« Femmes de réconfort » de l'armée impériale japonaise : enjeux politiques et genre de la mémoire

Date: 
14 Mars, 2012
Auteur: 
Lévy Christine

Introduction : l’actualité d’une question

Cela fait aujourd’hui plus de 20 ans que la question des « femmes de réconfort » (ianfu慰安婦) a été portée devant le grand public en Corée et au Japon, lorsqu’en 1991, Kim Hak-sun (1924-1997)1 brisa le mur du silence. Elle vint en tant qu’ancienne « femme de réconfort » coréenne porter témoignage de son histoire face à une salle comble à Tôkyô. En décembre, la même année, elle intentait un procès contre l’État japonais, afin d’obtenir de ses représentants excuses et indemnités.

Qui étaient les ianfu ?

Outre des Japonaises ou des Coréennes enrôlées au Japon même, ce sont pour la majorité des jeunes filles et femmes provenant des colonies japonaises de l’époque, la Corée et Taiwan, conduites dans les zones de guerre par la ruse ou par la force. Des femmes des territoires occupés par l’armée japonaise furent également enrôlées dans des centres de prostitution, mais le viol collectif fut beaucoup plus fréquent à leur égard. Au fur et à mesure de l’extension du conflit, leur nombre a augmenté, et ce, jusqu’à la défaite du Japon. En cas d’évacuation de l’armée, ces femmes étaient abandonnées, mais il arrivait aussi qu’elles soient assassinées dans le cadre de « suicides collectifs » – gyokusai玉砕2 – de fin de guerre comme à Saipan (dans certains cas, les Japonaises mouraient avec les soldats et conseillaient aux Coréennes de se rendre, comme par exemple à Lameng [Senda, 1973 : 133]).

Nous utiliserons ici ce terme de ianfu, euphémisme3 désignant les femmes contraintes au « service sexuel » dans les centres appelés « maisons de réconfort » (ianjo慰安所) et gérés directement ou indirectement par l’armée elle-même. Si leur réalité s’apparente à celle de l’« esclavage sexuel », il nous paraît légitime de garder le terme de ianfu au moins pour deux raisons. D’une part parce qu’il est toujours utilisé par les chercheurs japonais ou coréens (wianbu), chinois ou taïwanais (weianfu) et, d’autre part, parce qu’il a en revanche complètement disparu des manuels de collège, à la suite d’une campagne farouche menée contre la reconnaissance de leur statut de victimes depuis la déclaration de l’ancien ministre de la Justice Okuno Seisuke4 en 1996 (Suzuki, 1997) en passant par la création en 1996 de l’Association pour la création de nouveaux manuels d’histoire Atarashii rekishi kyôkasho o tsukuru kai 新しい歴史教科書をつくる会, connu sous le nom de Tsukurukai et dont le manuel fut homologué par le ministère de l’Éducation en 2001. La genèse de ce terme ianfu est le résultat de l’euphémisation d’une réalité que l’armée voulait cacher (Hayakawa, 2005a : 17-28). Cette tendance est plus tenace encore en Corée du Sud en particulier mais aussi du Nord, où seul le terme teishintai挺身隊 (le corps des volontaires) fut employé pour désigner aussi bien les jeunes filles ou jeunes femmes enrôlées dans les usines au Japon que celles qui furent contraintes au service sexuel. Cette euphémisation cache aussi le refus de prendre en compte la réalité plus contemporaine des wianbu ayant travaillé pour les troupes des bases militaires américaines installées en Corée du Sud après l’indépendance (Soh, 2008 : 71)5 , et que Soh qualifie d’« euphémisme nationaliste » (ibid. : 62).

Le mot ianfu n’apparaît dans les documents officiels de l’armée ou de l’administration japonaise qu’à partir de 1938, alors que la première occurrence de ianjo (maison de réconfort) date de 1932, dans un document de la marine que l’historien Yoshimi Yoshiaki (1992 : 90-92, 2000 : 43-45) a mis au jour. Selon un certain nombre de chercheurs, le système d’esclavage sexuel se distinguerait de la prostitution forcée par l’absence de rémunération et la violence (Kim Puja, 2011 : 106 ; VAWW-NET Japan, 2000 : 284-285). Ces institutions, les ianjo, créées et règlementées par l’armée (ou à sa demande), recouvrent en réalité une diversité de conditions de vie et de travail, ainsi que de modalités d’enrôlement (tromperie le plus souvent, vente par un proche, violence dans d’autres cas). Les historiens qui dénoncent ce système l’assimilent à l’esclavage sexuel en raison de la privation de liberté, des mauvais traitements, des conditions de travail (enfermement quasi systématique), de l’absence de rémunération ou de son caractère fictif (monnaie ayant cours uniquement au sein de l’armée, ou épargne forcée non restituée) qui le caractérisaient.

