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06.12.2022

Journée d’étude doctorale du CEE : mieux comprendre “ce que les villes font aux migrants, ce que les migrants font à la ville”

“Villes et migrations : regards croisés sur des interdépendances”. Tel est le titre de la journée d’études doctorales organisée par Marcela Alonso Ferreira, Jean-Baptiste Chambon, Soazig Dollet et Viviane Spitzhofer, doctorantes et doctorant au CEE, et tous membres de l’axe de recherche “Villes, frontières et (im)mobilités”. Cette journée, organisée en mode hybride, en français et en anglais, rassemblera des doctorantes et doctorants de Sciences Po (CRIS, CERI, Médialab), d’autres établissements français mais aussi d’Autriche, de Grèce, d’Italie et de Suisse. Entretien avec deux des organisatrices.

Pourquoi est-il intéressant de lier villes et migrations comme vous le faites dans cette journée d’études ? En quoi ce croisement est-il d’actualité ?

Soazig Dollet : L’actualité française s’est récemment invitée à cette journée d’études – et dans ma thèse qui porte sur les parcours d’ancrage de personnes réfugiées : en septembre dernier, Emmanuel Macron a plaidé pour une meilleure répartition spatiale des primo-arrivants en France, notamment dans les zones rurales. À voir ce que donneront les débats autour de la future loi Asile et Immigration, qui sera discutée début 2023. Mais il semblerait que le gouvernement souhaite renforcer l’aspect contraignant des orientations des demandeurs d’asile. Le lien entre phénomène migratoire et territoires s’en trouverait conforté.

Marcela Alonso Ferreira : Le phénomène migratoire se concentre en général dans les grandes villes. Dans les faits, l’histoire des villes et celle des migrations sont entremêlées et les migrations ont contribué à la croissance des grandes villes. Par exemple, dans ma thèse, j’étudie les politiques concernant le logement informel dans les villes de Sao Paulo et Mexico et ce logement informel s’est développé en particulier sous l’effet des migrations, surtout entre les années 1960 et 1980. C’est donc un sujet relativement ancien, mais qui se renouvelle : on a vu beaucoup de thèses sur les migrations commencer après la “crise” de 2015 , en Europe surtout. Par ailleurs, le sujet reste important pour le futur : avec la crise climatique, les mouvements migratoires sont amenés à prendre de nouvelles formes et dimensions.

Pouvez-vous nous présenter le principe et les grandes lignes de cette journée ?

M.A.F : Le but de cette journée est de discuter de projets de recherche doctorale en train de se faire. La spécificité de ce format est que seules des personnes en cours de doctorat ou venant de soutenir pouvaient répondre à l’appel à communications. En revanche, tout le monde est invité à participer aux discussions. Ces temps d’échange regroupent chercheuses et chercheurs en cours de thèse et confirmés. Cette journée d’études, organisée depuis quatre ans par les doctorantes et doctorants du CEE, est portée chaque année par les membres d’un axe de recherche différent. Pour cette quatrième édition, il s’agit de “Villes, frontières et (im)mobilités”..

S.D. : Autre spécificité, on ne se contentera pas de “localiser” les migrations, on s’intéressera aux interdépendances entre villes et migrations. Autrement dit, pour reprendre le titre d’un projet dirigé par Michel Agier (IRD et EHESS), on souhaite regarder “ce que les villes font aux migrants, ce que les migrants font à la ville”. L’idée est de croiser les regards, de faire des allers-retours entre sociologie des migrations et études urbaines. D’ailleurs, la journée sera introduite par une présentation par Tommaso Vitale, Associate Professor de sociologie au CEE et doyen de l'École Urbaine de Sciences Po, de son HDR qui croise les questions migratoires et urbaines*. Puis, lors de la première table ronde "Dynamiques migratoires, inégalités urbaines et identités", on se demandera dans quelle mesure la ville produit des inégalités parmi les migrants mais aussi si la présence de personnes en situation de migration vient renforcer des inégalités territoriales existantes. La deuxième table ronde portera sur la fabrique des politiques publiques – un sujet classique certes – mais avec une attention particulière sur la place des publics ainsi que sur les autres formes de gouvernance, non organisées par des pouvoirs publics. Enfin, la troisième table ronde est ancrée dans l’actualité : quel lien entre migrations et politisation à l’échelle locale ? On s’interrogera sur les mobilisations de citoyens ou d’associations engagés pour la cause des exilés, associées – ou pas – à celles des personnes elles-mêmes, ainsi qu’aux réactions d’hostilité que cette question suscite.

D’après le programme, votre journée d’études s’annonce pluridisciplinaire et très internationale...

M.A.F. : Nous avons été positivement surprises de recevoir des propositions de doctorantes et doctorants pas uniquement de France, mais aussi d’Autriche, de Suisse, d’Italie, de Grèce ! Cela va nous permettre de comparer des terrains variés, en Europe et au-delà (Paris, Bruxelles, Genève, des villes de Sicile, de Grèce, de Malte, Istanbul, Détroit). De plus, la journée est organisée en mode hybride afin de permettre au plus grand nombre de prendre part aux échanges. Nous sommes ravies d’avoir des inscrits du monde entier !

Différentes disciplines seront représentées : la sociologie, l’anthropologie, la science politique, etc. Mais c’est moins surprenant pour nous dans la mesure où les villes et les migrations sont des objets étudiés par de nombreuses disciplines. Au CEE, notre axe est le plus interdisciplinaire.

Comment cette journée va-t-elle nourrir vos recherches ?

S.D. : Cette journée est l'occasion pour nous de sortir de notre zone de confort, de nous confronter à d’autres littératures, à d’autres grilles de lecture, de nous poser de nouvelles questions. Dans quelle mesure les discussions vont-elles entrer en résonance avec nos recherches et nourrir nos réflexions ? Nous aurons la réponse à la fin de la journée !

* Habilitation à diriger des recherches intitulée “Roma in European Cities. The Contentious Embeddedness” et soutenue le 22 avril 2022.

Propos recueillis par Véronique Etienne, chargée de médiation scientifique au CEE


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