Les violences de masse japonaises et leurs victimes pendant la "guerre de Quinze Ans" (1931-1945)

Date: 
13 Mai, 2011
Auteur: 
DOGLIA Arnaud

De la fin du XIXe siècle jusqu’en 1945, le Japon se positionne comme une nation coloniale au même titre que les autres grandes puissances. Suite à la restauration de Meiji de 1868, il est possible d’identifier clairement une volonté de transformer le Japon en un État capable de rivaliser avec les puissances occidentales et de leur résister. Après une série de victoires militaires, les territoires voisins sont peu à peu transformés en colonies. À la fin des années 1930, et nonobstant la Chine, la plus grande partie de l’Asie du Nord-Est est sous domination japonaise. Les îles Kouriles (acquises par traité en 1875), Taiwan (1895), la moitié sud de l’île de Sakhaline (1905), les territoires du Kwantung (1905), la Corée (1910) et les îles du Pacifique sous mandat japonais (1919) tombent les uns après les autres dans la sphère d’influence japonaise en voie de constitution. Ainsi, l’expansion japonaise se dirige-t-elle vers l’Asie du Nord-Est, vers l’Asie du Sud-Est mais également vers le Pacifique, avec les territoires pris à l’Allemagne.

Cette situation sert les intérêts des élites militaires et politiques à Tokyo : le nationalisme est un sentiment politique en expansion dans le pays et les victoires récemment remportées rappellent au Japon qu’il doit étendre et sécuriser ces territoires fraîchement acquis outremer. Dans ce but, l’armée du Kwantung (関東軍 Kantô gun en japonais) est créée en 1919 afin de défendre les intérêts de l’archipel sur le continent. La péninsule coréenne (annexée en 1910) et la Mandchourie du Sud (où les intérêts économiques japonais sont de plus en plus considérables) sont l’objet d’une large campagne de propagande par le gouvernement après la Grande Dépression de 1929. On montre le continent comme un nouvel eldorado pour la population. La poursuite de la colonisation du continent asiatique est alors présentée par les milieux nationalistes comme la seule option pour la survie de l’Empire japonais ‒ notamment à travers la mise en place d’une forme d’autarcie économique. Dans la perspective des élites de Tokyo, même si le Japon s’étend au sud-est et dans le Pacifique, c’est en privilégiant le contrôle de l’Asie du Nord-Est que cet objectif sera atteint.

Les autorités japonaises coloniales voient d’un très mauvais œil les tensions grandissantes entre les populations locales (harcelées par les mouvements ultranationalistes japonais) et les pionniers venus de l’archipel s’installer en Mandchourie. Ces résistances sont autant de prétextes avancés par l’état-major japonais stationné sur le continent pour exercer une pression de plus en plus forte sur les autorités chinoises en Mandchourie du Sud, où le pouvoir politique est de facto aux mains d’un seigneur de guerre local, Zhang Zuolin, qui ne sera éliminé qu’en 1928. Le 18 septembre 1931, l’armée du Kwantung commandite un attentat sur une voie ferrée appartenant à la Compagnie du chemin de fer sud-mandchourien et dénonce immédiatement un acte de sabotage orchestré par les Chinois. Il apparaît alors clairement qu’on ne peut considérer l’armée japonaise comme un monolithe agissant de manière similaire en tout lieu, et cet épisode démontre l’existence d’un certain degré d’autonomie au sein de cette structure particulière : l’armée du Kwangtung a une responsabilité bien spécifique dans le déclenchement du conflit.

Connue comme l’« incident de Mandchourie » (満州事変 Manshû jihen), cette affaire revêt une signification particulière au Japon aujourd’hui encore, non seulement comme symbole d’impérialisme et d’agression, mais aussi comme point de départ d’une campagne militaire visant à envahir la Chine (Matsusaka, 2001 : 349-387). Moins d’un an plus tard, la totalité de la Mandchourie est sous contrôle japonais et l’État fantoche du Mandchoukouo est mis en place par les dirigeants ultranationalistes de l’armée du Kwantung, sous la supervision du gouvernement de Tokyo. Le 28 janvier 1932, un autre incident orchestré par l’armée japonaise à Shanghai déclenche le « Premier incident de Shanghai » (上海事変 shanghai jihen), dont les combats se poursuivent jusqu’au 3 mars de la même année. En 1934, suite au refus de la Société des nations (SDN) de reconnaître la légitimité et l’indépendance de l’État du Mandchoukouo, le Japon se retire de cet organisme international, accentuant ainsi son isolement politique et diplomatique.

C’est dans ce contexte que le Japon s’engage dans ce que les Occidentaux appellent aujourd’hui la Seconde Guerre mondiale, mais qui est désignée dans l’archipel par les spécialistes contemporains comme la « guerre de Quinze Ans » (十五年戦争 Jûgo nen sensô), expression créée par l’historien et philosophe Tsurumi Shunsuke (鶴見俊輔) en 1956. Ainsi, a posteriori et vu du Japon, le découpage temporel comme la dénomination du conflit diffèrent. Aujourd’hui, cette guerre qui débute en 1931 peut être perçue comme une expérience continue de violences de masse contre un ennemi « asiatique » (principalement chinois) qui acquiert une dimension mondiale en décembre 1941 avec l’attaque de Pearl Harbor (qui déclenche une guerre principalement dirigée cette fois-ci contre les Anglo-Saxons). Quelques jours plus tard, le conflit devient au Japon la « guerre de la Grande Asie » (大東亜戦争 Daitôa sensô, terme interdit par les autorités d’occupation le 15 décembre 1945), et se conçoit comme un moyen de « libérer » les pays de la région de l’impérialisme occidental pour y substituer une domination japonaise. On insiste alors sur l’expérience asiatique des hostilités (Narita, 2005 : 10-11) et les dix premières années de guerre sont considérées comme un conflit quasi exclusif entre la Chine et le Japon. Il n’est donc pas surprenant de voir cette période occultée par les discours européens sur la Seconde Guerre mondiale. De la même manière, et bien que pour la population japonaise la guerre s’achève en août 1945, certains historiens estiment quant à eux qu’elle prend fin en 1952, une fois l’occupation de l’archipel par les alliés terminée (Dower, 1999 : 25). Cette différence de perception est également parfaitement illustrée par le traitement historique accordé au « Massacre de Nankin » de 1937-1938 (voir infra) : alors que depuis plus de 20 ans, cet épisode fait l’objet au Japon d’une vive querelle historiographique, il n’a attiré l’attention du monde académique occidental que dans les années 1990 (Fogel, 2000 ; Iwasaki et Richter, 2005 : 367-370) Pour les atrocités médicales et relatives à l’arme biologique et leur analyse la plus récente en Occident, voir Nie et al. (2010), et Williams et Wallace (1989) pour la plus ancienne.

De nos jours connu sous l’appellation de « guerre Asie-Pacifique » (アジア・太平洋戦争 Ajia-Taiheiyô sensô), ce conflit qui précède la « guerre du Pacifique » (太平洋戦争 Taiheiyô sensô) à proprement parler est également appelé « guerre sino-japonaise » (日中戦争 Nicchû sensô. S’il n’est pas question de développer ici une analyse interprétative des événements, il nous semble cependant essentiel de cerner les distinctions entre les différentes manières de nommer et de comprendre le conflit (aussi hors de propos puissent-elles sembler à l’observateur extérieur) afin de mieux comprendre les mécanismes en jeu, et ce, pour plusieurs raisons.

Premièrement, la dénomination même de « guerre de Quinze Ans » implique que l’on observe la Seconde Guerre mondiale a posteriori, ce terme étant ultérieur à l’événement, et d’un point de vue japonais puisqu’elle reflète un regard centré principalement sur l’Asie et surtout sur le Japon. Pour le lecteur occidental, ceci représente un point de vue intéressant et alternatif puisque l’histoire européenne tend à identifier comme « ennemi » principal l’Allemagne nazie.

Ensuite, il est impossible d’appréhender l’étendue des violences de masse perpétrées par le Japon selon une perspective purement occidentale. Pour l’historien travaillant sur ce sujet, les sources en langue japonaise sont non seulement essentielles pour tenter de retracer les faits et accéder à des archives quasi exclusivement écrites en japonais, mais aussi afin de se rendre compte de l’étendue des recherches effectuées dans l’archipel par des journalistes ou des historiens sur des crimes perpétrés par certains de leurs compatriotes. Cette démarche présente l’intérêt de porter le débat au-delà des clichés, notamment celui voulant que le « devoir de mémoire » dont se seraient acquittés les européens demeurerait un sujet tabou et occulté au Japon. Or, il n’en est rien.

L’attaque de Pearl Harbor marque un point d’entrée dans une spirale d’atrocités commises à l’encontre des puissances alliées. Ceci dit, et comme nous le démontrerons plus loin, une chronologie des violences de masse perpétrées par le Japon en guerre doit nécessairement commencer par le conflit en Chine si l’on veut véritablement saisir la portée de ces événements dans la région Asie-Pacifique. L’immense majorité des victimes étant asiatiques (et majoritairement chinoises), un récapitulatif commençant en 1939 ou 1941 omettrait trop de cas de brutalités et réduirait par conséquent la pluralité d’expériences en jeu. Est-il par ailleurs nécessaire de rappeler que si la date du 15 août, synonyme de fin de la guerre d’un point de vue occidental, est généralement acceptée comme « standard », elle ne se termine que le 22 août pour les Soviétiques ?

Ce découpage du temps diffère de celui qui prévaut en Occident. Non seulement cette guerre sino-japonaise n’a pas de lien direct avec les pays occidentaux, mais ce découpage est aussi justifié par le prisme de l’approche japonaise du sujet. Bien que cela puisse paraître évident, il est néanmoins indispensable de le préciser afin de mieux comprendre la relation des Japonais au concept de violences de masse et à la notion même de Seconde Guerre mondiale, notion qui ne correspond que de manière très sommaire à l’échelle et aux schèmes européens. Cependant, ceci ne rend pas uniques les cas de violences de masse japonaises en Asie-Pacifique tels qu’ils sont souvent présentés dans l’historiographie occidentale. Nul besoin de superlatifs ou d’un champ lexical tourné vers le sensationnel qui essaierait de quantifier et de qualifier cette soi-disante particularité qui rendrait les exactions japonaises différentes de celles perpétrées par d’autres États. Il n’existe pas de sens intrinsèque ou de définition des violences japonaises per se, même si certaines particularités seront ici abordées de manière chronologique, afin d’essayer de mettre en lumière leur émergence et leurs récurrences selon un découpage temporel spécifique (Fujitani, White et Yoneyama 2001).

