE), dont provient ce graphique, offre une cartographie des mobilisations d’un échantillon d’acteurs d’extrême droite (des partis politiques tels que le Front National-Rassemblement National, ainsi que des mouvements comme PEGIDA en Allemagne ou CasaPound en Italie) dans 12 pays (Autriche, Bulgarie, Estonie, France, Allemagne, Grèce, Hongrie, Italie, Pologne, Slovaquie, Suède, Royaume-Uni) pour la période 2008-2018. Le second (CFP), 2008-2021, élargit l’analyse à la totalité des acteurs d’extrême droite dans 14 pays (Autriche, Belgique, France, Géorgie, Allemagne, Grèce, Italie, Pays-Bas, Norvège, Pologne, Slovaquie, Espagne, Suède, Ukraine).

Ces jeux de données peuvent permettre de comprendre les moteurs, la dynamique et les effets des manifestations des groupes d’extrême droite, grâce notamment à l’inclusion d’informations cruciales telles que le lieu, la date, l’initiateur et le motif de chaque événement. En définitive, ces recherches aident à comprendre comment les formations d’extrême droite s’implantent dans la société civile et contribuent à restructurer le débat et les conflits politiques.

Cet outil est le fruit du travail d’une équipe internationale dirigée par Pietro Castelli Gattinara (Sciences Po, CEE et ULB, Cevipol), Caterina Froio (Sciences Po, CEE), Andrea Pirro (Université de Bologne) et Anders Ravik Jupskås (Université d’Oslo, C-REX). Les données ont été recueillies au cours de plusieurs projets financés par le Centre de recherche sur l’extrémisme (C-REX), le programme de recherche et d’innovation Horizon 2020 de l’Union européenne (subvention Marie Skłodowska-Curie n° 883620) et la Fondation nationale des sciences politiques.

Sources :

Castelli Gattinara Pietro, Froio Caterina, et Pirro Andrea LP. (2022) Far‐right protest mobilisation in Europe: Grievances, opportunities and resources. European Journal of Political Research, 61(4), 1019–1041

Castelli Gattinara Pietro, Caterina Froio, Andrea Pirro, Iris Beau Segers and Anders Ravik Jupskas, The Far-Right Protest Observatory, farpo.eu

En savoir plus :

Lire un entretien avec Pietro Castelli Gattinara et Caterina Froio :

En Europe, 20 ans d’activisme extraparlementaire de l’extrême droite sous la loupe des chercheurs, CNRS le Journal, 28 juin 2024