LIEPP IN THE MEDIA - MAY 2023
Actualité Sciences Po
Axe évaluation des politiques socio-fiscales
- Le savoir dans la crise, entretien avec Michael Zemmour publié par La Vie des Idées le 19/05/2023
- Réforme des retraites : les DRH contraints de repenser les fins de carrière, article citant les propos de Bruno Palier publié par Le Monde le 17/05/2023
- L’intensification du travail, entretien avec Bruno Palier publié par La Vie des Idées le 05/05/2023
- De l'embauche à la retraite, qui profite du travail ?, émission de CliqueTV avec Michaël Zemmour du 01/05/2023
- Face-à-Face, émission de BFMTV avec Michaël Zemmour du 29/04/2023
- Croyance dans l’efficacité des marchés, article de Clément Carbonnier publié par Alternatives Economiques le 26/04/2023
Axe discriminations et politiques catégorielles
- Les violences sexistes et sexuelles, un risque pour le salarié comme pour l'entreprise alerte le Sénat, article citant les propos de Catherine Cavalin publié par Le Journal Spécial des Sociétés le 11/05/2023
Axe évaluation de la démocratie
- L’alternance politique améliore les performances économiques, entretien avec Julia Cagé publié par Le Monde le 22/05/2023
- Julia Cagé et Vincent Pons, Prix du meilleur jeune économiste 2023, entretien avec Julia Cagé publié par Le Monde le 22/05/2023
Axe politiques éducatives
- Pouvons-nous dédramatiser l’usage des réseaux sociaux par nos ados ? Et même pourquoi pas en considérer les effets positifs ?, article citant les propos de Grégoire Borst publié par L'OBS le 21/05/2023
- Face à la ségrégation sociale dans le privé, « un manque d’ambition », entretien avec Marco Oberti publié par Mediapart le 18/05/2023
- Mixité scolaire : «Pap Ndiaye a les mains liées» par un gouvernement réticent à l’idée de déplaire à la droite, entretien avec Agnès Van Zanten publié par Libération le 12/05/2023
- Mixité scolaire, émission de France Culture avec Agnès Van Zanten du 12/05/2023
- Mixité sociale à l’école : la France est-elle un mauvais élève ?, émission de France Info avec Elise Huillery du 11/05/2023
- Une plus grande mixité sociale au collège a des effets positifs sur le bien-être de tous les élèves, entretien avec Elise Huillery publié par Le Monde le 11/05/2023
- Réformer en France 3/4 : l’école privée, angle mort des politiques scolaires ?, émission de France Culture avec Elise Huillery du 03/05/2023
- Épisode 1/3 : Julie-Victoire Daubié : l’émancipation par l’école, émission de France Culture avec Hélène Périvier du 01/05/2023
- Hausse des salaires des profs : une réponse à la crise des vocations ?, émission de France Culture avec Elise Huillery du 27/04/2023
- Enseignement privé et ségrégation scolaire, article de Marco Oberti publié par La Vie des Idées le 25/04/2023
- Lutter contre la ségrégation scolaire, émission de l'Institut Français de l'éducation avec Marco Oberti du 13/04/2023
Axe politiques de santé
- La personne de confiance : cet accompagnant (mal connu) de la fin de vie, article de Maiva Ropaul publié par The Conversation le 23/05/2023
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Actualité Sciences Po
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Arnaud Mias - L’horizon fuyant de la santé au travail
Arnaud Mias est professeur de sociologie à l’Université Paris Dauphine - PSL et membre de l’IRISSO (UMR CNRS-INRAE). Il coordonne avec Laure de Verdalle le comité de rédaction de la revue Sociologie du travail. Ses recherches portent sur les politiques du travail, les relations collectives de travail, les trajectoires professionnelles et les conditions de travail. Il a récemment dirigé avec Claire Edey Gamassou l’ouvrage numérique Dé-libérer le travail. Démocratie et temporalités au cœur des enjeux de santé au travail (Teseo, 2021).
L’HORIZON FUYANT DE LA SANTÉ AU TRAVAIL
Arnaud Mias
Le mouvement de contestation de la réforme des retraites au début de l’année 2023 a rappelé l’impossible dissociation des enjeux de protection sociale et d’emploi des problématiques de travail et de conditions de travail. Il a fait ressortir ce que d’aucuns nomment une « crise du travail » en France (voir la contribution de Maelezig Bigi et Dominique Méda). En parallèle, les « Assises du travail », dont le rapport des garants a été remis en avril 2023, soulignent la nécessaire évolution des pratiques managériales pour faire face aux risques accrus pour la santé au travail, dans un contexte de transitions écologique et numérique.
Ces considérations invitent à interroger les rapports entre santé et travail dans la France contemporaine, et à se demander en particulier s’il est acceptable que le travail rende malade ou use précocement, alors même qu’il peut constituer une ressource primordiale pour la santé, si l’on considère que la santé a à voir avec la « fierté de pouvoir assumer des tâches concrètes utiles à tous » (Clot et al., 2021, p. 7). La question n’est pas seulement celle de l’efficacité de la prévention des risques professionnels déployée au plus près des situations de travail. Il faut se demander si les conditions dans lesquelles le travail de chacun·e est réalisé permet d’en faire un facteur de développement de sa santé.
Dans un premier temps, le questionnement doit porter sur les organisations du travail et leur capacité à ménager les conditions d’un travail soutenable pour tous et toutes. Nous proposons ensuite un état des lieux critique de la santé au travail en France, interrogeant la façon dont on dénombre les maux du travail. Nous revenons enfin sur les pratiques et acteurs de la prévention de la santé au travail pour en pointer les fragilités.
Le lecteur pourra constater des références récurrentes à la situation particulière des travailleurs intérimaires. Ce fil rouge permet de montrer que celle-ci est révélatrice des contradictions générales dans lesquelles sont prises les politiques de santé au travail.
1. Vers un travail plus soutenable ?
Qu’on y voit les symptômes d’une crise du travail ou la manifestation d’une tendance de fond, l’expérience du travail contemporain est profondément marquée par son intensification (cf. la contribution de Bruno Palier). Celle-ci traduit la multiplication des contraintes pesant sur le travail, qui fait que le rythme de son travail est de plus en plus déterminé par des facteurs exogènes : des cadences à tenir, des délais stricts à respecter, des demandes à satisfaire immédiatement, des files d’attente à « gérer », des interruptions fréquentes pour prendre en charge des tâches plus urgentes… Elle résulte d’une transformation profonde des organisations, scandée par une succession d’innovations managériales qui ont conjugué leurs effets pour associer désormais dans les mêmes espaces de travail des contraintes d’ordre « industriel », rigides mais prévisibles, à des contraintes « marchandes », plus aléatoires mais faites de temps de « respiration » et d’adaptation à la clientèle, annulant ainsi les effets compensateurs de chacune au détriment de la santé au travail (Gollac et Volkoff, 1996). Cette intensification du travail a été particulièrement marquée au cours des années 1980-1990 ; elle alterne depuis entre stabilisation et reprise.
Les enquêtes européennes sur les conditions de travail font ressortir qu’en France, si l’intensité et l’autonomie au travail sont relativement proches de la moyenne européenne, la situation est nettement plus dégradée en matière de soutien ou d’aide des collègues et de la hiérarchie, ainsi qu’en matière de pénibilités physiques (voir la contribution de Christine Erhel, Mathilde Guergoat Larivière et Malo Mofakhami).