Leur nombre

D’après un document du ministère de l’Armée daté du 3 septembre 1942, le nombre des « maisons de réconfort » est estimé à 100 pour la Chine du Nord, 140 pour la Chine centrale, 40 en Chine du Sud, 100 en Asie du Sud, 10 dans les mers du Sud, 10 sur l’île de Sakhaline, soit 400 au total. Ce chiffre augmente dans les années qui suivent et de nombreux autres centres furent établis à travers les différentes régions pour lesquelles les estimations des historiens varient considérablement. Nous reproduisons en annexe le tableau du musée numérique consacré à cette question par le Fonds pour les femmes asiatiques6. Le nombre des ianjo et des ianfu est un objet de controverses (voir Tableau 1 en annexe), mais leur existence n’est pas remise en cause, et l’essentiel de la controverse se ramène à la question de savoir si elles ont été forcées ou non, et au degré d’implication de l’armée dans la création, l’organisation et la gestion de ces centres. Quant à leur nombre, la fourchette de l’estimation s’est élargie : alors que les uns revoyaient leur nombre à la baisse (Hata, entre 1993 et 1999) d’autres historiens disposant de nouvelles données, en particulier en Chine, ont considérablement revu à la hausse le total des femmes impliquées (voir notamment Su Zhiliang, 1999). Ceux qui minimisent leur nombre sont en général ceux qui dénient aussi le caractère forcé de l’enrôlement et qui se refusent à le distinguer de la prostitution ordinaire ou « publique » qui avait cours avant la guerre.

Dans cet article nous tenterons de montrer comment la question des « femmes de réconfort » de l’armée japonaise a été abordée par le passé pour en venir à occuper une place centrale dans les polémiques au sujet des responsabilités du Japon dans les guerres sino-japonaises et d’Asie-Pacifique, en rappelant ses enjeux actuels, diplomatiques et intérieurs.

Actualité diplomatique

Sur le plan diplomatique, le président de la République de Corée Lee Myung-bak 李明博, en visite au Japon le 18 décembre 2011, insista auprès du Premier ministre japonais Noda Yoshihiko野田佳彦 sur le caractère prioritaire des questions liées au dédommagement des femmes de réconfort7.

Le président Lee a déclara que le sujet resterait « à jamais » épineux s’il ne trouvait pas une résolution immédiate, insistant sur l’urgence du problème à l’heure où les victimes âgées risquaient de décéder avant de recevoir un dédommagement ou des excuses de la part du Japon. Sur le site du Conseil coréen des anciennes déportées pour l’esclavage sexuel de l’armée japonaise, certains commentaires indiquaient qu’elles se sentaient ainsi pour la première fois reconnues comme citoyennes8

Le Premier ministre japonais Noda répondit que le Japon ferait preuve de « sagesse dans une perspective humanitaire », mais que sur le plan juridique la question avait été réglée, faisant ainsi référence au traité signé en 1965 pour le rétablissement des liens diplomatiques entre les deux pays, et dans lequel il n’est nulle part fait mention de la question des femmes de réconfort9 . Il exprima de surcroît l’indignation du Japon contre l’érection d’une « stèle de la paix » représentant une jeune fille vêtue d’une robe traditionnelle coréenne en mémoire des anciennes femmes de réconfort à l’occasion de la 1 000e manifestation du mercredi devant l’ambassade du Japon à Séoul le 14 décembre 201110 , mais le président Lee rejeta la demande d’enlèvement de la stèle en avertissant qu’« à moins que le Japon ne prenne des mesures sincères pour traiter la question, il y aura une deuxième puis une troisième stèle, à chaque nouveau décès d’une ancienne femme de réconfort ».

Cette protestation, si elle a commencé à être relayée dans les medias japonais, a été rapidement éclipsée par la mort de Kim Jong-il, président de la Corée du Nord, le 18 décembre 2011. Néanmoins, l’incident qui s’est produit quelques jours plus tard – le jet de cocktails Molotov par un Chinois se disant petit-fils d’une ianfu contre les murs de l’ambassade japonaise à Séoul – rappelle que la mémoire est désormais identifiée comme une cause à défendre, même après la disparition des dernières femmes victimes de cet esclavage sexuel11.