Comme dans de nombreux cas de violences collectives, le nombre de victimes pose de sérieux problèmes d’historiographie qui doivent être abordés ici. Cette chronologie ne peut prétendre être le lieu de discussions exhaustives sur le sujet, mais il faut tout de même souligner le fait que la plupart des cas explicités font problème. Soit il existe des points de vue discordants qui nient ou au contraire surestiment le nombre de victimes afin de politiser le débat, soit les sources sont contradictoires et/ou incomplètes. Dans les deux cas, ils constituent un obstacle pour l’historien qui ne peut établir un nombre précis de morts. Dans cette perspective, notre choix de d’attribuer une, deux ou trois étoiles Il est important de mettre en garde les lecteurs sur le niveau de connaissances ou d'informations disponibles pour chaque cas rapporté. L’OEMV utilise une formulation vague et n’attribue qu’une seule étoile * aux sources lorsque l'information fait défaut. L’OEMV propose une échelle à trois niveaux :

• Pas ou très peu d'informations (une étoile: *) ;

• Manque d'informations ou de connaissances recueillies par des ONG ou des journalistes, nécessitant des vérifications supplémentaires et des témoignages (deux étoiles: **) ;

• Des informations détaillées, l'affaire a été l'objet de recherches par les historiens, politologues, etc. (trois étoiles : ***).

à un événement renvoie non pas à la véracité de l’événement lui-même mais plutôt au fait que les sources sont conflictuelles et/ou qu’on ne dispose que de peu de témoignages détaillés. En d’autres termes, il est certain que l’écrasante majorité des événements présentés ici sont attestés. L’enjeu que représente par contre leur corroboration précise (de par la nature extrêmement instable du témoignage) se reflète les classements établis ci-dessous.

Au-delà de cette épineuse question, c’est toujours la décision même d’entrer dans un débat concernant le nombre total de victimes qui pose problème. Une telle démarche induit le risque de classifier et quantifier l’événement et le nombre de morts qu’il a entraîné et d’accorder ainsi un traitement prioritaire à certains cas en fonction de ce bilan. Ce faisant, on place sur le même axe un événement localisé et un chiffre. Cette démarche (数の論争 sû no ronsô, la « querelle des chiffres » bien connue des historiens japonais) est donc dangereuse car elle risque d’égarer l’historien hors de son chemin, en le faisant participer lui-même à la politisation de l’événement, et ce, à l’encontre de sa mission première qui est de contextualiser et d’expliquer. Un bref éclaircissement sera donné si nécessaire à propos des estimations (ou absence d’estimations) du nombre de victimes pour des épisodes particuliers.

Une chronologie des violences de masse japonaises durant la « guerre de Quinze Ans » peut donc être établie de la manière suivante et divisée en trois périodes :

I. De la naissance du Mandchoukouo à la seconde guerre sino-japonaise (1931-1937)

II. La guerre contre la Chine (1937-1941)

III. La guerre du Pacifique (1941-1945)

I. De la naissance du Mandchoukouo à la seconde guerre sino-japonaise (1931-1937)

Le 1er mars 1932, l’État du Mandchoukouo (満州国 Manshûkoku) est proclamé indépendant par l’état-major de l’armée du Kwantung et reconnu comme tel par le gouvernement japonais et l’empereur Hirohito (昭和天皇 shôwa tennô) le 15 septembre de la même année. Le pays est certes un État fantoche aux ordres des autorités japonaises mais sa création marque a posteriori et dans une perspective asiatique, le début de la guerre. Dans ce contexte, et sans compter la Chine qui n’est pas alors une possession japonaise, il va sans dire que la violence de masse est avant tout une violence de type colonial. En effet, si l’on considère que les troupes japonaises sont les agresseurs, la vaste majorité de leurs victimes sont de nationalités/origines différentes.

Il faut aussi ajouter que si des cas de violences de masse sont à signaler dans la période traitée ici, les sept premières années de la guerre ne sont pas les plus représentatives pour notre propos. Il ne s’agit pas alors d’une guerre continue, (à l’instar des deux périodes suivantes) mais une paix durable ne s’installe pas pour autant. Il est bien sûr nécessaire de prendre en compte les victimes chinoises du conflit qui débute en 1931, mais ce segment chronologique doit par dessus tout être compris comme le point de départ d’une multitude de cas de violences de masse, d’exactions en tous genres qui se systématisent et non comme une période de tueries indiscriminées en Mandchourie.

Si la violence semble donc plutôt limitée dans ce contexte à des exactions habituelles en temps de guerre, il est cependant essentiel de noter que les violences de masse commencent alors à être systématisées dans tout l’Empire japonais. Ceci est notamment le cas à travers la création d’unités militaires dédiées à l’armement bactériologique et chimique (BC dans le texte), et ce, particulièrement au Mandchoukouo (mais toujours dirigées depuis Tokyo). Le choix même de l’endroit où sont développées les armes BC est une indication intéressante de la perception que l’on en a au Japon. Deux fois interdite par des traités internationaux (La Haye 1899, Genève 1925), la recherche BC va à l’encontre des règles établies par la communauté internationale. Même si quelques centres de recherche ou de production d’armes biologiques existent dans l’archipel, l’État fantoche du Mandchoukouo, officiellement indépendant mais concrètement sous domination de Tokyo, représente une occasion unique pour les scientifiques et militaires japonais de réaliser des expériences sur « ce qui ne peut être fait en métropole» (内地で出来ないこと naichi de dekinai koto, Aoki, 2005 : 76).

Dans ce but, nombre de détenus politiques, de prisonniers de guerre, ainsi que des civils de nationalités différentes, sont enlevés et internés dans des camps de recherche BC puis soumis à des expériences médicales, bactériologiques et chimiques comme cobayes humains. Ils deviennent ainsi les premières victimes d’une institutionnalisation de la violence de masse par l’armée japonaise durant la Seconde Guerre mondiale. Une estimation de leur nombre total est extrêmement difficile à donner, et ce, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, les témoignages de victimes ou de bourreaux n’entrent pas réellement en contradiction. Ils peuvent diverger quant aux détails, mais ils témoignent surtout d’un phénomène extrêmement étendu. Des expériences sont menées à travers la Mandchourie d’abord, puis dans le reste de l’Asie dans différents centres de recherche. Il est donc absolument impossible de toutes les prendre en compte car elles varient en fonction de la temporalité comme de la localisation ou du climat. Seuls les cas les plus représentatifs et/ou les mieux documentés seront donc introduits dans cette chronologie.

Deuxièmement, si un certain nombre d’archives et de documents nous sont parvenus pour certaines expériences, une grande majorité a été détruite par les scientifiques et militaires japonais en 1945, par peur d’être jugés ou de représailles par les Alliés. Par ailleurs, certaines sources ne sont toujours pas déclassifiées.

Troisièmement, un grand nombre d’expérience sont conduites sur des civils en zones fortement peuplées, rendant difficile une estimation de l’impact global.

Quatrièmement, les effets sur l’environnement à long terme (affectant donc les populations aussi) doivent être pris en compte. Des puits, des rivières ainsi que la végétation et des animaux sont soumis à des expériences et contaminés à travers la Mandchourie, infligeant des dommages à grande échelle ne pouvant être quantifiés de manière précise.

Enfin, et comme susmentionné, l’historien n’est pas confronté dans cette période à des massacres immédiatement repérables et identifiables selon un découpage du temps classique, mais se heurte plutôt à la mise en place d’un système qui, sur le long terme, génère des cas de violences de masse en différents lieux. Pour ces scientifiques et militaires japonais engagés alors dans le programme de recherche BC, seuls les tests et leurs résultats comptent, et non la nationalité ou le nombre de victimes.

Par ailleurs, la forte collaboration des différentes unités et leur intégration empêchent l’historien de faire porter des responsabilités précises sur des groupes spécifiques. Par exemple, les unités 731 et 100 participent conjointement à l’« incident de Nomonhan » de 1939 décrit plus loin. Il est par conséquent difficile aujourd’hui de savoir exactement quelles responsabilités attribuer à qui.

Cependant, même si les chiffres exacts font défaut, il est possible d’établir que les unités japonaises de guerre BC étaient structurées en tant que réseau, qu’il ne s’agit donc pas de cas isolés ou de velléités individuelles. Il est dès lors possible de les considérer comme autant de cas de violence de masse organisée. Un exemple suffit à confirmer cette idée : le premier camp de recherche BC a été construit pour contenir mille personnes, avec environ 500-600 victimes captives (Harris, 2002 : 32).

Chronologie

Mars 1932

Suite au « premier incident de Shanghai », 223 cas de viol par l’occupant japonais sont signalés dans la région. Le lieutenant général Okamura Yasuji (岡村寧次) demande la création à Shanghai de la première « station de réconfort » (慰安所 ianjo) pour les troupes de la marine, une initiative immédiatement reprise par l’armée de terre impériale. Le nombre total de femmes chinoises et japonaises enlevées et/ou réquisitionnées est inconnu (voir le reste de la chronologie pour les chiffres et estimations disponibles).

*** (Soh, 2005 : 360 ; Hicks, 1994 : 45 ; Yoshimi, 2000 : 43-44)

Août 1932

L’unité Tôgô (東郷部隊 tôgô butai aussi appelée 加茂部隊 kamo butai) est créée au Mandchoukouo sous la supervision du major Ishii Shirô (石井四郎). Elle a pour mission la mise en œuvre d’un programme de recherche japonais de guerre BC. Le même mois, le premier camp d’expériences est installé, toujours sous sa supervision, dans le village de Beiyinhe (背陰河 Haiinga), à proximité de la ville de Harbin (哈爾浜). Les expériences menées sur place concernent notamment l’inoculation de la maladie du charbon, de la peste, de la fièvre typhoïde ou du choléra (liste non exhaustive) sur des cobayes humains. Les victimes sont principalement chinoises, parfois coréennes ou russes, tout autant que sympathisants communistes ou membres de la guérilla opposés au régime en Mandchourie. Selon les besoins, la gendarmerie japonaise (憲兵隊 kempeitai) effectue des rafles dans la population civile des villages ou villes alentours. Les victimes devant être traitées comme des cobayes et non comme des humains, elles sont dès leur internement appelées « rondins » (丸太 maruta) et identifiées uniquement par un numéro. Une fois les expériences terminées et les résultats analysés par les scientifiques, les corps sont majoritairement disséqués et brûlés. La destruction du camp de Beiyinhe est ordonnée à la fin de 1937, afin d’en bâtir un plus grand.