Pourquoi cette intensification du travail est-elle si problématique ? Principalement parce que disposer de marges de manœuvre dans son travail préserve des atteintes à la santé. Les ergonomes soulignent le fait que chacun·e trouve soi-même, si on lui en laisse le temps, la façon de travailler efficacement qui lui convient personnellement. Chacun·e connaît toujours plusieurs façons de s’y prendre pour réaliser son travail, en tenant compte des exigences de celui-ci et des ressources dont elle ou il dispose. Chacun·e invente la façon de faire qui convient le mieux à ses propres caractéristiques physiques et mentales, et qui préserve ainsi sa santé. Avec l’intensification, l’éventail des possibles se réduit. La manière la plus rapide de procéder n’est pas nécessairement la plus adaptée, ce qui peut être source de pénibilités physiques et de risques pour la santé : risques accrus d’accidents du travail, de troubles musculo-squelettiques, de stress ou d’épuisement professionnel, et plus largement, sentiment d’un travail mal fait, trop vite expédié, dans lequel on ne se reconnait plus, sentiment dont les psychologues du travail ont démontré le caractère délétère tant pour les individus que pour les collectifs de travail.
Un « modèle de la hâte » (Gaudart et Volkoff, 2022) s’impose dans les organisations du travail, un modèle souvent posé comme collectivement incontestable, non-discutable, non-négociable, et dont les conséquences s’éprouvent et se traitent à un niveau individuel, voire personnel. L’ignorance managériale des conditions réelles de réalisation de l’activité de travail sape progressivement les fondements même du « sens au travail » (voir la contribution de T. Coutrot et C. Perez).
Cela explique qu’en 2019, 37 % des actifs occupés français déclarent leur travail « insoutenable », au sens où ils ne se sentent pas capables de tenir dans leur travail jusqu’à la retraite (Beatriz, 2023). Les métiers au contact du public (caissières, employé·e·s de la banque, de l’assurance et de l’hôtellerie-restauration) ou dans le secteur du soin (infirmières et aides-soignantes) et de l’action sociale, ainsi que certains métiers ouvriers non-qualifiés apparaissent les moins soutenables. L’intensité du travail et la faible autonomie au travail accentuent ce sentiment. Celui-ci est nettement plus prononcé en France que dans les autres pays européens. Dans l’enquête européenne sur les conditions de travail réalisée en 2015, alors que 73 % des Européen·ne·s de 55 ans et moins se sentaient capables de tenir dans leur travail jusqu’à 60 ans, c’était le cas pour moins de 60 % des répondant·e·s français·e·s.
Cela fait ressortir l’inadaptation des organisations, privées comme publiques, aux aspirations et besoins des travailleurs et travailleuses françaises. Le caractère standardisé de ces organisations, conçues pour un homme de 40 ans sans handicap et sans problème de santé, rend le travail insoutenable, par déni de la diversité. A contrario, les recherches conduites au sein du Creapt (Centre de recherches sur l’expérience, l’âge et les populations au travail) montrent que le maintien en emploi des seniors passe nécessairement par un desserrement des contraintes temporelles en fin de vie active : « la possibilité d’alléger les horaires et d’étendre les temps de repos (en minimisant autant que possible les pertes de revenus pour le salarié) ; des aménagements dans l’organisation pour accroître les marges d’anticipation dans le travail, les temps d’échanges entre collègues, les transmissions de savoirs ; des périodes de réflexion pour ajuster les contours des tâches si le travailleur garde le même poste, pour valoriser ses compétences acquises s’il en change » (Gaudart et Volkoff, 2022, p. 182). Dans le même registre, les recherches récentes sur les liens entre handicap et travail interrogent, par-delà les problèmes d’insertion professionnelle et de maintien en emploi des personnes handicapées, les enjeux plus directement liés à leur expérience du travail. Elles soulignent la nécessité de transformer les normes organisationnelles pour « faire du handicap une composante habituelle de l’organisation du travail » (Revillard, 2019, p. 91 ; voir aussi sa contribution). Dans un cas comme dans l’autre, promouvoir la soutenabilité du travail pour tous et toutes suppose de surmonter la faible tolérance de nos organisations aux aménagements particuliers et aux régulations autonomes localisées.
Les configurations socio-productives, qui résultent elles-mêmes de décisions managériales et d’arbitrages organisationnels, sont par ailleurs génératrices de fortes inégalités en matière de santé au travail. Il est aujourd’hui démontré que les entreprises en situation de sous-traitance et celles qui recourent à l’intérim exposent davantage leurs salariés à certains risques professionnels et aux accidents du travail (Perraudin et al., 2022 ; Coutrot et Inan, 2023).
2. Accidents du travail, maladies professionnelles : miroirs déformés et déformants des maux du travail
Les mêmes constats se répètent depuis plus de deux décennies : les efforts de prévention engagés ne parviennent pas à réduire le nombre d’accidents du travail, y compris les plus graves et mortels, et ces accidents affectent de façon très inégale les travailleurs. Selon la DARES, on comptabilise encore 783 600 accidents du travail avec au moins un jour d’arrêt en 2019. Près de 40 000 d’entre eux donnent lieu à la reconnaissance d’une incapacité permanente (accidents graves), et 790 sont mortels. Tout se passe comme si notre système productif devait inéluctablement générer un contingent stable d’accidents du travail. Mais la menace ne pèse pas uniformément sur le corps social. Le risque est ainsi deux fois plus élevé pour les intérimaires. Si les secteurs de la construction, du transport et de l’entreposage ainsi que celui de l’agriculture sont traditionnellement fortement touchés par ces accidents du travail, c’est aujourd’hui l’hébergement médico-social et social, particulièrement dans les activités auprès d’adultes âgés ou handicapés, qui est le plus affecté, juste derrière l’intérim. Par ailleurs, les ouvriers ont sept fois plus de risques de connaître un accident grave que les cadres, et près de cinq fois plus un accident mortel. Pour de nombreux salariés donc, l’expérience du travail est aussi l’expérience des accidents, aux conséquences plus ou moins dramatiques. Ce phénomène massif et profondément inégalitaire est toutefois largement invisibilisé dans le débat public (Daubas-Letourneux, 2021).
À regarder les chiffres, on pourrait à l’inverse conclure à une meilleure reconnaissance des maladies d’origine professionnelle. Leur nombre a effectivement été multiplié par cinq entre le milieu des années 1990 et le début des années 2010. En 2019, 49 505 maladies ont été reconnues d’origine professionnelle et indemnisées par la Caisse d’assurance maladie des travailleurs salariés. Pourtant, cent ans après la loi inscrivant la notion dans le droit français, la sous-reconnaissance des maladies professionnelles pointe les limites de l’instrument institué en 1919, les « tableaux » de maladies professionnelles qui précisent les pathologies éligibles à la reconnaissance et les conditions qui ouvrent droit à celle-ci (Cavalin et al., 2020). La liste de ces tableaux s’est étoffée progressivement, au gré de l’avancée des connaissances étiologiques, ainsi que des compromis trouvés entre organisations patronales et confédérations syndicales sous contrainte d’équilibre financier entre dépenses d’indemnisation et cotisations patronales.
