Les années Mitterrand

Les années Mitterrand

Archives et recherche au Centre d'histoire
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Quarante ans après la première élection de François Mitterrand à l’Élysée, Sciences Po et l’Institut François Mitterrand organisent une journée d’étude le 10 mai 2021 intitulée « Le printemps de François Mitterrand, chef politique devenu président ».

C'est, pour le Centre d'histoire, l'occasion de faire un point sur les différents fonds d'archives disponibles au Département archives de la Direction des ressources et de l'information scientifique (DRIS) (anciennement Archives d'histoire contemporaine) et ses précédents travaux ou articles de recherche autour de cette figure politique.

département archives

Pour rappeler le parcours de François Mitterrand sur la scène politique française et au sein des différents partis et mouvements socialistes, le département archives de la DRIS apporte des éléments complémentaires pour son parcours et son ascension au pouvoir.

Classique pour un homme politique de sa génération, François Mitterrand fait des études de droit et l’École libre des sciences politiques, d’où il sort cinquième de sa promotion (registres de scolarité). Évadé d'un camp de prisonniers pendant la guerre, en décembre 1941, il entre ensuite au Commissariat aux Prisonniers de guerre du régime de Vichy (recevant la francisque des mains du maréchal Pétain en décembre 1943) avant de rejoindre la Résistance au sein du Rassemblement national des prisonniers de guerre. En 1944, il prend la présidence du Mouvement national des prisonniers de guerre et déportés et jouera un rôle important dans la structuration de ce mouvement à la Libération avant de se lancer dans la carrière politique. Dès ses 30 ans, François Mitterrand est élu député de la Nièvre en 1946 et entre dans le gouvernement Ramadier en 1947 en tant que ministre des Anciens Combattants. Affilié à l’Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR), il devient alors le plus jeune ministre de France et occupera par la suite onze fauteuils ministériels sous la IVe République (dont l’Intérieur et la Justice), tout en devenant maire de Château-Chinon, sénateur et président du conseil général de la Nièvre.

Le fonds de l’ UDSR (95 cartons conservés aux Archives Nationales sous les cotes 412/1-95) est un des premiers fonds qui constituent les Archives d'Histoire Contemporaine, AHC (intégrées récemment au Département archives). La convention de don de ce fonds à la Fondation nationale des sciences politiques a été signée entre François Mitterrand et François Goguel en juin 1973. Ce parti issu de la Résistance rassemble des personnalités politiques variées et s’emploie à occuper le centre de la vie parlementaire de 1948 à 1951. Après René Pleven, François Mitterrand est élu à la présidence de l’UDSR en 1953. Il tente alors de l’orienter davantage à gauche.

[Fig.1] Outre les archives qui retracent l’histoire de l’UDSR, ce fonds offre aussi aux chercheurs un fonds photographique (conservé au Département archives de la DRIS) très complémentaire, comme l’illustre cette photo de la passation de pouvoirs entre Léon Martinaud-Deplat et François Mitterrand au ministère de l’Intérieur le 21 juin 1954.

Mais l’UDSR a également joué un rôle stratégique dans la vie de la IVe République en tant que pro-européenne et en ralliant des députés africains. Elle offre également une tribune à François Mitterrand, tant comme chef politique que dans son opposition à de Gaulle et à la Ve République.

En 1965, l’UDSR se révèle utile pour la recomposition de la gauche non communiste. Elle participe avec la SFIO de Guy Mollet à la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS). Ce rassemblement permet à François Mitterrand de se déclarer candidat à l’élection présidentielle de 1965 et d’être présent au second tour avec 45% des suffrages face à Charles de Gaulle. 

[Fig.2] Le fonds Daniel et Cletta Mayer, coté MA, rassemble des archives s’étalant de 1927 à 1994 et fournit lui aussi des documents sur la place qu’occupa François Mitterrand dans le paysage socialiste et les liens qu’ont pu entretenir les deux hommes. Daniel Mayer, par exemple, soutient la candidature de François Mitterrand à la présidentielle de 1965 et garde sa profession de foi du second tour (que le Département archives conserve et vous présente ci-contre). Ils ont tous deux occupé des fonctions clés dans les différents mouvements socialistes. Daniel Mayer réorganise le Parti socialiste et devient secrétaire général du Parti socialiste clandestin réunifié en 1943. À partir de mai 1947, les deux hommes siègent ensemble dans le gouvernement Ramadier, Daniel Mayer ayant retrouvé le portefeuille du Travail et de la Sécurité sociale en faveur de la révocation des ministres communistes par le Président du Conseil. Député de Paris de 1945 à 1958, Mayer préside la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale et contribue à l’échec du projet de communauté européenne de défense. Cette position lui vaut une suspension de la SFIO en 1958.

[Fig.3] Observateur privilégié du fonctionnement des mouvements socialistes, en tant que rédacteur en chef de l’Agence France Presse (AFP) puis administrateur du Nouvel Observateur, mais aussi en tant que responsable d’instances au sein du Parti socialiste de 1957 à 1979, Gilles Martinet a conservé des traces de l’investiture de François Mitterrand lors du congrès de Créteil de janvier 1981. Son fonds, coté MR, met en évidence le fonctionnement des mouvements socialistes au travers de ses fonctions.

Par ailleurs, pour compléter les recherches, les archives électorales rassemblées par le CEVIPOF conservent plus de 355 affiches, tracts, professions de foi et bulletins de vote sur François Mitterrand, numérisés avec la bibliothèque et disponibles en ligne.

D’autres fonds du département archives permettent de suivre les évolutions de ce chef politique, passé par toutes les élections jusqu’à l’Élysée, comme ceux du Groupe parlementaire socialiste (GPS), Maurice Grimaud, Bernard Poignant.