*** (Morimura, 1983 : 16-36 ; Tsuneishi, 1995 : 26-29, 82-86 ; Tanaka, 1996 : 135-139)

Mars 1933

Selon des témoignages, des sections de prostitution organisée connues sous le nom de « corps auxiliaires de jeunes femmes » (若年女子補助部隊 jakunen joshi hojo butai) sont peu à peu mises en place par l’état-major de l’armée de terre en Mandchourie pour les troupes japonaises (certaines victimes évoquent leur création dès 1931-1932). Le nombre exact de femmes violentées est inconnu.

** (Soh, 2005 : 364-365)

1933

La production d’armes chimiques (début de la production en 1929) est étendue entre 1933 et 1935 dans une usine située sur l’île d’Ôkunoshima (大久野島), dans le département d’Hiroshima. À cause de mesures de protection extrêmement précaires, environ 350 travailleurs japonais et coréens meurent au cours de cette période après avoir été exposés, entre autres, à du gaz moutarde, du gaz lacrymogène ou du chlore. D’autres sources avancent un nombre total de victimes proche des 1 600, toutes décédées au cours des dix années qui ont suivi la fin de la guerre.

*** (Buruma, 1994 : 109-111 ; Ienaga, 1978 : 187 ; Okano, 1987: 13 ; Tanaka, 1988 : 14)

1er août 1936

L’unité Tôgô est officiellement incorporée dans l’armée du Kwantung en tant qu’« unité de ravitaillement en eau pour prévenir les épidémies » (de l’armée du Kwantung) (関東軍防疫給水部 Kantô gun bôeki kyûsui bu) sous la direction d’Ishii. L’ordre est donné par l’empereur lui-même. Les armes BC, ainsi que leur production et les expériences médicales sont placées sous la responsabilité directe de l’armée du Kwantung et de l’état-major de l’armée de terre japonaise à Tokyo (参謀本部 sanbô honbu) et ces dernières continuent d’être menées à grande échelle avec un budget en augmentation constante.

*** (Aoki, 2005 : 76 ; Bix, 2000 : 364 ; Tsuneishi, 1995 : 82-86)

Août 1936

Un centre de recherche BC est installé dans les environs de la ville de Changchun (長春 Chôshun, aussi appelée 新京 Shinkyô, capitale du Mandchoukouo de 1932 à 1945), sous la direction du major Wakamatsu Yûjirô (若松有次郎). Contrairement à ce que laisse entendre son nom, le « centre de prévention des épidémies équines de l’armée du Kwantung » (kantôgun gunba bôekishô 関東軍軍馬防疫廠, aussi appelé « unité 100 ») ne vise pas seulement la création d’armes BC contre les animaux et les plantes mais collabore aussi avec d’autres unités à des expériences sur des sujets humains jusqu’en 1945. Le nombre total de victimes est inconnu, mais les « recherches» qui y sont développées et testées portent principalement sur la maladie du charbon, la peste, l’opium, l’héroïne et la morve (maladie infectieuse touchant les équidés).

*** (Documents, 1950 : 121-122 ; Harris, 2002 : 119 ; Morimura, 1983 : 193-200)

II. La guerre contre la Chine (1937-1941)

La période qui court de 1937 à 1941 marque le début d’une guerre totale (mais jamais formellement déclarée car des embargos et des sanctions auraient été imposés au Japon) contre la Chine, et voit se multiplier des accrochages sérieux avec l’Union soviétique. Le 27 septembre 1940, le Japon signe un pacte tripartite avec l’Allemagne et l’Italie. Le 7 juillet 1937, un incident armé entre les forces chinoises et japonaises – « incident du pont Marco Polo » (盧溝橋事件 rokôkyô jiken) – sert de prétexte à l’invasion de la Chine par son voisin. Le 8 août, Pékin est prise et, à la fin du mois de novembre, Shanghai est entre les mains des Japonais, après que plus de 9 000 soldats impériaux soient tombés au combat. L’armée de l’empereur Hirohito se dirige alors vers Nankin, espérant que la prise de la capitale de la Chine portera un coup au moral de l’ennemi et le fera capituler. Comme dans la plupart des cas de conflits à grande échelle, et particulièrement encore quand il s’agit de guerres mondiales, les civils, soldats et prisonniers de guerre subissent, dans différentes circonstances, de nombreux épisodes de violences de masse qui rendent impossible une estimation totale du nombre de morts.

Contrairement à la période précédente, qui voit surtout émerger la création de structures (à la fois en tant qu’événements et processus) permettant la survenance subséquente de violences de masse, la seconde guerre sino-japonaise entraîne une multitude d’atrocités ainsi qu’une systématisation de plus en plus marquée des brutalités. Par conséquent, les cas présentés ici ne sont qu’une sélection prenant en compte les deux points suivants :

– Si certains incidents et phénomènes sont étudiés par les historiens ou suffisamment documentés pour être présentés ici, il est certain que nombre d’entre eux restent à ce jour inconnus et ne seront explorés que plus tard (voire même jamais) par les chercheurs.

– La politisation et la médiatisation récentes de certains événements ou des controverses entre historiens et mouvances révisionnistes/négationnistes (ceux-là représentant une minorité très faible au Japon) – tels la question des « femmes de réconfort », le « massacre de Nankin » ou encore les visites de certains politiciens japonais au sanctuaire du Yasukuni – a généré une prise de conscience de ces phénomènes ainsi que de nombreux débats dans la sphère publique. Ce n’est cependant pas le cas pour chaque situation de violence de masse dans le contexte de la « guerre de Quinze Ans », car leur nombre extrêmement élevé empêche de les considérer de manière exhaustive dans une chronologie historique. Par exemple, d’innombrables atrocités ont été commises, certaines ont été planifiées, d’autres ont été commises de manière spontanée par les troupes japonaises lors de l’invasion de la Chine en 1937 et dans les années qui suivirent, d’autres encore restent inconnues à ce jour (pour des cas spécifiques, voir Bix, 2000 : 364-367 ; Ishikawa, 1999 ; TIMEO, 1948).

Par ailleurs, il ne faut pas confondre la violence et la mort, toutes les brutalités infligées ne menant pas nécessairement au décès des victimes. Dans les deux périodes présentées ci-dessous, nombre de cas de brutalités doivent être mentionnés qui ne peuvent être ancrés dans un découpage temporel précis. Ils doivent cependant l’être afin de comprendre à quel point la notion de violence de masse caractérise bien ce conflit a posteriori. Trois exemples servent ici à expliciter ce propos.

Le premier cas concerne une forme de brutalité interne à l’armée japonaise qui devient courante entre 1937 et 1945. Ses manifestations ne suivent pas une dynamique spécifique et se détectent à différents niveaux, rendant difficile leur catégorisation et leur insertion dans la présente chronologie. Ces exemples sont néanmoins discutés ici afin de démontrer la nature par essence plurielle de la violence de masse. Sans prétendre à l’exhaustivité, on peut notamment évoquer les Coréens et Taïwanais enrôlés de force dans l’armée impériale, eux-mêmes victimes de brutalités de la part des Japonais (Fujitani, 2006 : 182-196) ; ou encore des soldats brimant leurs camarades refusant de se livrer à des pillages ou des viols sur le champ de bataille. Nous pouvons aussi mentionner le cas des travailleurs coréens déportés dans les usines japonaises de l’archipel, estimés à 670 000 entre 1939 et 1945, et dont 60 000 décèdent à la suite de mauvais traitements reçus (Dower, 1986 : 47 ; Utsumi, 2006 : 102-105).

Le durcissement des conditions de vie des civils japonais en est un autre excellent exemple : la violence ne peut être simplement comprise comme phénomène purement exogène : les sujets de l’empereur sont eux aussi soumis à des difficultés structurelles, parfaitement explicitées dans les Principes nationaux de 1937 (国体の本義 kokutai no hongi), suivis de la Loi de mobilisation nationale (国家総動員法 kokka sôdôin hô) de 1938 : la population de l’archipel fait l’expérience, entre autres, du rationnement, de la mobilisation forcée et du contrôle gouvernemental sur la production, à quoi il faut rajouter la suppression des syndicats (et plus généralement la limitation drastique de la liberté d’expression). Si ces situations ne conduisent pas nécessairement à la mort violente ceux qui y sont soumis ou à des atrocités à grande échelle, ils ne sont pas non plus spécifiques à une temporalité précise et témoignent d’une violence de masse tout autant physique que mentale, ce dernier aspect n’ayant été que récemment considéré comme un sujet de recherche valide par les historiens (Yamashita, 2006 : 262-263).