On compte aujourd’hui 123 tableaux pour les salariés du régime général. Mais l’instrument parait totalement inadapté aux enjeux sanitaires actuels. Son caractère foncièrement conventionnel explique en grande partie le décalage important entre l’ampleur des expositions professionnelles et le nombre de maladies professionnelles comptabilisées parce qu’indemnisées. Ce caractère conventionnel ressort très nettement lorsqu’on cherche à expliquer l’explosion des maladies professionnelles au tournant du XXIe siècle : celle-ci est quasi-exclusivement due à la meilleure indemnisation des troubles musculo-squelettiques (TMS) relevant du tableau n° 57 « Affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail », dont le périmètre et les conditions d’éligibilité ont été élargis au début des années 1990. Aujourd’hui, 9 maladies professionnelles sur 10 sont des TMS. Autrement dit, les autres tableaux servent très peu. De surcroît, il a suffi d’une réécriture des tableaux au début des années 2010 pour imposer des conditions plus restrictives à la reconnaissance et stopper l’augmentation du nombre de maladies professionnelles. Les mêmes raisons empêchent de reconnaitre et d’indemniser bon nombre de cancers d’origine professionnelle. Les chiffres sont saisissants : chaque année, hors cancers liés aux expositions à l’amiante, moins de 300 cancers sont effectivement reconnus comme maladies professionnelles, alors que les épidémiologistes les plus prudents estiment que le nombre de cancers liés au travail est au moins 20 fois plus important (Marant Micallef et al., 2023).
Ces limites du système de reconnaissance des maladies professionnelles invitent à porter l’attention sur les « maladies à caractère professionnel », maladies en lien avec le travail mais non reconnues par les régimes de sécurité sociale. Un rapport de Santé Publique France publié en avril 2023 montre ainsi que les TMS et la souffrance psychique forment la majeure partie de ces pathologies professionnelles non-reconnues, et qu’elles sont en progression. L’étude révèle aussi l’ampleur de la sous-déclaration, qui renforce les mécanismes d’invisibilisation déjà signalés : 75 % des TMS correspondant à un tableau de maladie professionnelle n’ont pas fait l’objet d’une déclaration, principalement en raison de la méconnaissance de la procédure par le salarié et d’un bilan diagnostique insuffisant.
Les recherches en sciences sociales interrogent souvent les liens entre travail et santé sous l’angle de leur méconnaissance et de leur invisibilisation. Les sociologues mettent au jour les efforts faits pour relativiser ou occulter (ou à l’inverse révéler, objectiver) les expositions professionnelles. Certains travaux analysent les logiques des mobilisations collectives de victimes, dont la production de connaissances et de contre-expertises est une dimension structurante (voir par exemple : Pitti, 2010 ; Delmas, 2012 ; Jouzel et Prete, 2015 ; Marichalar, 2017). D’autres interrogent réciproquement les ressorts de la production de l’ignorance. Ils mettent au jour des pratiques de production volontaire d’ignorance scientifique par les industriels, ce qui a été fait pour empêcher qu’une causalité devienne indiscutable. Certaines analyses font ressortir le caractère structurel de cette production de l’ignorance. En portant attention aux tableaux de maladies professionnelles et aux valeurs limites d’exposition professionnelle, Emmanuel Henry (2017) explique ainsi l’inertie de ces dispositifs et la faible influence de l’expertise par la force des accords qui structurent les configurations d’acteurs dans les enceintes administratives et paritaires.
Faute d’être formulés et rendus visibles, les problèmes de santé au travail échappent ainsi à toute action visant leur éradication, leur prévention ou leur réparation. Le recours à l’emploi précaire renforce encore ces logiques d’invisibilisation et d’externalisation des risques professionnels (Thébaud-Mony, 2000 ; Décosse, 2013 ; Mias et al., 2022).
3. Qui peut soigner le travail ? Troubles dans la responsabilité
Le Code du travail prévoit que « l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs » (article L4121-1). Il précise les obligations des employeurs en matière de prévention des risques professionnels auxquels sont exposés leurs salariés : élaborer un document unique d’évaluation des risques (DUER) identifiant les risques encourus sur le lieu de travail et l’actualiser annuellement, afficher les consignes de sécurité, installer des équipements de protection collective, mettre à disposition les équipements de protection individuelle nécessaires, dispenser des formations spécifiques à la santé et à la sécurité au travail, assurer une suivi régulier par un médecin du travail…
Si l’évaluation des risques professionnels est aujourd’hui quasi-généralisée dans les établissements privés de plus de 50 salariés, cette pratique préalable à toute mesure de prévention reste nettement moins fréquente dans les très petits établissements, ainsi que dans la fonction publique d’État et dans les collectivités territoriales, où le DUER n’est présent et actualisé que dans un établissement sur deux. Pire, l’effort de prévention des risques physiques semble régresser dans les années récentes (Amira, 2019). Et les mesures de prévention, qu’il s’agisse de risques physiques, chimiques ou psycho-sociaux, restent majoritairement d’ordre individuel (équipements de protection individuelle, sensibilisation, formation, dispositifs de signalement et d’assistance) et induisent rarement une modification des organisations du travail.
À l’échelle nationale, la gouvernance du système français de santé au travail apparait très lacunaire. « Défaut de pilotage », « manque de lisibilité », « paysage fragmenté », « multiples cloisonnements »… Les rapports publics rédigés ces dernières années (Lecocq, Dupuis et Forest, 2018 ; Artano et Gruny, 2019 ; Cour des Comptes, 2022) dressent un constat sévère, malgré les efforts engagés depuis 20 ans pour organiser une concertation et une meilleure coordination entre les multiples acteurs du système (voir schéma ci-dessous, extrait d’un rapport de la Cour des Comptes publié en décembre 2022), via notamment plusieurs plans nationaux « santé au travail » et leurs déclinaisons régionales. Et les propositions de réforme peinent à se concrétiser. La loi du 2 août 2021 (« pour renforcer la prévention en santé au travail ») reste très en-deçà des ambitions réformatrices, en portant l’essentiel de l’action transformatrice sur les services de prévention et de santé au travail, auxquels est entre autres confiée une nouvelle mission de prévention de la « désinsertion professionnelle », là où beaucoup appellent à une refonte complète du système de santé au travail.
Depuis plus de 20 ans, dans un contexte de diminution du nombre de médecins du travail en France, plusieurs lois ont cherché à diversifier les acteurs du suivi sanitaire des salariés (Barlet, 2019) et à concentrer celui-ci sur les travailleurs les plus exposés, non sans résultat : en 2005, 70 % des salariés du privé déclaraient avoir eu une visite avec un·e médecin du travail ou une infirmière au cours des 12 derniers mois ; ils ne sont plus que 39 % en 2019. Mais, cet espacement des visites s’observe pour tous les salariés, même ceux qui occupent les postes les plus à risque (Mauroux, 2021).
Les inspecteurs du travail consacrent une part importante de leur activité de contrôle aux questions de santé-sécurité au travail. Cependant, on ne compte aujourd’hui qu’un agent de contrôle pour près de 11 000 salariés, ce qui limite fortement leur influence sur les situations de travail. Par ailleurs, l’activité de contrôle relève prioritairement du conseil et du rappel à l’ordre : en 2021, à l’issue des 255 000 interventions effectuées par l’inspection du travail, 157 061 lettres d’observation ont été rédigées, pour seulement 5 677 mises en demeure et 4 619 procès-verbaux dressés (Direction générale du travail, 2022). De leur côté, les Caisses d’assurance retraite et de la santé au travail, l’Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics, la Mutualité sociale agricole et les Associations régionales pour l’amélioration des conditions de travail constituent certes des relais importants d’information, de sensibilisation et de conseil en matière de prévention, mais à l’influence, elle aussi, circonscrite.
