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Les cours d’école : une réponse aux défis climatiques du XXIe siècle ?

La cour Oasis de l'école maternelle Emeriau - juillet 2021 - ©Théo Ménivard / CAUE de Paris.

La cour OASIS de l’école maternelle Emeriau – juillet 2021 – ©Théo Ménivard / CAUE de Paris.

Comme toutes les grandes métropoles, le territoire parisien est et sera particulièrement affecté par le réchauffement climatique qu’il produit et subit. Mais c’est aussi un lieu regorgeant de potentiels en matière de socialisation, d’éducation et d’innovation. Aussi, dans le cadre de sa stratégie de résilience face aux grands défis du XXIe siècle, la ville de Paris a lancé en 2018 le programme « OASIS » » (Ouverture, Adaptation, Sensibilisation, Innovation, Solidarité) visant à adapter les cours d’école au changement climatique, tout en les exploitant comme outil de transformation des liens sociaux. Aux côtés de nombreux partenaires(1)Outre la Mairie et les établissements scolaires, il comprend plusieurs acteurs : le Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement de Paris (CAUE 75), la Ligue de l’enseignement, Météo France, mais aussi des scientifiques appartenant au Laboratoire interdisciplinaire des énergies de demain (LIED) de l’Université de Paris et au Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (LIEPP) de Sciences Po. Ce programme est co-financé à hauteur de 5 millions d’euros par le Fonds européen de développement régional (FEDER), instrument au service de la politique de cohésion de l’Union européenne., le Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (LIEPP) de Sciences Po a été associé au projet OASIS, dès sa phase de conception, afin d’en évaluer les résultats étape par étape, objectif par objectif.
Entretien avec Carlo Barone, chercheur au Centre de recherche sur les inégalités sociales, associé au laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques.

Pouvez-vous nous expliquer brièvement en quoi consistaient le projet et ses principaux objectifs ?

Les cours des écoles et des collèges représentent plus de 70 hectares de surface et sont réparties de manière homogène sur le territoire. Souvent asphaltés et imperméables, ces espaces participent massivement à l’effet d’ilot de chaleur urbain. Ils sont de plus fermés au public le weekend, alors même que Paris manque d’espaces de convivialité, rafraichis et accessibles à tous. Le projet OASIS vise à transformer progressivement les cours des écoles et des collèges en ilots de fraicheur grâce à la végétalisation générant de l’ombrage, des matériaux à la fois naturels et innovants, moins d’asphalte, des sols perméables, l’installation de fontaines et de jeux d’eau.
Le projet nourrit aussi des ambitions pédagogiques et sociales, qui sont à la fois des objectifs et des outils de conception des nouvelles cours : sensibiliser et éduquer aux enjeux environnementaux ; favoriser le lien social et la participation à l’échelle du quartier.
Cette transformation tente d’impliquer au maximum les communautés éducatives et les premiers utilisateurs de ces cours — les enfants et adolescents — en développant une méthodologie de co-conception. Le projet OASIS vise aussi à sensibiliser, éduquer et engager les citoyens, petits et grands, dans l’amélioration de leur cadre de vie, renouveler les usages, aller vers plus de mixité et d’appropriation de ces espaces de proximité. Sur la base du volontariat, les cours OASIS sont ainsi ouvertes à d’autres usages hors temps scolaire afin de renforcer la convivialité et d’offrir des espaces refuges aux populations vulnérables pendant les épisodes de fortes chaleurs. La réflexion sur l’adaptation des cours d’école propose également de sortir des schémas stéréotypés : filles et garçons, petit·e·s et grand·e·s, calmes ou énergiques ; chacune et chacun doit pouvoir évoluer dans l’espace récréatif de ces cours renouvelées.

De quelle manière le Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques y a-t-il pris part ?

Rondin servant d'assise, cour de l'école maternelle Emeriau - Paris 15e - ©CAUE de Paris.

Rondin servant d’assise, cour de l’école maternelle Emeriau – Paris 15e – ©CAUE de Paris.

L’équipe du LIEPP a réalisé l’évaluation de l’impact social du projet autour de trois volets : la co-construction entre les différents acteurs ; l’évolution des usages des cours d’école par les élèves et les acteurs du quartier ; les changements des connaissances et des attitudes des élèves par rapport au changement climatique. Plusieurs établissements scolaires ont été sélectionnés pour des séances d’observation avant et après les aménagements et les actions éducatives portées par les partenaires du projet.
Concernant le premier volet, les chercheurs ont suivi la phase de co-construction in situ avec des méthodes d’observation participante, comprenant des ateliers et des assemblées citoyennes associant communautés éducatives, architectes du Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement (CAUE), Ligue de l’enseignement, enfants et parents.
En ce qui relève des usages des cours, ont été notamment évaluées leur mixité (par catégorie de sexe et d’âge), la coopération et la prévention des conflits entre élèves, les interactions avec la nature. Une grille d’observation a été élaborée et renseignée pendant les temps d’utilisation des cours par les élèves, complétée par des observations qualitatives et des entretiens avec les équipes éducatives.
Le volet « connaissance des effets du changement climatique » a été mesuré par administration de questionnaires auprès des élèves et des entretiens avec les responsables d’ateliers animés par Météo France pour la mise à disposition de contenus, mais toujours animés par les enseignant.es.