Le troisième exemple est le cas des « femmes de réconfort » (従軍慰安婦 jûgun ianfu, également désignées dans la marine comme « personnel spécial » 特要員 tokuyô in) et l’institutionnalisation de l’esclavage sexuel dans la région Asie-Pacifique par l’État, l’armée et la marine du Japon. La date exacte de l’établissement de la première « maison de réconfort » est inconnue (Tanaka, 2002 : 8), mais cela ne signifie pas que cette pratique n’existe pas avant le début de l’institutionnalisation des réseaux de prostitution organisée dans ces périodes. Dans un contexte de guerre et afin d’éviter que les MST comme les viols ne deviennent endémiques dans l’armée, les autorités militaires japonaises, en accord avec le gouvernement, croient pouvoir juguler le phénomène en mettant en place un système de maisons closes peuplées de femmes coréennes, chinoises et japonaises, mais aussi néerlandaises, malaisiennes ou philippines, pour ne citer qu’elles. La grande majorité de ces femmes ne sont pas des prostituées. Elles ont pour la plupart été enlevées ou trompées sur la nature du travail à fournir (blanchisserie, travaux domestiques…), pour être ensuite envoyées dans des bordels sur une zone s’étendant de l’île de Sakhaline à l’Indonésie actuelle. Certaines d’entre elles sont des prostituées envoyées à l’étranger depuis le Japon, les karayuki san (唐行きさん). Il convient d’ajouter que malgré les deux raisons avancées par les autorités japonaise pour justifier l’ouverture de ces lieux – lutter contre le viol et les MST –, il est bien question de viols dans ces maisons closes, et leur nombre sur le terrain ne semble pas avoir diminué pour autant, indiquant l’échec de cette démarche. Il en va de même pour les MST (Yoshimi, 2000 : 66, 69-72). Comme dans le cas des victimes de la guerre BC, il est impossible aujourd’hui de donner un nombre précis de victimes, mais on estime qu’entre 50 000 et 200 000 femmes (une femme pour 40 soldats environ pour le dernier chiffre) sont soumises à ce système coercitif pour avoir des relations sexuelles avec une moyenne de 10 soldats par jour (Hicks, 1994: 19 ; Ônuma, 2007 ; Soh, 2008 : 119-125 ; Tanaka, 1996 : 99 ; Yoshimi, 2000 : 93). Certains milieux révisionnistes/négationnistes au Japon (Nanta, 2001) prétendent encore que l’armée et la marine n’ont que peu, voire aucune responsabilité en la matière. Certes, la prostitution forcée et le viol ne sont pas un phénomène purement japonais (Yamashita, 2006 : 261), mais le fait que cette institutionnalisation des stations de réconfort soit décidée aux plus hauts niveaux de l’État justifie sa mention dans la présente chronologie. Comme dans le cas des armes BC, la violence n’est pas seulement spontanée mais aussi structurée et gérée par le gouvernement. Les expériences diffèrent quant au type de brutalités infligées, tant le but n’est pas la destruction des corps mais leur transformation en une marchandise destinée au commerce sexuel à travers le viol et la violence de masse.

Chronologie

24 novembre 1937

Deux cent vingt-deux villageois chinois « allant d’enfants en bas âge aux vieillards » sont tués par des soldats japonais en route vers Nankin dans le village de Dongliang (alentours de Wuxi, 無錫 Mushaku).

** (Honda, 1999 : 68)

Novembre 1937

Trois cent cinquante et un civils chinois sont exécutés et 120 femmes violées par les troupes impériales dans la commune de Shanyang (alentours de Hangzhou, 杭州 Kôshû). [Ces deux exemples, parmi tant d’autres, sont cités ici afin de montrer l’étendue des atrocités commises par les troupes impériales sur le continent, mais ils restent aujourd’hui largement occultés par les chercheurs occidentaux.]

** (Honda, 1999 : 22-23)

13 décembre 1937

La ville de Nankin tombe aux mains des troupes japonaises, alors sous les ordres du général Matsui Iwane (松井石根). Viols, pillages et meurtres par des soldats impériaux se succèdent au cours des six semaines suivantes, jusqu’en janvier 1938, dans la ville et les zones avoisinantes, soulevant un débat quant à la localisation de l’événement. Cependant, l’immense majorité des historiens sérieux accepte aujourd’hui qu’une pluralité de cas de violences de masse puisse avoir eu lieu sur le chemin de Nankin, avant de se déployer dans et autour de la ville, les révisionnistes tendant quant à eux à réduire la zone où les violences ont été commises afin de diminuer le nombre de victimes. Civils et soldats chinois sont tués soit individuellement dans des actes de violence sporadiques ou exécutés à la mitrailleuse puis jetés dans des fosses communes. La population féminine est soumise à des viols en masse par les troupes japonaises. Le nombre total de victimes est encore aujourd’hui sujet à débat dans la sphère publique. Le musée du Mémorial du massacre (situé à Nankin) parle d’un total de 300 000 morts et 20 000 viols. Certains révisionnistes/négationnistes japonais insistent sur le fait que ce qui est communément appelé le « Grand Massacre de Nankin » (南京大虐殺 Nankin dai gyakusatsu) ou l’« incident de Nankin » ( 南京事件 Nankin jiken) n’a jamais eu lieu dans de telles proportions, et qu’un maximum de 50 Chinois y trouvent la mort. La grande majorité des historiens (y compris au Japon) situe quant à eux le nombre de victimes aux alentours des 200 000.

*** (Brook, 1999 ; Fujiwara, 1997 : 54-74 ; Ishida, 2006 : 170 ; Kasahara, 1997 : 201-232 ; Rabe, 1998 ; Yamamoto, 2000 : 234-281 ; Yoshida, 2006 : 11-26)

Décembre 1937

La (première ?) « station de réconfort » de l’armée japonaise (en Chine) est ouverte par l’état-major dans la ville de Nankin quelques jours après sa chute, marquant le début d’un processus de systématisation de la pratique. La gendarmerie enlève un nombre inconnu (plus d’une centaine) de femmes chinoises et les force à se prostituer. En 1939 et hormis les Chinoises pour qui on ne dispose pas de statistiques, on estime qu’un minimum de 1 200 femmes, dont une minorité de prostituées, sont transformées en esclaves sexuelles par l’armée japonaise. On estime aujourd’hui que des maisons closes sont établies en Mandchourie et sous la responsabilité de l’armée du Kwantung dès 1931. Si la « station de réconfort » de Nankin n’est pas techniquement la première institution de ce genre, elle marque néanmoins le point de départ de leur prolifération extrêmement rapide.

*** (Imai et Iwasaki, 2010 ; Soh, 2005 : 360-365 ; Tanaka, 2002 : 12-19 ; Yoshimi, 2000 : 53-54)

18 février 1938

Suite aux raids aériens menés en 1937 sur les populations civiles de Shanghai et Nankin, des bombardements sont effectués par l’aviation japonaise sur la ville de Chongqing (重慶 Jûkei) jusqu’en 1943. Lors des deux premiers jours de raids, on estime à plus de 5 000 Chinois le nombre de pertes humaines. Le bilan sur le long terme est impossible à établir.

*** (Bix, 2000 : 364 ; Shimokawa, 2006 : 147-150)

Fin de l’année 1938

Suivant les ordres d’Ishii, un nouveau centre de recherche BC est construit dans le village de Pingfan (平房 Heihô), 24 km au sud d’Harbin. La taille et la structure du lieu sont plus importantes que celles de Beiyinhe, avec un périmètre de plus de 6 km² où travaillent 3 000 employés (la construction est achevée en 1940). Le nombre exact de morts est encore inconnu pour les raisons mentionnées plus haut, mais on estime que plus de 3 000 personnes y ont été tuées suite aux expériences menées entre 1940 et 1945. Qui plus est, ce total ne prend pas en compte les expériences antérieures à 1940, ni le nombre de personnes décédées à causes des expériences réalisées sur la population civile aux alentours des camps BC. Suite à l’achèvement du centre de Pingfan qui constitue le quartier général japonais en matière de recherches sur les armes BC, le programme est divisé en cinq branches : 1) dissections et expériences chirurgicales ; 2) expériences visant à découvrir des agents pathogènes inconnus ; 3) expériences sur la force de contagion des agents pathogènes connus ; 4) expériences visant à découvrir de nouvelles sources de traitement (ceci comprend les recherches menées sur les gelures) ; 5) expériences visant à la production de vaccins et médicaments.

*** (Harris, 2002 : 53-73 ; Kasahara et al., 1997 : 29 ; Documents, 1950 : 118 ; Tsuneishi, 1995 : 105)

1938

Afin de réduire les dépenses et de se concentrer sur l’effort de guerre, le gouvernement japonais effectue des coupures drastiques sur le budget sanitaire dans l’archipel jusqu’en 1945. Suite à des manques chroniques de nourriture, la population civile japonaise souffre particulièrement de la tuberculose. Entre 1938 et 1943, plus de 500 000 citoyens décèdent des suites de cette seule maladie.

*** (Ienaga, 1978 : 193)

18 avril 1939

Une usine de recherche BC est créée dans la ville de Nankin dans un complexe médical, alors que l’unité 1644 est instituée en parallèle dans la même ville (unité aussi appelée 多摩部隊 tama butai). Entre son ouverture et la fin de la guerre, plus de 300 scientifiques japonais y reçoivent une formation BC chaque année. Afin de diminuer la résistance chinoise, ordre est donné aux troupes japonaises de répandre la fièvre typhoïde dans les puits et les sources avec des bouteilles d’eau contaminée. D’autres sites de recherche BC sont par ailleurs installés la même année à Beijing (unité 1855, 9 février) et Canton (unité 8604, 8 avril), dans le but de créer un réseau d'action sur l’ensemble du territoire chinois (nord, centre, sud). Au-delà des opérations de campagne, on estime qu’entre 5 000 et 6 000 Chinois sont exterminés dans des sites de recherche BC. Le total final est encore inconnu.

*** (Aoki, 2005 : 80-81 ; Harris, 2002 : 87, 136-150 ; Documents, 1950 : 58, 73-74 ; Tsuneishi, 1995 : 12, 167-171 ; Yoshimi et Ikô, 1995 : 2)

11 mai 1939

La bataille de Khalkhin-Gol, ou « incident de Nomonhan » (ノモンハン事件 nomonhan jiken) se déroule entre les forces japonaises d’un côté et les armées soviétiques et mongoles de l’autre, jusqu’au mois de septembre. Cet incident est le plus connu d’une série de très nombreux accrochages entre l’Union soviétique et le Japon dans les années 1930 et se transforme en grave défaite pour ce dernier. Le 16 juillet, sur ordre de l’état-major de l’armée du Kwantung, des bombes contenant des bacilles de la dysenterie sont larguées au-dessus de cours d’eau afin de couvrir la retraite des soldats japonais et retarder la progression soviétique. Au cours de ce seul épisode, et nonobstant les pertes subies par l’ennemi, un nombre inconnu de soldats japonais trouvent la mort après avoir été exposés aux germes répandus par leur propre armée.

*** (Harris, 2002 : 95-98 ; Documents, 1950 : 62-64 ; Takemae, 2002 : xxxi ; Tsuneishi, 1995 : 136-137 ; Yoshimi et Ikô, 1995 : 15-16)

4 octobre 1940

Jusqu’en 1942, une multitude d’opérations militaires (dont des offensives BC) sont conduites par l’armée japonaise pour annihiler la résistance communiste. À cette date, Ordre est donné de larguer des sacs de céréales contaminées par des bactéries sur la ville de Quzhou (衢州 Kushû) afin d’écraser les mouvements de guérilla. Les pertes chinoises sont estimées à 50 000 victimes. Ces actes de violence de masse systématique orchestrés par l’armée japonaise sont appelés « politique des Trois Tout » (三光作戦 sankô sakusen ou 三光政策 sankô seisaku) ou « tout brûler, tout tuer, tout piller » (灼き尽くし yakitsukushi, 殺し尽くし koroshitsukushi, 奪い尽くす ubaitsukusu) avant que le terme ne soit repris par le parti communiste chinois, et le nombre total de morts de cette seule campagne est estimé entre 25 et 44 millions de victimes.