Instance de représentation du personnel longtemps marginalisée dans la dynamique des relations sociales en entreprise, les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ont gagné en puissance au cours des années 2000-2010, sur fond de renouvellement des préoccupations sanitaires et de prise en compte des risques psycho-sociaux, et avec le soutien d’une jurisprudence qui a eu tendance à élargir le champ d’intervention des représentants du personnel dans le domaine. Les Ordonnances Travail du 22 septembre 2017 semblent avoir brisé cette dynamique, en supprimant cette instance et en reportant ses anciennes attributions vers le comité social et économique (CSE). Dans le meilleur des cas, une commission dédiée du CSE est censée instruire ces sujets. En 2017, 74,6 % des salariés d’entreprise de plus de 10 salariés étaient couverts par un CHSCT ; en 2019, ils ne sont plus que 46,4 % à être couverts par une instance dédiée aux questions de sécurité et conditions de travail. Pour beaucoup, la fusion des instances de représentation du personnel s’est traduite par une perte d’autonomie, d’expertise et de pouvoir des représentants du personnel en matière de santé-sécurité au travail (France Stratégie, 2021).
On le voit, les institutions en charge de la santé au travail sont fragilisées, peinant à compenser un important relâchement de l’encadrement collectif des relations d’emploi, au moment même où les exigences sanitaires s’élèvent. Cela fait apparaitre une incertitude forte quant à notre capacité collective à préserver la santé et la sécurité au travail.
Le secteur de l’intérim est, là encore, un puissant révélateur de ces contradictions. Alors que le problème de la sur-accidentalité des intérimaires est régulièrement publicisé, le dispositif de gestion des risques professionnels associés au travail intérimaire révèle régulièrement à ses acteurs ses propres limites tout en les maintenant dans une situation troublée qui les rend incapables d’y répondre efficacement (Barlet et al., 2022). Qu’il s’agisse des organisations patronales et syndicales de la branche professionnelle concernée, des médecins du travail qui doivent assurer le suivi de l’état de santé de ces travailleurs, ou des services de prévention des risques professionnels des entreprises de travail temporaire, les acteurs de la prévention font l’expérience de responsabilités limitées : en charge du problème, ils éprouvent leurs faibles capacités à y apporter des réponses efficaces. Ces situations « troublées » sont à rapporter à la particularité de la relation triangulaire qui organise le travail intérimaire : ces salariés relèvent d’une relation contractuelle avec une agence de travail temporaire, leur employeur juridique, tout en étant soumis pour la réalisation de leur travail aux consignes d’une entreprise dite « utilisatrice ». Le trouble nait de la transposition fictionnelle (sur le mode du « comme si ») de dispositifs conçus dans le cadre d’une relation salariale standard à une relation triangulaire qui prend plutôt la forme de la juxtaposition de trois relations relativement disjointes.
Conclusion
Ces constats font douter de la possibilité de rendre effectif un authentique droit à la santé au travail. L’exercice de ce droit, cette liberté, se fonde sur des instruments institutionnels et des dynamiques collectives qui sont aujourd’hui fragilisés. Les limites et les contradictions relevées tiennent à ce que la santé au travail se trouve au croisement de deux dynamiques historiques en tensions : l’affirmation des préoccupations sanitaires, aux formes diverses d’une part, la flexibilisation des relations d’emploi d’autre part (Mias, 2010). Par-delà la nécessaire refondation institutionnelle du système de santé au travail, unanimement proposée dans les rapports publics récents, il s’agit aussi, sans nostalgie illusoire, mais avec une ferme ambition, de réinventer les pratiques de dialogue au plus près du travail réel pour développer les ressources nécessaires à la réalisation d’un travail émancipateur et facteur de santé.
Bibliographie
Barlet B., 2019, La santé au travail en danger. Dépolitisation et gestionnarisation de la prévention des risques professionnels, Toulouse, Octarès.
Barlet B., Barnier L.-M., Mascova E., Mias A. et Pillon J.-M., 2022, « Troubles dans la prévention. Responsabilités limitées dans la prise en charge de la santé-sécurité des intérimaires », Travail et Emploi, n° 169-170-171, à paraître.
Cavalin C., Henry E., Jouzel J.-N., Pélisse J., 2020, Cent ans de sous-reconnaissance des maladies professionnelles, Paris, Presses des Mines.
Clot Y., avec Bonnefond J.-Y., Bonnemain A. et Zyttoun M., 2021, Le prix du travail bien fait. La coopération conflictuelle dans les organisations, Paris, La Découverte.
Daubas-Letourneux V., 2021, Accidents du travail. Des morts et des blessés invisibles, Paris, Bayard.
Gaudart C. et Volkoff S., 2022, Le travail pressé. Pour une écologie des temps du travail, Paris, Les Petits matins.
Henry E., 2017, Ignorance scientifique et inaction publique. Les politiques de santé au travail, Paris, Presses de Sciences Po.
Marichalar P., 2017, Qui a tué les verriers de Givors ? Une enquête de sciences sociales, Paris, La Découverte.
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Revillard A., 2019, Handicap et travail, Paris, Presses de Sciences Po, coll. Sécuriser l’emploi.
Thébaud-Mony A., 2000, L’industrie nucléaire. Sous-traitance et servitude, Paris, Inserm/EDK.
Thébaud-Mony A., Davezies P., Vogel L. et Volkoff S. (dir.), 2015, Les Risques du travail. Pour ne pas perdre sa vie à la gagner, Paris, La Découverte.
Olivier Godechot - Des lieux de travail de plus en plus ségrégués
Olivier Godechot est directeur de recherche CNRS au CRIS et professeur à Sciences Po. Il est aussi le directeur de l’observatoire AxPo à Sciences Po, consacré à l’observation de la polarisation des sociétés de marché. Ses recherches actuelles portent sur la ségrégation au travail, au séparatisme des élites (en particulier à travers l’étude du phénomène des départs en équipe) et plus généralement à la dynamique inégalitaire du marché du travail. Auparavant, il a étudié la financiarisation des sociétés modernes et son effet sur l’accroissement des inégalités, les mécanismes de rémunération dans le secteur de l’industrie financière ainsi que la division du travail et les rationalités à l’œuvre dans les salles de marché. Il a consacré en parallèle des travaux au monde académique et à l’impact des réseaux socio-intellectuels sur les recrutements à l’université.
DES LIEUX DE TRAVAIL DE PLUS EN PLUS SÉGRÉGUÉS
Olivier Godechot et l’équipe COIN
Le travail n’est pas seulement économique. On ne peut le résumer à la production de biens et de services ou à l’échange d’une force de travail et d’un salaire. C’est aussi une sphère cruciale de la vie sociale. Il est l’occasion de contacts et d’échanges entre salariées de divers niveaux de la hiérarchie des salaires. On sait d’ailleurs que les actives passent plus de temps à échanger avec des collègues au travail qu’avec leurs voisines (Héran, 1988). Comme le voisinage ou l’école, le travail peut contribuer à la cohésion sociale, en augmentant l’interconnaissance entre les différents groupes sociaux et en permettant la circulation de proche en proche des ressources clefs, telles que l’information, le savoir ou le capital social. Aux dimensions d’intégration et de redistribution, le travail ajoute une dimension relationnelle plus prononcée qu’au sein des autres sphères sociales. Il est le lieu de revendications concurrentes sur la distribution des ressources organisationnelles et de la valeur ajoutée. Les salariées du haut de la hiérarchie salariale, qui ont un rôle important dans la détermination des salaires, sont potentiellement exposées aux conditions de travail et aux revendications d’autres niveaux de la hiérarchie salariale. Aussi, la composition des lieux de travail peut avoir une incidence sur la cohésion sociale globale.
