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[POLICY BRIEF D’ÉTUDIANTS] Comment l’Union européenne devrait-elle réglementer les interfaces truquées ?

Par Thomas Akhurst, Laura Zurdo Riccardo Rapparini & Christoph Mautner Markhof


La Chaire Digital, Gouvernance et Souveraineté publie régulièrement les meilleurs essais et articles rédigés par les étudiants de Sciences Po dans le cadre de leurs études.

Ce Policy Brief a été sélectionné comme l’un des meilleurs travaux rédigés dans le cadre du cours enseigné par le Pr Florence G’sell « Comparative Approach to Big Tech Regulation » (approche comparative de la régulation des big tech) au printemps 2023.


En novembre 2022, la législation sur les services numériques de l’Union européenne (UE), ou Digital Services Act (DSA), est entrée en vigueur. Elle impose de nouvelles obligations aux intermédiaires en ligne afin de protéger les droits fondamentaux des utilisateurs en ligne. Parmi une série de règles, l’article 25 établit une interdiction des interfaces truquées, ou dark patterns. Cette note politique analyse l’approche de la loi sur les services numériques à l’égard des « dark patterns » (en français : interfaces truquées) à travers la question de recherche suivante :

« Comment l’interdiction des interfaces truquées prévue par la loi sur les services numériques doit-elle être mise en œuvre ?   

Après avoir présenté le contexte politique dans la section 1 et fourni une analyse descriptive du DSA et de ses antécédents en ce qui concerne les interfaces truquées dans la section 2, la section 3 analysera quatre questions pertinentes pour la mise en œuvre de l’article 25. Ces conclusions visent à orienter la mise en œuvre de l’article 25 de la législation sur les services numériques par la Commission européenne (CE ou Commission), en mettant en évidence quatre domaines que la Commission doit aborder, que ce soit par le biais de lignes directrices sur l’article 25 et/ou d’actes délégués. La discussion sera structurée selon la logique des cercles concentriques, s’étendant d’une perspective étroite à une perspective large. La première question abordée, celle des « définitions juridiques », explore les incertitudes liées aux termes dans l’article. La deuxième question, celle de la « portée juridique », s’étend sur l’article 25 afin d’évaluer la manière dont il pourrait interagir avec la réglementation préexistante sur les interfaces truquées, en particulier le règlement général sur la protection des données (RGPD) et la directive sur les pratiques commerciales déloyales (DPCD). Notre troisième question dépasse la dimension juridique pour s’intéresser aux implications pratiques de la mise en œuvre, à savoir, de quelle manière l’article 25 influe sur les personnes chargées de faire respecter les interdictions relatives aux interfaces truquées et sur la manière dont elles le font. La quatrième question adopte une vision holistique du DSA, en explorant les dispositions en dehors de l’article 25 qui pourraient être utilisées pour lutter contre les interfaces truquées. Enfin, la dernière section présente une série de recommandations.

  1. Clarifier les termes : (i) la personnalisation manipulatrice de l’interface serait mieux traitée en renforçant la protection des données du RGPD, (ii) un effet trompeur potentiel devrait être suffisant pour satisfaire à l’article 25 (iii) la norme utilisée pour évaluer si une pratique est susceptible de tromper devrait être inférieure à celle du consommateur moyen, afin de tenir compte des asymétries numériques.
  2. Clarifier le champ d’application : définir l’interaction entre les champs d’application du DSA, de la DPCD et du RGPD.
  3. Coordonner l’application de la législation, en particulier entre les coordinateurs du service numérique et les autorités chargées de la protection des consommateurs.
  4. Exploiter toute la « boîte à outils » du DSA, car il existe d’autres dispositions du DSA qui peuvent être utilisées pour lutter contre les interfaces truquées, au-delà de l’interdiction prévue à l’article 25.


Tom Akhurst : Master en politiques publiques de Sciences Po, filière numérique, nouvelles technologies et politiques publiques ; titulaire d’une licence de lettres de l’université de Melbourne ; mémoire sur la « route de la soie numérique » de la Chine ; ancienne plume d’un ministre du gouvernement australien ; ancien chercheur à l’institut Blueprint.

Laura Zurdo : Master en politique publique, filière numérique, nouvelles technologies et politique publique ; diplômée en droit et relations internationales, Universidad Pontificia de Comillas (Madrid) – ICADE ; réglementation des plateformes numériques européennes ; analyste politique chez Tremau.

Riccardo Rapparini : Master en politique publique – filière numérique, nouvelles technologies et politique publique ; licence en philosophie, politique et économie (PPE), Vrije Universiteit Amsterdam ; consultant externe auprès de l’Observatoire des politiques d’IA de l’OCDE.

Christoph Mautner Markhof : Master en politique publique : filière numérique, nouvelles technologies et politique publique ; Politique, Psychologie, Droit and Economie (PPLE), Université d’Amsterdam ; Major en Politique.