*** (Bix, 2000 : 365 ; Dower, 1986 : 43 ; Harris, 2002 : 102 ; Ishida, 2006 : 16-69 ; Li, 2003 : 292-297 ; Tsuneishi, 1995 : 169-170)

III. La guerre du Pacifique (1941-1945)

Cette période est habituellement considérée, et non sans raisons, comme une période de guerre contre les puissances alliées/occidentales. Il est intéressant de rappeler qu’avant l’attaque de Pearl Harbor, Tokyo signe un pacte de neutralité avec Moscou le 13 avril 1941, malgré les accrochages armés sérieux qui ont lieu à la frontière entre le Mandchoukouo et l’Union soviétique (et la Mongolie). Le 7 décembre 1941, la marine japonaise déclenche une attaque de grande envergure sur les forces américaines à Pearl Harbor, marquant le début d’une guerre contre les puissances appelées « ABCD » (America, Britain, China, Dutch). En quelques jours, la conquête de la région Asie-Pacifique est lancée. À la mi-décembre, l’île de Bornéo est sous domination japonaise. Les Philippines sont prises en janvier 1942 et en mai de la même année, la plus grande partie de l’Asie du Sud-Est est sous contrôle impérial : Hong Kong, la Malaisie, Singapour, l’Indochine, les Indes néerlandaises et les îles du Pacifique ainsi que la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Cette guerre éclair est considérée comme essentielle par Tokyo, pour qui les ressources sont un enjeu prioritaire pour la poursuite de la guerre (et en particulier le pétrole des Indes néerlandaises, suite à l’embargo américain imposé après l’invasion japonaise de l’Indochine). Cette situation de « guerre totale » est parfaitement illustrée dans l’archipel lorsque le 18 octobre 1941, le général Tôjô Hideki (東条英機) cumule les postes de Premier ministre et de ministre de la Guerre.

Cependant, la défaite japonaise à la bataille de Midway en juin 1942 marque le début de la contre-offensive alliée : en août de la même année, les troupes anglo-saxonnes débarquent à Guadalcanal (îles Salomon), infligeant en février 1943 une défaite cuisante à l’armée japonaise. Le 6 juillet 1944, l’île de Saipan, haut lieu stratégique, tombe aux mains des forces alliées, suivant une tactique visant à isoler l’ennemi et couper ses lignes de communication. En décembre, les Philippines sont définitivement perdues par Tokyo, ce qui permet aux armées alliées de se rapprocher de l’archipel. En mars 1945, l’île d’Iwo Jima (硫黄島 iôtô) connaît un destin similaire et le mois suivant, c’est au tour d’Okinawa d’être attaquée par les troupes américaines. Ces îles sont de taille très réduite mais leur possession est cruciale pour qui veut contrôler le théâtre des opérations dans le Pacifique : le Japon est dorénavant à portée des bombardiers américains. Cette chronologie ne porte que sur les violences infligées par le Japon, mais pour ne citer qu’un exemple de brutalités ennemies, le 17 novembre 1944, la première série de raids aériens sur des villes japonaises décolle de Saipan pour larguer des bombes incendiaires et explosives sur l’archipel. Les 9 et 10 mars 1945, entre 80 000 et 100 000 civils périssent sous les bombes incendiaires américaines. Au mois d’août, 66 villes de l’archipel ont été prises pour cible et 40 % d’entre elles sont réduites en cendres.

Le 6 août, après la décision de Tokyo d’ignorer la Déclaration de Potsdam et de refuser la capitulation, la première bombe atomique de l’histoire est larguée sur la ville d’Hiroshima. Deux jours plus tard, l’Union soviétique déclare officiellement la guerre au Japon, déclenchant une invasion à grande échelle de la Mandchourie et de l’île de Sakhaline/Karafuto (サハリン/樺太). Le 9 août, Washington lance une seconde bombe atomique sur la ville de Nagasaki. Le 14, les autorités japonaises acceptent la capitulation suivant les termes alliés, amenant Hirohito à mettre officiellement fin au conflit le 15 août 1945.

Ces événements constituent la « Guerre du Pacifique », mais il est essentiel de rappeler que l’attaque sur Pearl Harbor ne signifie aucunement la fin du conflit avec la Chine. Jusqu’en 1945, les troupes japonaises sont engagées sur le continent et continuent leur campagne, de facto limitée aux grandes villes et à leurs périphéries. La résistance chinoise ainsi que la taille du pays constituent en effet des obstacles insurmontables pour les troupes japonaises embourbées sur deux théâtres de guerre différents.

Comme précisé auparavant, une chronologie des violences de masse ne peut se limiter aux actions militaires japonaises contre les civils et contre les troupes ennemies. Abandonnées ou mal dirigées par les états-majors, et en raison d’une mauvaise planification logistique (dans certains cas, aucun approvisionnement n’a été prévu pour les soldats), les troupes impériales ne meurent pas seulement sous les tirs de l’ennemi, mais de malnutrition, de déshydratation ou de maladie sur les deux théâtres de la guerre. Il ne s’agit pas là de cas isolés ou d’exceptions. Sur le continent, on estime actuellement que sur 450 000 soldats japonais décédés en Chine, une large majorité est victime de la maladie ou de la faim, les amenant aussi à commettre des actes de violence contre les civils afin de se procurer de la nourriture. Dans le Pacifique, c’est jusqu’à 95 % de certaines unités qui, par manque de médicaments, contractent la malaria (Fujiwara A., 2001 : 33, 127-129, 146, 233). Il est certain que les brutalités à grande échelle sont récurrentes au cours des trois périodes étudiées, mais du fait de la radicalisation du conflit et de l’engagement des puissances alliées, c’est entre 1941 et 1945 que les pertes humaines sont les plus élevées. Cependant, il est nécessaire d’ajouter à cela les violences commises contre les populations civiles, quelle que soit leur nationalité. Au Japon, ladite période est marquée par une aggravation des restrictions imposées à la population dès 1937-1938. Dans l’archipel, des expériences de dénutrition sont effectuées dans des prisons vers 1943, afin de mesurer la résistance de l’individu à la privation de nourriture (Tsuneishi et Asano, 1982 : 118-125). Qu’elle soit le fait d’intellectuels, de communistes ou de mouvements religieux, l’opposition est emprisonnée, torturée et réduite au silence. En 1942-1943, plus d’une centaine de Chrétiens japonais sont mis sous les verrous par leur propre gouvernement suite à leur refus d’obéir aux directives et à la hiérarchie impériales (Tôkyô Shinbun, 2006 : 23).

Hors du Japon, une violence impossible à situer, précisément de par son omniprésence, continue à se répandre tout au long de cette période. En Asie du Sud-Est, sur les 350 000 hommes réduits en esclavage et affectés à la construction de la ligne de chemin de fer reliant la Birmanie à la Thaïlande en 1942-1943, on estime actuellement à 60 000 le nombre de personnes décédées de malnutrition et de maladie (Dower, 1986 : 47 ; Utsumi, 2006 : 93-96). Dans l’actuelle Indonésie, 300 000 Javanais sont mobilisés par Tokyo comme travailleurs forcés et plus de la moitié meurent avant 1945 (Sato, 2005 : 129). Cette situation se retrouve à travers toute l’Asie. Dans la seule Mandchourie, plus de deux millions et demi de personnes sont mobilisées en 1944 pour effectuer des travaux forcés (Tucker, 2005 : 51).

Le nombre de cas de violences de masse doit donc également être considéré dans cette période comme le résultat d’un processus enclenché à partir de 1931. Ceci n’est pas seulement valide pour les exemples ci-dessus, mais aussi pour la plupart des cas suivants : actes de cannibalisme, famines, ou encore extension du système des « femmes de réconfort » suite à l’occupation des Indes néerlandaises. Certains de ces événements spécifiques sont des cas isolés qui ne peuvent être pris en compte dans ce type de recensement, mais mentionner les plus significatifs ou les premiers à être signalés est néanmoins nécessaire ici : il est dès lors possible de les comprendre comme exemples d’une systématisation des pratiques ou comme preuve que des incidents similaires ont bien eu lieu.

La multitude des actes de violence rend donc impossible, dans ce contexte, la tâche de tous les situer et les enregistrer. Le chapitre huit du jugement du Tribunal international militaire pour l’Extrême-Orient (TIMEO) recense déjà plus de cent cas de brutalités de masse (TIMEO 1948). Par ailleurs, la sélection des sources concernant ces cas indique une difficulté supplémentaire, à savoir le poids accordé aux différentes victimes. Au-delà des questions linguistiques ‒ et le besoin pour l’historien d’accéder aux sources en langues chinoise, coréenne ou autres ‒ et des événements souvent cités comme le massacre de Nankin, le problème demeure que la grande majorité des actes de violence recensés comme tels provient de sources américaines, britanniques et australiennes (documents japonais exceptés). Dans une perspective purement japonaise, le total de soldats décédés entre 1937 et 1945 avoisine les 2 300 000, dont 1 400 000 morts de faim, de soif, ou de maladie (Fujiwara A., 2001 : 3, 133, 138). Pertes civiles comprises, on estime le nombre de décès à 3 100 000 victimes (Dower, 1986 : 297-298). Par ailleurs, certains estiment qu’un total de 15 millions de Chinois et de 20 millions de personnes en Asie du Sud-Est (dont un million d’Indonésiens), perdent la vie durant cette période (Fujiwara A., 2001 : 133 ; Gruhl, 2003 : 243-258). Ces chiffres, en opposition avec les statistiques données précédemment, sont bien entendu sujets à discussion et sont mentionnés ici afin d’illustrer la difficulté à quantifier le phénomène.

Ceci nous conduit à aborder un dernier point intéressant, à savoir le danger de réduire notre analyse à un discours sur la brutalité japonaise. Le but de cette chronologie est de présenter des cas de violence et commis par l’État, l’armée et la marine du Japon qui soient représentatifs. Cependant, on ne se fait pas la guerre à soi-même. Pour le sujet qui nous intéresse ici, il est aussi nécessaire de prendre en compte le rôle joué par l’ennemi. Ainsi, au-delà du concept omniprésent du « vainqueur écrivant l’histoire », il faudrait aussi établir une chronologie des violences de masses perpétrées par les Alliés (ou leurs collaborateurs asiatiques) dans la guerre Asie-Pacifique afin de rendre compte de la complexité d’un événement dans son ensemble et de ses multiples facettes dont la dénomination même pose un certain nombre de problèmes.