Dans le cadre de cette contribution, nous résumons un travail d’ampleur sur l’évolution de la ségrégation socio-économique au travail mené par une équipe internationale de chercheuses en sciences sociales (Godechot et al. 2023). Pour mesurer l’évolution de la ségrégation salariale sur les lieux de travail depuis le début des années 1990, nous nous fondons sur des données administratives exhaustives ou quasi-exhaustives de douze pays représentant une variété d’économies capitalistes : économies « libérales » avec le Canada ; social-démocrates avec le Danemark, la Norvège et la Suède ; continentales avec la France, les Pays-Bas et l’Allemagne ; de l’Europe du Sud avec l’Espagne ; en transition avec la Tchéquie et la Hongrie ; et d’Asie orientale avec la Corée du Sud et le Japon. Nous divisons la population salariée nationale en fractiles de salaire (Piketty, 2013) et nous mesurons « l’exposition » des fractiles les uns aux autres au sein des établissements de chaque pays, c’est-à-dire au sein des différents lieux de travail (adresses) des entreprises (en France, par exemple nous utilisons le SIRET pour caractériser un établissement). La notion statistique d’exposition d’un groupe donné (par exemple les membres du dixième supérieur) à un autre (par exemple les membres de la moitié inférieure) correspond tout simplement à la proportion des collègues du premier groupe qui appartiennent au deuxième groupe.
Une élite salariale de plus en plus concentrée et séparée des salariées de la moitié inférieure de la hiérarchie salariale
La figure 1 présente ainsi dans chacune des économies nationales l’évolution de l’isolement (ou de l’entre-soi) du top 10 % national, c’est-à-dire de l’exposition du top 10 % à lui-même. Ainsi, en 1993, les membres du dixième supérieur des salaires en France travaillaient dans des établissements où 27 % de leurs collègues faisaient aussi partie du même groupe salarial. Si ces derniers étaient répartis aléatoirement, alors le taux d’isolement aurait dû être de 10 %. Non seulement, les salariées de l’élite salariale se concentrent dans un nombre limité d’établissements, mais cette concentration a connu une évolution particulièrement prononcée. En 2019 en France, le taux d’isolement du dixième supérieur atteint en effet 36,5 %, soit près de 10 points de pourcentage de plus qu’en 1993. Pour l’exprimer autrement, le taux d’accroissement de ce taux d’exposition a suivi une tendance linéaire de +2 % par an. Ce phénomène d’accroissement de l’entre-soi des salariées les mieux payées est certes particulièrement prononcé en France, mais on le rencontre dans l’ensemble des pays étudiés, que ce soit dans les autres économies continentales (Pays-Bas, +1,3 % par an, Allemagne +1,2 % par an, Espagne + 1,3 % par an), asiatiques (Corée du Sud, + 2 % par an, Japon, +1,5 % par an), « sociales démocrates » : (Suède, +1 % par an ; Danemark, + 0,7 %/an), en transition (Tchéquie et Hongrie +0,8 % par an) ou libérales (Canada +0,7 %/an). Seule la Norvège semble échapper à cette dynamique de concentration des salariées les mieux payées, mais on retrouve une tendance similaire dans ce pays lorsqu’on approche son élite salariale avec des notions alternatives de top 1 % ou de top 20 %.
De quels groupes salariaux l’élite salariale se sépare-t-elle lorsqu’elle se concentre dans un petit nombre d’établissements ? Dans certains pays, la séparation se fait surtout avec les dixièmes du bas de la hiérarchie des salaires (France, Suède, Allemagne), dans d’autres, elle se fait surtout avec les dixièmes médians (Hongrie, Japon, Corée du Sud). On peut assez bien résumer la situation en montrant que dans tous les pays, le top 10 % est de plus en plus séparé des salariées de la moitié inférieure de la hiérarchie des salaires (Figure 2). Ainsi en France en 1993, les membres du top 10 % comptent parmi leurs collègues d’établissement 26 % de salariées de la moitié inférieure nationale. Là encore, la sous-représentation est patente : si les salariées étaient réparties aléatoirement, cette proportion devrait logiquement s’élever à 50 %. Elle s’accentue considérablement au cours des trente dernières années. En 2019, le taux d’exposition de l’élite à la moitié inférieure s’élève à 16,5 %, soit près de 10 points de moins. La pente est clairement décroissante à un rythme de - 2.5 % par an, comme elle l’est dans l’ensemble des autres pays à des rythmes allant de - 3 % (Japon) à - 0,8 % (Norvège), la Hongrie (- 0,3 %) et le Canada (- 0,1 %) constituent deux exceptions où la tendance n’est pas significative.
Les facteurs de la ségrégation : désindustrialisation, restructurations et numérique
Quels sont les facteurs de cet accroissement de la ségrégation socio-économique au travail ? Notre étude, qui combine plusieurs méthodes et niveaux d’analyse met en évidence trois grands facteurs fortement intriqués : la désindustrialisation, le processus de restructuration des entreprises et la digitalisation.
Traditionnellement, les établissements industriels pouvaient réunir des niveaux très différents de la hiérarchie salariale, que ce soit des ouvrières, des employées, des ingénieures, des cadres (et, dans les petites entreprises, des dirigeantes). Le fort déclin de l’emploi industriel et son remplacement par des nouveaux emplois dans les services, plus polarisés entre services à haute valeur ajoutée comme la finance et services à faible valeur ajoutée comme la restauration, contribuent donc au processus de ségrégation. Ainsi, lorsque l’emploi industriel diminue d’une unité standardisée de mesure (c’est-à-dire un écart-type en statistiques), le taux d’isolement des 10 % des salariées du haut de la hiérarchie augmente entre 0,2 et 0,5 unité. Qui plus est, la désindustrialisation n’est pas seulement un phénomène de déclin numérique de l’emploi industriel, mais aussi une transformation profonde de son organisation, avec l’automatisation de nombreuses tâches et fonctions et le recours accru à l’externalisation, la sous-traitance ou la délocalisation. Aussi, c’est à l’intérieur du secteur industriel que la tendance à l’isolement des salariées les mieux payées est la plus prononcée : elle s’élève à +0,33 point de pourcentage par an contre 0,23 pour l’économie dans son ensemble.
Dans un ouvrage visionnaire, The Vanishing American Corporation, le sociologue Gerald Davis a montré que l’effectif des grandes entreprises états-uniennes était désormais en déclin (2016). Il faisait l’hypothèse que cette course à la réduction de la taille des entreprises allait de pair avec l’accroissement des inégalités et de la ségrégation au travail. Avec nos données, nous confirmons cette intuition. L’effectif des établissements est bien un facteur de variation de l’isolement de l’élite salariale. Une baisse d’une unité standardisée de la taille de l’établissement augmente de 0,15 à 0,2 unité notre indicateur d’isolement.