 Quels sont les principaux résultats de cette étude ?

Sur l’évaluation des usages, trois évolutions de comportement et d’usages ont pu être relevées suite aux nouveaux aménagements : la mixité de genre est plus importante, le niveau de conflictualité a diminué tandis que les interactions avec la nature ont augmenté. Les jeux collectifs autour des cabanes ou des buttes concurrencent les traditionnels jeux de ballon masculins. Toutefois, si ce constat est valable pour la maternelle et l’école élémentaire, il ne l’est pas au niveau des collèges. Des éléments de la socialisation adolescente et des rapports de genre participent à expliquer le phénomène. L’ouverture des cours aux habitants du quartier le weekend débutait lors du travail de terrain des chercheurs, mais les premières observations montrent une bonne fréquentation qui témoigne de l’attrait des aménagements OASIS et d’un début d’appropriation.
Concernant l’approche participative, par la co-construction du projet, on a constaté que les ateliers organisés ont suscité un fort engouement des élèves et entrainé des résultats probants. L’expression des enfants n’a pas été bridée, mais plutôt guidée par les animateurs. Le dispositif de recueil des propositions avec l’aide de plans et de maquettes a pu aboutir à un certain degré d’homogénéisation permettant de nourrir et d’influencer la réflexion des adultes (communauté éducative, architectes, paysagistes, institutions, politiques). Mais une plus forte articulation avec les professionnels, les programmes scolaires et les ressources pédagogiques existantes est préconisée.

Chantier participatif de plantations à l'école maternelle Dolent - mars 2021 - ©CAUE de Paris.

Chantier participatif de plantations à l’école maternelle Dolent – mars 2021 – ©CAUE de Paris.

Autre résultat notable, la démarche présente un grand intérêt pour l’éducation civique des élèves et leur initiation à l’action publique.
Sur la connaissance et l’intérêt des élèves pour les enjeux du changement climatique, Météo France a proposé dans dix établissements un parcours pédagogique sur la météorologie et la climatologie sous forme d’ateliers et de livrets. Les questionnaires administrés avant le début de cette formation montraient que la notion de changement climatique était floue, et que les élèves maitrisaient peu les éléments influant sur la température. Le changement climatique n’est pas vu comme un danger pour nombre d’élèves ou est fortement méconnu. Par exemple, 33 % acceptent l’idée que le changement climatique correspond à l’alternance des saisons. On a pu mettre en évidence un certain fatalisme : 36 % des répondants ne valident pas notre capacité à agir contre ce phénomène. On note dans les réponses des disparités importantes entre établissements, en lien avec le projet d’établissement et l’investissement des équipes éducatives sur le sujet. Globalement les élèves ont apprécié ces ateliers et les enseignants ont trouvé que l’école devait aussi être un lieu de discussion sur ces sujets. Les chercheurs ont émis des recommandations pour plus décliner les supports et outils par niveau d’apprentissage, et adapter les ateliers aux contraintes horaires des enseignements.

Lire aussi :  L’évaluation de l’impact thermique des cours OASIS,  par Martin Hendel (LIED et co-directeur de l’axe politiques environnementales du LIEPP)

Carlo Barone est professeur des universités en sociologie, chercheur au Centre de recherche sur les inégalités sociales (CRIS) et directeur de l’axe Politiques éducatives du LIEPP, responsable du projet OASIS au LIEPP 
Anne-Cécile Caseau, docteure en Science politique et études de genre est assistante de recherche sur le projet OASIS au LIEPP. Elle est actuellement chercheuse à l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP.)

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Notes

Notes
1 Outre la Mairie et les établissements scolaires, il comprend plusieurs acteurs : le Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement de Paris (CAUE 75), la Ligue de l’enseignement, Météo France, mais aussi des scientifiques appartenant au Laboratoire interdisciplinaire des énergies de demain (LIED) de l’Université de Paris et au Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (LIEPP) de Sciences Po. Ce programme est co-financé à hauteur de 5 millions d’euros par le Fonds européen de développement régional (FEDER), instrument au service de la politique de cohésion de l’Union européenne.