Chronologie

Juillet 1941

En préparation d’une guerre avec l’Union soviétique, environ 10 000 femmes coréennes sont déportées au Mandchoukouo pour servir de « femmes de réconfort » aux troupes de l’armée du Kwantung dans des maisons closes installées en nombre dans la région.

** (Yoshimi, 2000 : 57)

25 décembre 1941

Des troupes japonaises font irruption dans un hôpital britannique de Hong Kong, tuant les soldats blessés à la grenade et à la baïonnette. Les infirmières, britanniques et chinoises, sont ensuite victimes de viols à répétition. Le nombre total de victimes est inconnu mais très certainement supérieur à 50.

** (Tanaka, 1996 : 82-83)

8 février 1942

Dans le cadre de la campagne anti-communiste menée dès 1940 par le Japon en Chine, la 36e brigade de la Première armée utilise 300 tonnes de gaz moutarde contre les communistes chinois pendant huit jours dans la province du Shanxi (山西 Sansei). « Quelques milliers sont empoisonnés et la moitié en meurt ».

*** (Tanaka, 1988 : 17)

15 février 1942

Suite à la reddition britannique de Singapour, plusieurs milliers de Chinois (suspectés d’appartenir à des mouvements de guérilla communiste et/ou d’activités anti-japonaises), principalement des hommes entre 18 et 50 ans, sont exécutés en quelques jours par les troupes impériales par différents moyens, de la noyade à la fusillade en passant par la décapitation. Un décompte précis des victimes est impossible à obtenir mais entre 5 000 et 50 000 victimes meurent au cours de ce qui est aujourd’hui appelé le « Massacre des Chinois de Singapour » (シンガポール華僑虐殺事件 Shingapooru kakyô gyakusatsu jiken).

*** (Dower, 1986 : 43-44 ; Fujiwara K., 2001 : 180-186 ; Ishida, 2006 : 170-171)

26 mars 1942

L’unité 9420 est créée à Singapour par Naitô Ryôichi (内藤良一). Des expériences sur la malaria et la peste y sont notamment effectuées afin d’étendre les capacités de guerre BC japonaises. Pour des raisons climatiques évidentes, la recherche sur les effets du froid sur le corps humain sont plus faciles en Mandchourie et celle sur la malaria plus aisée dans le sud. Cette unité qui possède des antennes en Thaïlande se spécialise par ailleurs dans l’élevage de rats. Le nombre total de victimes est inconnu.

** (Gold, 1996 : 53-57 ; Tsuneishi, 1995 : 12 ; Yoshinaga, 2001 : 243)

Avril 1942

Suite à la prise des Philippines par l’armée japonaise, un total de 78 000 personnes, civils et soldats (y compris des soldats américains) sont soumis à un régime de marche forcée sans préparation ni équipement jusqu’au lieu de leur internement, distant de 100 km. Un grand nombre d’entre eux sont brutalisés, passés à la baïonnette ou exécutés en chemin. Plus de la moitié des survivants de la marche meurent dans les camps de prisonniers après leur arrivée. Le nombre de morts exact est inconnu mais est estimé entre 6 000 et 20 000 victimes dans un épisode aujourd’hui appelé la « Marche de la mort de Bataan » (バターン死の行進 Bataan shi no kôshin).

*** (Dower, 1986 : 51-52 ; Tenney, 2003 : 81-106 ; Tanaka, 1996 : 15)

15 mai 1942

Le recrutement de gardes auxiliaires (軍属 gunzoku) pour surveiller les prisonniers alliés commence en Corée et à Taïwan. Ceci nous offre un autre exemple de la hiérarchie raciale imposée alors : des officiers japonais contrôlent d’autres Asiatiques qui à leur tour dominent des prisonniers occidentaux (la conscription des colonisés dans le cadre de l’armée japonaise est mise en place dès 1938). Trois mille Coréens sont intégrés dans cette structure et deviennent les victimes des violences militaires impériales autant que les oppresseurs de ceux qu’ils gardent dans les camps. En septembre 1945, il est prévu que 800 gardes coréens soient tués en même temps que des prisonniers alliés, mais les ordres sont annulés à la dernière minute, ce qui en dit long sur la précarité de la situation de ces gardes coloniaux. Le nombre de Taïwanais enrôlés est aujourd’hui sujet à débat (il y en aurait eu au total plus de 200 000) de même que le nombre de morts. Cent quarante-huit Coréens sont condamnés pour brutalités par les Alliés lors des procès du TIMEO.

*** (Hui-Yu, 2005 : 117 ; Michelin, 2000 : 263-296 ; Tanaka, 1996 : 38-40, 71-72 ; Utsumi, 2006 : 92-93 ; Tokyo Shinbun, 2006 : 194-197)

Juin 1942

La gendarmerie de la marine japonaise craint un soulèvement armé des Chinois installés sur l’île de Bornéo, avec la complicité des autorités coloniales néerlandaises. Les Japonais arrêtent le gouverneur de la province de Kalimantan et sa femme, les accusant d’activités anti-japonaises. Ils sont alors exécutés avec 257 autres personnes. Durant les mois suivants, plus de 1 500 personnes, chinoises, européennes, indonésiennes ou indiennes sont torturées et tuées suite aux brutalités japonaises. En avril 1943, un autre cas de violence de masse advient, connu sous le nom de « Massacre de Mandor (ou Pontianak) » (マンドール事件 Mandor jiken, ポンティアナック事件 Pontianak jiken) au cours duquel quelques milliers de personnes, dont le sultan, des représentants de l’autorité coloniale ainsi que des intellectuels et des notables sont exécutés par les troupes japonaises. Certains points restent aujourd’hui obscurs et le bilan total est toujours inconnu. On estime que dans les Indes néerlandaises, environ 20 000 prisonniers meurent de malnutrition, sous la torture et/ou exécutés dans des camps japonais jusqu’en 1945.

** (Hayase, 2006 : 32-35 ; Tanaka, 1996 : 27-28 ; NIOD, 2010 ; IKA, 2010)

7 août 1942

Début de la bataille de Guadalcanal. Jusqu’à sa fin en février 1943, sur les 24 000 hommes de l’armée de terre japonaise présents, 5 000 environ tombent au combat sous les balles ennemies, alors que plus de 15 000 (donc le triple) meurent de malnutrition ou de suites de maladies (malaria, dysenterie, béribéri).

*** (Fujiwara A., 2001 : 22)

12 août 1942

Six cent dix crimes, des viols pour la majorité, sont commis et recensés par les troupes japonaises en Asie du Sud-Est sur les populations civiles. En conséquence, au mois de septembre de la même année, 400 « stations de réconfort », peuplées principalement de femmes asiatiques, sont installées dans la région Asie-Pacifique en quelques mois afin de tenter de limiter les viols et les MST. Dans les seules Indes néerlandaises, environ 300 Européennes et 20 000 Indonésiennes (dont une partie substantielle de ces dernières échappent à la prostitution forcée mais pas aux viols et violences) sont touchées par le phénomène. Comme expliqué auparavant, le nombre total de femmes réduites en esclavage et sujettes à des violences de masse est encore inconnu.

** (Imai et Iwasaki, 2010 ; Tanaka, 2002 : 61-83 ; Yoshimi, 2000 : 80, 86)

11 novembre 1942

Plus de 200 000 prisonniers alliés (Américains, Britanniques, Australiens…) sont déportés dans des camps en Mandchourie. Certaines sources mentionnent des expériences (injections et dissections) effectuées alors que d’autres insistent sur le fait que rien n’a été infligé aux prisonniers de guerre occidentaux (Soviétiques non compris). Le nombre de morts exact est inconnu et reste sujet à débat.

** (Harris, 2002 : 163-176 ; Documents, 1950 : 273 ; Powell, Gomer, Röling, 1981 : 44, 48 ; Tanaka, 1996 : 158-159)

Janvier 1943

La 18e armée japonaise perd plus de 135 000 hommes en Papouasie-Nouvelle-Guinée, après avoir été envoyée sur le terrain par l’état-major sans connaissance réelle de la situation locale ni de la constitution des forces en présence. À cause de ce manque de préparation, la plupart succombent à la famine et à la maladie.

*** (Fujiwara A., 2001 : 52-53)

17 mars 1943

Soixante civils, des missionnaires allemands ainsi que des nonnes chinoises, sont évacués de plusieurs îles du Pacifique sur le destroyer japonais Akikaze (秋風). Pour d’obscures raisons, ordre est alors donné par l’état-major de la 8e flotte de les exécuter. Tous les civils (dont deux enfants) sont alors fusillés et leurs corps jetés par dessus bord. Trois heures plus tard, les officiers du navire célèbrent une cérémonie funéraire en leur mémoire.

*** (Tanaka, 1996 : 171-178)

Septembre 1943

Alors qu’un total de 2 500 prisonniers britanniques et australiens sont internés dans le camp de prisonniers de Sandakan (île de Bornéo) depuis 1942, un mouvement de résistance est découvert par les gardes japonais, et une série d’évasions déclenche une spirale de violence. Les conditions de vie se détériorent, causant la mort des prisonniers par maladie et malnutrition. Fin 1944, plus de 400 d’entre eux sont morts. En janvier 1945, les survivants en état de se déplacer sont soumis à une marche forcée dans des conditions extrêmes et la grande majorité d’entre eux y succombe, alors que les prisonniers trop faibles pour marcher sont exécutés par les troupes japonaises au camp de Sandakan en l’espace de quelques mois. Le taux de survie est de 0,24 % et en août de la même année, seuls six prisonniers sont encore en vie.

*** (Rees, 2001 : 81-91 ; Tanaka, 1996 : 11-66 ; NIOD, 2010 ; IKA, 2010)

Fin de l’année 1943

Des témoignages de soldats alliés rapportent des actes de cannibalisme de la part des troupes japonaises. Un témoin parle de plus de 100 prisonniers tués et mangés par des soldats affamés près de Manokwari (Nouvelle-Guinée). Ce cannibalisme de survie – les troupes japonaises étaient abandonnées sur les îles du Pacifique par Tokyo, sans approvisionnement ou moyens de subsistance –, semble s’être également porté sur les soldats japonais morts ainsi que sur les populations locales. Un ordre de l’état-major impérial daté du 18 novembre 1944 confirme cette hypothèse, déclarant que le cannibalisme est punissable d’exécution, sauf si la chair consommée est celle de l’ennemi.