Comment le phénomène se produit-il ? Il ne prend pas que la forme progressive de variation continue des effectifs (recrutements, démissions, départs à la retraite) en fonction des aléas de la conjoncture et la composition de la force de travail, mais il doit aussi beaucoup aux politiques délibérées de restructuration qui « fissurent » l’entreprise, comme l’externalisation ou la sous-traitance (Weil 2014). Nous disposons de données françaises plus détaillées qui permettent justement d’estimer les conséquences de ce processus de fissuration. Nous pouvons mesurer comment des événements de restructuration qui réduisent l’effectif, tels que les plans de licenciement économiques, les externalisations, le recours à la sous-traitance, les délocalisations, influent aussi sur l’isolement du top 10 %. Externaliser, délocaliser ou sous-traiter 10 % de la main d’œuvre augmente de 4 points de pourcentage le taux d’isolement du dixième supérieur au sein des salariées qui restent. De même, licencier 10 % de la main d’œuvre augmente de 2 points de pourcentage le taux d’isolement de l’élite salariale. Ainsi par ces restructurations, les entreprises se débarrassent prioritairement des salariées du bas de la hiérarchie salariale et resserrent l’entre-soi des salariées les mieux rémunérées. Les salariées du bas de la hiérarchie continuent à travailler de manière invisible pour le haut de la hiérarchie, mais depuis des établissements différents et par l’entremise complexe de chaînes d’entreprises sous-traitantes et de prestataires externalisés.
Une telle désindustrialisation et de telles restructurations n’auraient pas été possibles sans changement technologique avancé. L’automation permet de supprimer des tâches routinières non-qualifiées (Autor, Katz, and Kearney 2006). L’informatisation permet aussi de réorganiser le travail à distance et permet l’organisation de chaînes complexes de sous-traitance. Même si on manque d’indicateurs fins de la digitalisation des entreprises, on peut montrer que l’évolution de la part des actifs nationaux investis dans les technologies de l’information et de la communication est corrélée à notre indicateur national d’isolement de l’élite salariale : une variation d’une unité standardisée de la première mesure est associée à une variation de 0,15 à 0,3 unité de la seconde.
Alors que depuis une dizaine d’années, les chercheuses en sciences sociales ont alerté d’un retour de l’accroissement de la ségrégation résidentielle et géographique (Reardon et Bischoff, 2011 ; Musterd et al., 2017 ; Préteceille, 2006), nous montrons ici que la ségrégation socio-économique au travail, largement méconnue, augmente à un rythme soutenu dans les douze pays étudiés, représentatifs des différents types d’économie capitaliste avancée. La désindustrialisation, les restructurations d’entreprise et la digitalisation ont alimenté cette évolution.
Au vu de l’importance du travail comme sphère de socialisation, on peut craindre que cette tendance à la ségrégation n’affecte la cohésion sociale. Aussi, l’étude des conséquences de cette évolution constitue un programme de recherche prioritaire. Même s’il est encore tôt pour évoquer des résultats, nous voudrions finir ce texte avec quelques réflexions relatives aux réformes touchant le travail en France actuellement. La séparation au travail des salariées du haut et du bas de la hiérarchie est devenue telle aujourd’hui que les personnes les plus impliquées dans ces réformes (les ministres, les membres des cabinets, les conseillères, les économistes, les députées, les assistantes parlementaires, les consultantes, etc.) sont très mal connectées aux salariées du bas de la hiérarchie que ce soit directement par leur travail actuel ou passé, ou indirectement par celui de leurs proches. La méconnaissance des salariées du bas de la hiérarchie risque d’être redoublée par des formes d’incompréhension et un manque d’empathie.
C’est notamment le cas des réformes qui demandent des efforts aux salariées qui risquent alors d’affecter plus les personnes qui se trouvent en bas de la hiérarchie. L’épisode de la réforme des retraites de 2023, marqué par une faible considération pour les carrières longues et la pénibilité au travail, en est l’illustration. Mais, même des réformes visant à revaloriser le travail risquent de favoriser avant tout les salariées les mieux payées. C’est le cas notamment de celles qui cherchent à enrôler les entreprises dans les augmentations de pouvoir d’achat. Inciter les entreprises à verser des primes ou à recourir plus fortement à l’intéressement néglige le fait que salariées bien payées et mal payées ne travaillent pas dans les mêmes entreprises et que les possibilités d’implication des entreprises seront toujours plus fortes chez celles, plus profitables et plus volontaires, qui emploient les salariées du haut de la hiérarchie.
Références :
Autor David H., Katz Lawrence F. et Kearney Melissa S. (2006), « The polarization of the US labor market », American economic review, 96 (2), p. 189‑94.
Davis Gerald F. (2016), The vanishing American corporation: Navigating the hazards of a new economy. Oakland, CA, Berrett-Koehler Publishers.
Godechot Olivier, Tomaskovic-Devey Donald, Boza István, Henriksen Lasse, Hermansen Are Skeie, Hou Feng, Jung Jiwook, Kodama Naomi, et al. (2023), « The Great Separation (reloaded): Top Earner Segregation at Work in Advanced Capitalist Economies », Miméo.
Héran François (1988), « La sociabilité, une pratique culturelle ». Économie et statistique, 216 (1), p. 3‑22.
Musterd Sako, Marcińczak Szymon, Van Ham Maarten et Tammaru Tiit (2017), « Socioeconomic segregation in European capital cities. Increasing separation between poor and rich ». Urban Geography, 38 (7), p. 1062‑83.
Piketty Thomas (2013), Le capital au XXIe siècle, Paris, Seuil.
Préteceille Edmond (2006), « La ségrégation sociale a-t-elle augmenté ? » Sociétés contemporaines, 62 (2), p. 69‑93.
Reardon Sean F. et Bischoff Kendra (2011), « Income inequality and income segregation », American journal of sociology, 116 (4), p. 1092‑1153.
Weil David (2014), The fissured workplace, Cambridge MA, Harvard University Press.
The Welfare Workforce: Trade Unions and Mental Health Care in France
Arthimedes / Shutterstock
LIEPP's Health Policies research group is pleased to convene the seminar:
The Welfare Workforce: Trade Unions and Mental Health Care in France
June 9th. 2pm-4pm.
Location : Salle 102. Sciences Po. 56, rue des Saints Pères (access via 27, rue Saint Guillaume), 75007 Paris.
Mandatory registration to participate in person
Mandatory registration to participate online
Speaker:
Isabel M. Perera (Cornell University)
Abstract:
Why would the government provide health and social services to those who cannot demand them? Absent powerful clients, I find, the maintenance and expansion of such services can depend on the political organization of those who work for the welfare state: the “welfare workforce.” A chapter from a forthcoming book project demonstrates how and when in late twentieth century France, welfare workers successfully advocated for expansions to the public mental health care system -- despite the powerful economic and ideological pressures to the contrary. Within-case process analysis, supported by extensive archival material, documents how a durable coalition of public sector workers and their managers (a distinct source of political influence) produced the expansive French public mental health system that remains in place today.
Christine Erhel, Mathilde Guergoat Larivière , Malo Mofakhami - La qualité de l’emploi et du travail en comparaison européenne : une contre-performance française ?
Christine Erhel est professeure au Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM, Paris), titulaire de la chaire Economie du travail et de l’emploi, et directrice du Centre d’Études de l’Emploi et du Travail (CEET). Elle mène des recherches en économie du travail, particulièrement sur les questions de réformes du marché du travail et de qualité de l’emploi, notamment dans le cadre de projets européens. En 2020-2021, elle a rédigé le rapport de la mission pour la reconnaissance des travailleurs de la deuxième ligne, avec Sophie Moreau-Follenfant.
Mathilde Guergoat-Larivière est professeure des Universités en Sciences Economiques à l’Université de Lille et chercheuse au Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé). Elle est également chercheuse au Cnam-CEET. Elle travaille sur les thématiques de la qualité de l’emploi, de l’impact des innovations et de la transition écologique sur l’emploi, ainsi que sur les questions liées à l’égalité femmes-hommes. Elle a notamment participé au projet Quality of Jobs and Innovation Generated Employment Outcomes (QuInnE) et au projet Beyond 4.0.