[Fig. 1] : Transmission de pouvoir entre Léon Martinaud-Deplat et François Mitterrand son successeur au ministère de l'Intérieur, 21 juin 1954, Fonds UDSR, 10 UDSR 5 photo 13. Direction des Ressources et de l'Information Scientifique - Département archives. Tous droits réservés.

[Fig. 2] : Élection présidentielle de 1965, second tour, 19 décembre 1965, profession de foi de François Mitterrand, Fonds Daniel et Cletta Mayer, 3 MA 29 Dr 4. Direction des Ressources et de l'Information Scientifique - Département archives. Tous droits réservés.

[Fig. 3] : Manifeste du congrès extraordinaire du Parti Socialise réuni à Créteil le 24 janvier 1981, Fonds Gilles Martinet, MR 10 Dr 8. Direction des Ressources et de l'Information Scientifique - Département archives. Tous droits réservés. 

Histoire@Politique

La présidence de François Mitterrand a été marquée par un rapprochement franco-allemand sans précédent, symbolisé par la poignée de main de Verdun. C’est durant son double septennat que la coopération entre les deux pays, héritée des décennies précédentes, a pris toute son ampleur. Or, la politique allemande de François Mitterrand s’inscrit dans sa vision globale de ce que sont les intérêts de la France, c’est-à-dire le maintien de la paix à travers la réconciliation avec l’Allemagne et l’intensification de la construction européenne, dont Bonn est par ailleurs la clé. Le couple franco-allemand est ainsi un outil au service de l’Europe, elle-même conçue comme le levier de la puissance française et l’assurance d’un avenir pacifique.

L’équilibre idéologique du parti socialiste français, depuis l’unification de 1905, a toujours résulté de la tension entre réforme et révolution. La refondation du parti au congrès d’Épinay n’a pas rompu avec ce schéma. François Mitterrand a revendiqué une volonté de rupture mais il a créé les conditions politiques qui ont conduit à un effacement de la perspective révolutionnaire. Lionel Jospin, Premier ministre, a tenté d’établir une nouvelle synthèse idéologique. Mais les conditions de sa défaite de 2002 ont ruiné cette tentative. Le parti, pour conserver son unité, a abouti en 2007 à une synthèse sans orientation idéologique claire. La nouvelle déclaration de principe de 2008 affirme la nature réformiste du parti. Mais le projet socialiste de 2010 entretient une forte ambiguïté sur ce point.

La proximité dans le temps entre l’avènement au pouvoir de la gauche en 1981 et la percée électorale de l’extrême droite en 1983 est-elle une pure coïncidence ou serait-on fondé à y voir une relation causale ? Sans chercher à lire la montée du Front national à travers une grille mono-causale, l’analyse proposée ici souligne la sensibilisation croissante de l’électorat à la question de l’immigration sur fond de crise économique à partir de la seconde moitié des années 1970 et affirme que le rapide échec de la politique de relance menée par la gauche à partir de 1981 semble avoir servi de catalyseur à l’émergence électorale de l’extrême droite deux ans plus tard.

Cet article propose de réfléchir au rapport des notables à la modernisation de la vie politique, à travers la trajectoire de Gaston Defferre, député-maire socialiste de Marseille de 1953 à 1986. Il s’agit de dépasser une lecture opposant notabilité et modernité et d’analyser leurs rapports complexes à trois périodes différentes : la Libération pose le dilemme entre défense des idéaux résistants et construction d’un ancrage local ; la Cinquième République confronte le notable aux défis de la modernisation institutionnelle et partidaire ; les années 1970-1980 voient coexister un ministre modernisateur, maître d'œuvre de la décentralisation, et un notable vieillissant, emblématique d'une sclérose politique locale.

Directeur de cabinet du ministre de l’Intérieur de 1981 à 1983, Maurice Grimaud se trouvé d’emblée placé dans une situation complexe. Il est nommé après une décennie au cours de laquelle la gauche n’a cessé de dénoncer vigoureusement le fait que la police et les services de renseignement ont été mis au service des objectifs politiques de la majorité. Place Beauvau, auprès d’un ministre peu intéressé par la prise en charge de « l’État secret », le préfet Grimaud est un acteur central de la collision entre l’idéal politique de l’ancienne opposition et la loi d’airain que les services de renseignement imposent à l’État. L’absence totale de préparation par l’équipe de campagne et par le PS ainsi que la neutralité de Grimaud qui n’est pas un militant politique de la nouvelle majorité, facilitent l’accommodation rapide de celle-ci aux réalités de la part secrète de l’État. Dès l'arrivée au pouvoir de François Mitterrand, l’État secret s'impose.

Adopté en 1971, le logo « le poing et la rose » marque l’entrée des socialistes français dans l’ère de la communication politique, enrichit leur univers symbolique d’une fleur et s’accompagne d’un geste – brandir une rose – que la victoire de Mitterrand en 1981 magnifie. Repris par de nombreux PS européens, il a été depuis délaissé, et subsiste comme trace de son impact à travers sa rose rouge encore très présente. Par deux fois depuis les années 2000, le PS a changé de logo, sans pour autant abandonner l’image du poing et de la rose : un choix dicté par la fidélité des socialistes à une histoire, ou par les agences de communication ? Observer le sort que les socialistes réservent à leur symbole peut éclairer leurs difficultés, d’hier à aujourd’hui, à montrer ce qu’ils sont et à tracer le chemin qu’ils veulent emprunter.

Certains dossiers ne sont pas directement liés à François Mitterrand mais traitent des chefs d'État, des notables, du socialisme :

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