** (Rees, 2001 : 93-96 ; Tanaka, 1996 : 120-129)

6 juillet 1944

Les Américains débarquent à Saipan. Le jour suivant commence l’un des plus importants suicides collectifs de la guerre. Lors d’une tentative de contre-attaque, la quasi-totalité des forces japonaises meurt sur le champ de bataille. Seuls 3 % des 23 811 soldats survivent. Les civils présents sur l’île qui tentent de se rendre sont exécutés sur le champ. Dix mille Japonais, plus de 1 000 Coréens et 3 000 civils ainsi que des « femmes de réconfort » sont tués par les troupes japonaises suivant le message de Tokyo : on explique en effet aux civils que les Alliés leurs feront subir viols, tortures et exécutions et que, par conséquent, mieux vaut mourir que de se rendre. Bien que cela puisse passer pour de la propagande, le fait est que plus de 12 % des colons japonais seront en effet massacrés par les troupes soviétiques en Mandchourie en 1945.

*** (Bix, 2000 : 475-476 ; Dower, 1986 : 298 ; Takemae, 2002 : 23)

Septembre 1944 (date exacte du début des expériences inconnue, mais possiblement antérieure)

Cent trente prisonniers alliés sont pris pour cobayes par la gendarmerie japonaise à Rabaul et Ambon en Papouasie-Nouvelle-Guinée jusqu’en 1945. Certains sont volontairement affamés afin d’étudier les effets de la malnutrition, d’autres utilisés dans la recherche sur la malaria, d’autres encore se voient inoculer des poisons divers. Deux seuls survivent.

** (Tanaka, 1996 : 150-158)

25 octobre 1944

Le vice-amiral Ônishi Takijirô (大西瀧治郎) créé le premier corps de « forces spéciales d’attaque » 特別攻撃隊 tokubetsu kôgeki tai, souvent abrégé 特攻隊 tokkôtai) connus aussi comme kamikazes (神風 vent divin) durant la bataille des Philippines afin de ralentir la victoire alliée dans le Pacifique. De jeunes pilotes ou recrues, souvent présentés comme « volontaires » acceptent ou sont forcés de piloter des avions destinés à s’écraser sur les bâtiments de la marine américaine, avec la promesse d’être ensuite considérés comme des martyrs (et des symboles de pureté) morts pour la patrie. Leur taux de réussite en mission est estimé aujourd’hui entre 1 et 3 %, pour un nombre de morts établi aux alentours de 5 000. En novembre de la même année, l’Unité marine du chrysanthème (菊水隊 kiku sui tai), en référence à la fleur symbole de la Maison impériale, est la première unité de sous-marins suicides (回天 kaiten) établie selon un principe similaire : 106 morts jusqu’à la fin de la guerre du côté japonais. Le 18 janvier 1945, les attaques de type kamikaze deviennent une « politique nationale ». La population japonaise dans son ensemble doit se comporter comme ces « martyrs » et se sacrifier pour le pays : « destruction de cent millions de Japonais comme autant d’éclats de diamant » (一億玉砕 ichioku gyokusai) devient le nouveau slogan des autorités. Afin de faciliter le processus d’identification dans la population, les unités kamikazes sont régulièrement présentées en image dans la presse japonaise entre 1944 et 1945.

*** (Dower, 1986 : 232-233 ; Hosaka, 2009 : 93-98 ; Ienaga, 1978 : 183-184 ; Nakamura, 2006 : 304-311 ; Tokyo Shinbun, 2006 : 86-93)

Février 1945

Pendant le siège de Manille par les Alliés (de février à mars 1945), 20 000 soldats japonais tuent, violent et torturent plus de 1 000 civils retenus en otages avant de se lancer dans une contre-attaque suicide. En deux mois, les civils tués par les troupes impériales dans des combats de rue sont estimés à 100 000 aux Philippines.

*** (Dower, 1986 : 44-45 ; Fujiwara A., 2001 : 112-113 ; Takemae, 2002 : 28-29)

9 mars 1945

L’ambassadeur japonais en Indochine demande la reddition immédiate des forces françaises sur le territoire. Celle-ci tardant à venir, des civils comme des officiers sont torturés, exécutés et/ou décapités. Quelques jours plus tard, les autorités impériales annoncent un accroissement de la mobilisation des ressources. Des réquisitions de nourriture ont lieu à travers le pays dès 1944 dans le but de nourrir les troupes japonaises et, en 1945, de larges stocks de riz sont confisqués. De plus, à partir de 1943, les bombardements américains sur les chemins de fer locaux ralentissent fortement la livraison de nourriture à travers le territoire. Dès lors, des épidémies de choléra et de typhus se développent comme conséquence de la famine. Le total de victimes est très imprécis mais estimé entre 400 000 et deux millions de personnes dans la population indochinoise. Les victimes françaises tombées aux mains de l’armée japonaise ne sont pas dénombrées dans les ouvrages disponibles.

** (Dalloz, 1987 : 62-66 ; Fujiwara A., 2001 : 133 ; Van, 1996 : 286, 308-309)

26 mars 1945

Les troupes alliées débarquent sur l’île de Tokashiki-jima (渡嘉敷島), marquant le début de l’invasion d’Okinawa. Les civils japonais reçoivent de l’état-major l’ordre de se donner la mort afin d’éviter les tortures que pourraient leur infliger les troupes américaines. Dans ce but, des grenades sont distribuées à la population et lorsqu’elles manquent d’exploser, des faucilles, des rasoirs et des pierres sont utilisés. Deux jours plus tard, le nombre de morts s’élève à 329 personnes. Le mois d’après, 1 200 enfants (entre 11 et 14 ans) sont incorporés dans des « bataillons de défense » de l’armée japonaise, tués par l’ennemi ou par voie de suicide, selon les ordres transmis par la propagande impériale. Les habitants d’Okinawa qui communiquent en dialecte local et non en japonais standard sont également exécutés car considérés comme des espions. À la fin du conflit, on estime qu’un tiers de la population locale est décédée (entre 150 000 et 160 000 personnes).

*** (Dower, 1986 : 298 ; Ienaga, 1978 : 185, 198-199 ; Takemae, 2002 : 32-35 ; Yakabi, 2006 : 149-177)

Mars 1945

Les troupes japonaises stationnées sur l’atoll de Mili dans les îles Marshall sont privées de ravitaillement en raison de la présence de l’aviation ennemie, et peu à peu affamées en conséquence. La nourriture des populations locales est réquisitionnée par l’armée japonaise, occasionnant une révolte populaire durant laquelle près de 200 personnes sont fusillées par l’armée de terre. Ce cas est loin d’être unique et des incidents similaires de large ampleur (des auxiliaires coréens en sont aussi victimes) sont à relever dans tout le Pacifique, notamment aux Philippines, jusqu’à la fin du conflit.

*** (Fujiwara A., 2001 : 92-93, 106-107)

9 août 1945

L’état-major de l’armée de terre japonaise ordonne la destruction de la centrale de recherche BC de Pingfan. Plus de quatre cent prisonniers meurent suite à l’empoisonnement de leur nourriture au cyanure ou sont fusillés afin qu’il ne reste aucun survivant capable de témoigner des activités menées sur place. Le personnel restant est dans l’incapacité de brûler la totalité des cadavres en raison de leur grand nombre et le 14 août, ce même personnel (estimé à 120 personnes) se voit distribuer du cyanure pour éviter d’être capturé par les troupes soviétiques.

*** (Harris, 2002 : 245 ; Ienaga, 1978 : 188-189 ; Documents, 1950 : 43, 61 ; Morimura, 1983 : 277-281)

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Sites Internet

NIOD (Nederlands Instituut voor Oorlogsdocumentatie - Institut des Pays-Bas pour la documentation sur la guerre), http://www.niod.nl/ (consulté en juillet 2010).

Archives et sources

Documents relatifs au procès des anciens militaires de l’armée japonaise accusés d’avoir préparé et employé l’arme bactériologique, 1950, Moscou : Editions en langues étrangères.

IKA (Indische Kamparchieven, Archives des camps des Indes néerlandaises), http://www.indischekamparchieven.nl/ (consulté en juillet 2010)

TIMEO, Judgment of the International Military Tribunal for the Far East, 1948, Chapter 8, http://ibiblio.org/hyperwar/PTO/IMTFE/IMTFE-8.html (consulté en juillet 2010).

Notices biographiques

Armée du Kwantung (関東軍 kantô gun) (1906-1945)

Après sa victoire dans la guerre russo-japonaise (1904-1905), le Japon étend sa sphère d’influence sur la péninsule du Liaodong et obtient le contrôle du segment méridional de la Compagnie du chemin de fer sud mandchourien à la suite de traités internationaux. Afin de protéger ses intérêts, une garnison militaire est créée dans la région en 1906, rebaptisée « Armée du Kwantung » et restructurée en 1919. Celle-ci est officiellement sous le contrôle de l’état-major de l’armée de terre japonaise, mais elle est connue pour son indépendance relative vis-à-vis de la capitale. Elle fomente notamment l’« incident de Mandchourie » en 1931 et prend le contrôle de la région pour y édifier l’État du Mandchoukouo, son chef d’état-major servant d’ambassadeur plénipotentiaire du nouveau « pays » et devenant de facto le dirigeant de l’État fantoche. L’armée du Kwantung est aussi responsable du financement et de la gestion d’une partie du programme BC japonais dans la région. Malgré le prestige dont elle s’entoure, elle souffre d’énormes pertes humaines durant la bataille de Nomonhan et finit par se rendre aux troupes soviétiques en août 1945.