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LA QUALITE DE L'EMPLOI ET DU TRAVAIL EN COMPARAISON EUROPEENNE : UNE CONTRE-PERFORMANCE FRANCAISE ?
Christine Erhel (CNAM- LIRSA CEET), Mathilde Guergoat Larivière (Université de Lille-Clersé, CEET), Malo Mofakhami (Université Paris Sorbonne Paris Nord - CEPN, CEET)
Comment définir la qualité de l’emploi et du travail ?

La France en position défavorable en termes de conditions de travail et de perspectives de carrière
Les résultats des travaux empiriques adoptant une approche multidimensionnelle de la qualité de l’emploi (Erhel et Guergoat-Lariviere, 2016a, 2016b ; Mofakhami, 2019) sont globalement convergents quant à la position relative des pays européens et aux différents « régimes » de qualité de l’emploi qu’il est possible d’identifier.
Ils opposent un ensemble assez large de pays présentant un niveau globalement élevé de qualité de l’emploi, avec de de bons niveaux de salaires, des taux élevés d’accès à la formation continue, une assez bonne représentation des salariés, un bon équilibre entre vie familiale et vie professionnelle, mais des taux de temps partiel élevés, y compris une forte proportion de temps partiel court. Ce groupe inclut les pays du Nord, où les conditions de travail apparaissent particulièrement favorables, mais aussi des pays continentaux (Allemagne, Autriche, Belgique, Luxembourg) et anglo-saxons (Irlande, Royaume-Uni). À l’opposé, les pays d’Europe centrale et de l’Est constituent un groupe caractérisé par de faibles salaires et des niveaux d’accidents du travail élevés, où l’emploi temporaire et le temps partiel sont moins développés, de même que l’accès à la formation continue. La France se situe dans un groupe intermédiaire, avec les pays du Sud (Italie, Espagne, Grèce et Portugal) et la Pologne, où la qualité de l’emploi est moins bonne que dans le premier groupe même si la situation en termes de salaires est plus favorable que dans le groupe d’Europe centrale et orientale. Dans ce groupe, le taux d’emploi temporaire est élevé et la représentation des salariés limitée. Les conditions de travail présentent un certain nombre de caractéristiques défavorables (positions fatigantes, délais serrés) et l’accès à la formation et les opportunités d’apprentissage sont réduites.
En matière de qualité de l’emploi et surtout du travail, la position de la France apparaît donc en décalage avec son niveau de richesse et avec ses institutions du marché du travail plutôt protectrices, qui la rapprochent de ses voisins continentaux comme l’Allemagne ou la Belgique. Si elle présente une situation plutôt favorable sur la dimension salariale, elle fait figure de mauvais élève du point de vue de l’environnement et des conditions de travail, mais également de vécu au travail.
Cette situation peut être analysée de manière plus détaillée à partir des enquêtes européennes sur les conditions de travail de l’Eurofound (conduites en 2005, 2010, 2015 et 2021), qui permettent d’appréhender de nombreuses dimensions des conditions de travail et d’emploi : expositions aux risques physiques et biochimiques, intensité du travail, qualité de l’environnement de travail, qualité du temps de travail, stabilité de l’emploi et accès à la formation et évolutions de carrières…
Le tableau 1 permet de visualiser cette contre-performance française en matière de conditions effectives de travail sur les données les plus récentes de 2021 (voir aussi la contribution de Dominique Méda et Maelezig Bigi). Il présente les écarts à la moyenne européenne des indicateurs de conditions de travail et d’emploi de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, de la Pologne et du Royaume-Uni. Les conditions d’emploi sont légèrement meilleures en France, reflet, dans une certaine mesure, de normes du travail protectrices. Sur les autres dimensions (à l’exception de la part de temps de travail standard), la France présente une situation moins bonne que les autres pays. C’est particulièrement le cas sur les facteurs d’exposition aux risques physiques (ergonomie et risques biochimiques), environ 15% supérieurs à la moyenne européenne en 2021 alors que la France se démarque par une structure de l’emploi relativement peu industrielle.
Les autres aspects liés à l’organisation et l’environnement de travail (autonomie, intensité et environnement social) sont également peu favorables en moyenne. Si le travail atypique (longues heures de travail, travail de nuit, irrégularité des horaires) est moins fréquent en France, les possibilités de conciliation et la qualité de l’articulation du temps de travail avec le temps personnel sont plus mauvaises que pour l’ensemble des autres pays. Enfin, lesperspectives de carrières et la formation en emploi sont structurellement faibles en France, à l’image de l’Italie.
On ne relève pas d’amélioration en 2021 par rapport aux années précédentes de l’enquête (2005, 2010, 2015), confirmant le décalage entre les caractéristiques structurelles de l’économie française et la qualité du travail déclarée par les salariés.
Sur le volet de la santé au travail et du bien-être, la France se situe également en dessous des partenaires européens. En 2021, soit un an après le pic de la pandémie de Covid-19, 39% des travailleurs français déclarent que leur santé est à risque du fait de leur activité professionnelle, 6 points de plus que la moyenne des travailleurs européens (33%). Si l’on met ce chiffre au regard du nombre de travailleurs français qui déclarent avoir un conseil ou un délégué chargé de la santé et la sécurité au travail (70% contre une moyenne européenne de 76% - 84% en Allemagne), la situation semble particulièrement alarmante en France.
Cette situation est une source de préoccupation d’autant plus importante dans un contexte marqué par le développement de nouvelles technologies et les impératifs de transition environnementale qui font évoluer les besoins en compétences et la demande de travail et sont également susceptibles d’impacter la qualité de l’emploi et du travail à l’avenir.
Encadré méthodologique
À partir des enquêtes européennes sur les conditions de vie réalisée par l’Eurofound, nous établissons un ensemble d’indicateurs permettant de mesurer quatre des six dimensions de la qualité de l’emploi et du travail présentées plus haut (conditions d’emploi, conditions et qualité du travail, temps de travail et équilibre entre vie familiale-vie professionnelle, et accès à la formation et perspectives de carrières). Ces indicateurs sont construits au niveau des individus répondant à l’enquête, selon des méthodologies éprouvées (Erhel et Guergoat-Lariviere, 2016 ; Eurofound, 2020 ; Mofakhami, 2019), puis agrégés par pays pour permettre d’obtenir une situation moyenne au niveau national. L’absence d’indicateurs sur les salaires et la représentation collective nous conduit à ne retenir que 4 des 6 dimensions initiales.
Le tableau 1 présente les écarts à la moyenne européenne des indicateurs de conditions de travail et d’emploi issus de cette méthodologie pour un ensemble de pays sélectionnés. Ces écarts sont construits sur l’ensemble des pays de l’Union européenne plus le Royaume-Uni et la Norvège. Par souci de lisibilité, on présente ici simplement les valeurs correspondant aux grands pays de chaque ensemble (pays continentaux, méditerranéens, scandinaves, anglo-saxons et d’Europe centrale et orientale).
La qualité de l’emploi et du travail face aux défis des transformations technologiques
Si la qualité de l’emploi est influencée par les politiques publiques et les institutions du marché du travail, elle est également liée aux changements technologiques et organisationnels à l’œuvre dans les entreprises (Guergoat-Larivière et Mofakhami, 2021 ; Duhautois et al., 2020 ; Mofakhami, 2021).
L’adoption d’innovations sur le lieu de travail a des effets ambigus sur la qualité du travail (Mofakhami, 2019, Eurofound, 2020) : si elle semble améliorer la stabilité des contrats et la rémunération, elle conduit à accroître l’intensité du travail (horaires plus importants et variables, difficulté de concilier vie personnelle – professionnelle) et la pression au travail (charge de travail élevée, plus de stress, etc.). À cela s’ajoutent aussi plus de risques physiques en emploi pour les travailleurs moyennement et peu qualifiés.
Certaines analyses soulignent que les effets des innovations sur la qualité des emplois sont contrastés selon les groupes sociaux. Ainsi, selon une analyse sur données françaises (Duhautois et al., 2020), les innovations technologiques bénéficient majoritairement aux emplois qualifiés, cadres et professions intellectuelles, tandis qu’elles tendent à réduire l’emploi et les salaires des employés et ouvriers.
Les études sur les usages des technologies numériques soulignent également certains risques en matière d’intensité et de pression au travail. Des travaux qualitatifs menés dans plusieurs pays européens (Gautié et al., 2020) au sein des secteurs de la logistique, de l’aéronautique et de la banque montrent que, si ces technologies améliorent les conditions d’emploi pour certains travailleurs (dans l’aéronautique ou la banque), les efforts dus à la réadaptation organisationnelle induite par les innovations conduisent à plus de stress et plus d’intensité au travail.
Ces problèmes se posent de manière particulièrement forte dans les secteurs de la logistique et des transports (Benvegnù et Tranchant, 2020 ; Eurofound, 2018), où les technologies numériques ont également tendance à intensifier le rythme de travail tout en réduisant l’autonomie et la partie « intelligente » du travail, allant jusqu’à interroger l’avènement d’une forme de néo-taylorisme numérique.
Malgré ces tendances, il est intéressant de soulever que certaines pratiques d’organisation du travail plus répandues dans les pays scandinaves notamment peuvent représenter un levier positif pour le développement des technologies et la qualité du travail. Plusieurs travaux (Felstead et al., 2020 ; Lorenz, 2015) montrent que des pratiques de gestion de l’emploi dites « apprenantes » (learning capacity ou high-performance work system) améliorent la productivité et la capacité d’adoption technologique en améliorant la formation, la qualité des contrats, mais aussi en favorisant la participation active et l’autonomie des travailleurs. Ces modèles sont surreprésentés dans certains secteurs (intensifs en connaissance et technologie), mais leur surreprésentation dans certains pays comme les pays scandinaves et certains pays dits continentaux (Allemagne, Belgique et Pays-Bas), semble montrer qu’il est possible d’améliorer les conditions de travail et les performances par le biais de nouvelles pratiques de dialogue social et de qualité de l’emploi.
Conclusion
Dans un contexte français, déjà caractérisé par des performances moyennes en matière de qualité de l’emploi et surtout du travail, les changements technologiques ainsi que les crises économiques, sanitaires et sociales successives sont susceptibles d’accroître les risques portant sur certains travailleurs, notamment les moins qualifiés et les plus précaires. Les défis que posent les nouvelles technologies (plateformes numériques, IA générative, réindustrialisation), mais aussi les nécessaires transitions environnementales, sont fortement liés aux enjeux de la qualité de l’emploi et du travail. Quelles que soient les dimensions retenues, une amélioration est indispensable pour gérer ces transitions. La formation et le développement de nouvelles compétences sont cruciaux pour adapter l’offre de travail aux nouvelles demandes, mais ne suffisent pas en soi. L’amélioration des conditions de travail notamment dans les métiers en tension et indispensables à l’économie (notamment ceux de la première et la seconde ligne durant la pandémie) est essentielle pour assurer une offre suffisamment nombreuse et de qualité (cf la contribution de Christine Erhel). Les gains de productivité potentiels visés par des investissements en compétences et en technologie semblent peu dissociables d’une amélioration conjointe des conditions de travail, de la stabilité des emplois et de la qualité de l’environnement social.
Références
BENVEGNU Carlotta, TRANCHANT Lucas (2020), « Warehousing consent? », Travail et emploi, 162, 3, p. 47‑69.
DUHAUTOISs Richard, ERHEL Christine, GUERGOAT-LARIVIÈRE Mathilde, MOFAKHAMI Malo, (2020), « More and Better Jobs, But Not for Everyone: Effects of Innovation in French Firms », ILR Review, p. 27.
ERHEL Christine, GUERGOAT-LARIVIÈRE Mathilde (2016a), « Innovation and Job Quality Regimes: A Joint Typology for the EU », QuInnE Working Paper, WP5-2-2016.
ERHEL Christine, GUERGOAT-LARIVIÈRE Mathilde (2016b), « La qualité de l’emploi », Idées économiques et sociales, 185, 3, p. 19‑27.
EUROFOUND (2018), Automation, Digitalisation and Platforms Implications for Work and Employment, Publications Office of the European Union, Luxembourg.
EUROFOUND (2020), Working conditions in sectors, Publications Office of the European Union, Luxemburg, Publications Office of the European Union.
FELSTEAD Alan, GALLIE Duncan, GREEN Francis, HENSEKE Golo (2020), « Getting the Measure of Employee‐Driven Innovation and Its Workplace Correlates », British Journal of Industrial Relations, 58, 4, p. 904‑935.
LORENZ Edward, 2015, « Work Organisation, Forms of Employee Learning and Labour Market Structure: Accounting for International Differences in Workplace Innovation », Journal of the Knowledge Economy, 6, 2, p. 437‑466.
GAUTIÉ Jérôme, JAEHRLING Karen, PEREZ Coralie (2020), « Neo-Taylorism in the Digital Age: Workplace Transformations in French and German Retail Warehouses », Relations Industrielles / Industrial Relations, 75, 4, p. 774‑795.
GUERGOAT-LARIVIÈRE Mathilde, MOFAKHAMI Malo (2021), « Innovations, emplois, inégalités », La Vie des idées.
MOFAKHAMI Malo (2019), Étude des interactions entre dynamiques d’innovation et qualité de l’emploi : une relation déterminante au cœur des mutations du travail à l’œuvre au sein de l’Union européenne, phdthesis, Université Panthéon-Sorbonne - Paris I.
MOFAKHAMI Malo (2021), « Is Innovation Good for European Workers? Beyond the Employment Destruction/Creation Effects, Technology Adoption Affects the Working Conditions of European Workers », Journal of the Knowledge Economy.
François-Xavier Devetter, Julie Valentin - Les " travailleurs et travailleuses du nettoyage " : deux millions de personnes au cœur des désordres du travail
François-Xavier Devetter est chercheur au Clersé (Université de Lille) et à l'IRES. Ses travaux de recherche portent sur le temps de travail et les emplois à bas salaire, tout particulièrement les agentes et agents d'entretien, les aides à domiciles et les assistantes maternelles agréées. Il a publié en 2023 Aides à domiciles, un métier en souffrance : sortir de l'impasse avec Annie Dussuet et Emmanuelle Puissant aux éditions de l'Atelier.

LES "TRAVAILLEURS ET TRAVAILLEUSES DU NETTOYAGE" : DEUX MILLIONS DE PERSONNES AU COEUR DES DESORDRES DU TRAVAIL
1. Deux millions de personnes ont le nettoyage comme fonction principale de leur métier
Des emplois au cœur des inégalités de genre (et d’origine nationale)
Des emplois à bas salaire qui alimentent la pauvreté laborieuse (et la polarisation)
Graphique 1 : fragmentation du temps de travail selon les professions (pour 100 personnes tirées aléatoirement)