Source : Matsusaka, 2001

Empereur Hirohito/Shôwa (裕仁/昭和天皇 shôwa tennô) (29 avril 1901-7 janvier 1989)

Le 25 décembre 1926, Hirohito entame un règne ininterrompu jusqu’à sa mort en 1989, englobant la période avant, pendant et après la « guerre de Quinze Ans ». Hirohito est tout d’abord un dirigeant très informé des activités de son armée, enthousiaste et participatif, donnant notamment son accord à l’institutionnalisation (secrète) du projet japonais de guerre BC. Il est en outre au courant des atrocités perpétrées à Nankin de par sa position au sommet de la chaîne de commandement, lisant chaque télégramme et dépêche qui lui parviennent. Après 1945, Hirohito est maintenu au pouvoir et protégé par les autorités d’occupation qui le perçoivent comme un élément nécessaire au maintien du Japon hors du giron communiste. Il est alors présenté comme un souverain innocent et pacifique qui a pris la décision de mettre fin au conflit. Son absence des procès de Tokyo, ainsi que l’absolution complète de toute responsabilité de guerre qu’il a obtenue est aujourd’hui encore une source majeure de conflit dans le « paysage mémorial » japonais et pour ceux qui se sont battus en son nom entre 1931 et 1945.

Source : Bix, 2000

Tribunal international militaire pour l’Extrême-Orient (TIMEO) (極東国際軍事裁判 kyokutô kokusai gunji saiban) (19 janvier 1946-12 novembre 1948)

Le TIMEO est un corps composé de 11 juges (des puissances alliées comme des pays voisins), installé dans l’ancien bâtiment de l’état-major de l’armée de terre japonaise, créé afin de juger les dirigeants du Japon impérial. Suite aux Procès de Nuremberg et dans l’intention d’éradiquer le « militarisme irresponsable » (tel que présenté dans la Déclaration de Potsdam, article 6), 28 hauts dirigeants militaires japonais sont jugés pour crimes contre la paix et conspiration de guerre en tant que « criminels de classe A » (A級戦犯 A-kyû senpan), aux côtés de nombreux accusés de classes B et C. Sur les 28, 7 sont pendus et, en 1958, tous les accusés encore vivants sont libérés, certains d’entre eux ayant même retrouvé une position au sein du gouvernement. Le rôle et les conséquences du TIMEO sont aujourd’hui encore sujets à débat, notamment à cause d’opinions fortement divergentes parmi les juges, de par l’absence de tout représentant de la Maison impériale – à commencer par l’empereur lui-même – et de représentants des pays colonisés (Indonésie, Vietnam) ou encore du fait de l’occultation de la question de la guerre BC ou, dans une moindre mesure, de l’esclavage sexuel des femmes asiatiques (la question est débattue durant les premières phases du TIMEO, et ultérieurement, un tribunal militaire de Batavia juge en 1948 13 militaires japonais coupables de crimes sexuels contre des femmes néerlandaises uniquement).

Source : Takemae, 2002, Yoshimi, 2000

Ishii Shirô (石井四郎) (25 juin 1892-9 octobre 1959)

Né dans l’actuel département de Chiba (千葉), Ishii est le quatrième enfant d’une famille très aisée. Brillant élève, il s’embarque à la fin de ses études en 1921 dans une carrière de médecin militaire. Ishii est convaincu que le futur du Japon réside dans son potentiel militaire et que la guerre BC, bien qu’interdite, doit y jouer un rôle central. À cette fin, il dirige en 1932 un laboratoire de recherche dans le Mandchoukouo. Bien qu’il ne soit pas seul à nourrir un intérêt pour la recherche militaire BC, et au-delà du soutien qu’il reçoit des plus hautes autorités du Japon, il peut être considéré comme un pionnier en la matière, particulièrement après la mise en place des diverses unités de recherche (qui ne sont pas nécessairement sous sa direction) dans toute la région Asie-Pacifique. Après 1945, le lieutenant général Ishii n’est pas inquiété par le TIMEO, en échange de sa collaboration avec le gouvernement américain sur les questions de guerre BC. Il est important de noter que la plupart des ouvrages en langues occidentales (contrairement à la majorité des ouvrages en japonais) tendent à décrire Ishii comme un savant fou, personnage étrange, « obsédé » par les femmes et la boisson, comme pour minimiser son « génie ».

Source : Harris, 2002

Matsui Iwane (松井石根) (27 juillet 1878-23 décembre 1948)

Général dans l’armée impériale, Matsui est un officier ayant servi durant la guerre russo-japonaise. Il prend sa retraite en 1935 et devient un membre actif d’associations prônant l’asiatisme et luttant contre le communisme en Asie. Rappelé en 1937 comme commandant de la force expéditionnaire de Shanghai puis dirigeant de l’armée de Chine centrale, Matsui est un partisan de la prise de Nankin afin de remporter une victoire symbolique contre l’ennemi. Il n’est pas à Nankin lorsque commencent les atrocités (il en est néanmoins averti et critique ses propres troupes lorsqu’il apprend les pillages et les viols dont elles se sont rendues coupables) et n’y arrive que pour une cérémonie formelle le 17 décembre 1937. Le 15 février 1938, il est rappelé au Japon où il met un terme à sa carrière. En 1946, il est arrêté par le TIMEO et déclaré coupable en raison de son incapacité supposée à contrôler ses troupes. Condamné à mort à tort, Matsui est pendu avec six autres dirigeants japonais. Son journal de guerre est aujourd’hui une source précieuse sur les événements de Nankin, qu’il soit détourné par certains révisionnistes ou qu’il soit cité à bon escient.

Source : Yamamoto, 2000

Naitô Ryôichi (内藤良一) (26 décembre 1906-7 juillet 1982)

Naitô est un lieutenant général de l’armée japonaise. Il termine ses études à l’université impériale de Kyoto avant de devenir professeur assistant à l’école de médecine de l’armée impériale (陸軍軍医学校助教授 rikugun guni gakkô jokyôju) en 1939. Une année plus tard, il dépose conjointement avec Ishii un brevet pour une « méthode de transfusion de plasma sanguin sec » (輸血用乾燥血の製造法 yuketsuyô kansôketsu no seizô hô). En 1942, il est nommé à la tête de l’Unité 9420 à Singapour où sont conduites sous sa direction des expériences BC. De 1942 à la fin de la guerre, il retrouve sa position de professeur au sein de l’école de médecine. Dès 1947 et en échange de l’immunité complète qui lui est accordée, Naitô devient l’informateur principal des militaires américains qui cherchent à se procurer les résultats obtenus par la recherche BC japonaise. En 1950 et sous patronage des instances japonaises et américaines, il devient le cofondateur de la Banque de sang du Japon (日本ブラッドバンクNihon Buraddo Banku), qui devient le 28 août 1964 la Corporation de la croix verte (株式会社ミドリ十字 kabushigaisha Midori Jûji), impliquée dans un scandale de transfusion de sang contaminé en 1983.

Source : Yoshinaga, 2001

Okamura Yasuji (岡村寧次) (15 mai 1884-2 septembre 1966)

Né à Tokyo, Okamura est un général japonais de l’armée du Kwantung. Dans les années 1920, il est envoyé en Europe et prend ensuite la direction d’un bataillon fraîchement revenu de Sibérie avec un taux de MST très élevé, rendant inaptes les soldats comme les officiers. En 1932-1933, il est vice-commandant du corps expéditionnaire de Shanghai. Afin de limiter l’impact des maladies vénériennes, il ordonne la création de maisons closes pour l’armée et la marine après occupation de la ville en 1932. Okamura demande que les autorités du département de Nagasaki lui envoient des « corps militaires de femmes de réconfort » pour les troupes impériales stationnées en Chine. Ces femmes sont recrutées parmi les prostituées locales à Nagasaki, dans le but d’éradiquer non seulement les MST mais aussi les viols par ses soldats. Condamné pour crimes de guerre en Chine en 1948, il est néanmoins autorisé à rentrer au Japon l’année suivante. Son journal de guerre est aujourd’hui une source importante pour l’étude de la question des « femmes de réconfort ».

Source : Yoshimi, 2000

Ônishi Takijirô (大西瀧治郎) (2 juin 1891-16 août 1945)

Vice-amiral de la Marine impériale, Ônishi est nommé en 1944 à la direction du département de l’aviation au ministère des Munitions après une brillante carrière (comme commandant de porte-avion). Cette position lui fait réaliser le retard du Japon dans la production aéronautique militaire, plaçant le pays dans une situation difficile face à ses ennemis. Avec peu d’avions restant, Ônishi estime que des attaques suicides ont de meilleures chances de succès qu’une stratégie de guerre conventionnelle. Certain de continuer à se battre jusqu’au bout, le vice-amiral refuse de considérer la possibilité de se rendre aux Alliés. À cette fin, il se suicide dans la nuit du 15 août 1945. Il laisse derrière lui une note d’excuse, destinée aux unités kamikazes décédées et à leurs familles.

Source : Inoguchi, Nakajima, Pineau, 1958

Tôjô Hideki (東条英機) (30 décembre 1884-23 décembre 1948)

Général de l’armée japonaise, Tôjô est rapidement transféré à l’armée du Kwantung au début de sa carrière. En 1938, il est rappelé au Japon pour occuper différentes positions de haut rang. Il est ensuite nommé Premier ministre entre 1941 et 1944, jusqu’à devenir chef de l’état-major de l’armée de terre en 1944. Tôjô effectue une tentative de suicide en 1945 juste avant sa capture par les forces d’occupation, mais y survit et est jugé par le TIMEO comme criminel de guerre en raison du nombre de positions à responsabilités occupées avant et pendant le conflit. Il est pendu en 1948. Tôjô est souvent considéré comme un bouc émissaire exécuté afin de sauver l’empereur et le maintenir en place. Selon les sources, il est jusqu’à la fin le plus dévoué des proches de Hirohito. On dit que celui-ci pleura en apprenant la nouvelle de sa mort.

Source : Bix, 2000

Mots-clés

Japon (日本), Seconde Guerre mondiale (第二次世界大戦), guerre Asie-Pacifique (アジア・太平洋戦争), guerre de Quinze Ans (十五年戦争), atrocités (残虐), violence(s) de masse (暴力), femmes de réconfort (従軍慰安婦), armes biologiques (生物兵器), armée japonaise ( 日本軍), colonies (植民地)

Citer cet article

DOGLIA Arnaud, Les violences de masse japonaises et leurs victimes pendant la "guerre de Quinze Ans" (1931-1945), Mass Violence & Résistance, [en ligne], publié le : 13 Mai, 2011, accéder le 17/05/2021, http://bo-k2s.sciences-po.fr/mass-violence-war-massacre-resistance/fr/document/les-violences-de-masse-japonaises-et-leurs-victimes-pendant-la-guerre-de-quinze-ans-1931-19, ISSN 1961-9898
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