Cette question, portée ainsi au plus haut niveau en Corée du Sud est devenue depuis deux décennies une cause nationale, alors qu’elle était restée longtemps taboue.

Si les anciennes femmes de réconfort avaient réussi à briser le silence, puis à forcer le gouvernement japonais à reconnaître les faits, tout comme à obtenir des tribunaux de Tôkyô et de la Cour suprême la reconnaissance des faits à travers leur verdict (dix arrêts rendus entre 2003 et 2009) – à défaut de toute compensation en raison des accords entre les États japonais et coréen signés en 1965 et pour cause de prescription. Mais dès 1994, certains membres du gouvernement japonais déclarèrent que ces femmes s’étaient prostituées volontairement. Avec le retour à la tête du Parti libéral-démocrate (PLD) du courant le plus droitier, la « déclaration Kôno » est critiquée pour avoir été trop loin : les propos du ministre de la Justice, Nagano Shigeto12 (fondé en 1987 par des journalistes qui avaient fait l’objet de la répression pendant la période des dictatures militaires successives issues du coup d’État de 1961 du président Park Chung-hee (1917-1979) puis du général Chun Doo-hwan (né en 1931)), elle réussit à susciter la mobilisation des femmes autour des anciennes femmes de réconfort. En mai 1990, à l’occasion de la visite du président coréen au Japon, les groupes féministes coréens publièrent une déclaration dans laquelle elles exigeaient une réparation pour les femmes enrôlées dans les « corps de volontaires féminins », les teishintai挺身隊, synonyme, en Corée du Sud et du Nord, de ianfu. Le 6 juin 1990, la réponse d’un membre du gouvernement japonais à la question posée par le sénateur socialiste Motooka Shôji 本岡昭次, niant toute responsabilité directe de l’armée souleva la colère en Corée du Sud et entraîna de vives réactions au Japon. Face au gouvernement japonais qui affirmait que ces femmes n’avaient été recrutées que par des hommes d’affaires privés et qu’il serait impossible au gouvernement de prendre en charge l’enquête sur cette question, 37 groupes féministes protestèrent et formèrent le Conseil coréen des anciennes déportées pour l’esclavage sexuel de l’armée japonaise (dénommé Conseil des anciennes femmes de réconfort par la suite). En réponse à ces revendications, des avocats japonais (Takagi Kenichi, Fukushima Mizuho, etc.) se mobilisèrent également pour exiger la création de commissions d’enquête gouvernementales.

La visite en Corée du Sud du Premier ministre Miyazawa en 1992 se fit dans cette atmosphère tendue de révélations d’anciennes ianfu, de la publication par l’historien Yoshimi Yoshiaki de nouveaux documents découverts à la bibliothèque de l’Agence de la Défense (voir infra). Le chef du gouvernement japonais exprima ses regrets et promit à l’issue de cette visite de créer une commission d’enquête dont les conclusions furent résumées dans la déclaration Kôno de 1993 (voir en annexe). En 1995, dans le cadre d’un Plan d’échanges pour la paix et l’amitié, lors du 50e anniversaire de la fin de la guerre, la création d’un fonds de compensation privé, connu sous le nom de Fonds pour les femmes asiatiques(Josei no tameno ajia heiwa kokumin kikin,女性のためのアジア平和国民基金), fut décidée à l’initiative de Murayama Tomiichi 村山富市, Premier ministre socialiste du gouvernement de coalition de la première et brève période d’alternance politique après 1948. La question des « femmes de réconfort » s’invita brutalement sur le devant de la scène, révélant ce qui jusque-là était resté enseveli, oublié ou caché, et qui ne filtrait que très souterrainement à travers quelques rares œuvres littéraires ou documentaires. Des mémoires différentes des histoires officielles, coréenne comme japonaise, s’exprimaient. Le mouvement féministe en Corée, issu entre autres du mouvement étudiant coréen des années 1980, allait mettre à l’épreuve ses capacités critiques et organisationnelles.

Face à cette mobilisation, les négationnistes au Japon refusèrent d’accorder quelque crédit que ce soit aux témoignages des anciennes ianfu, affirmant qu’aucun document officiel ne venait prouver l’existence de la déportation des Coréens (kyôseirenkô強制連行). La question des ianfu était rattachée à celle de la reconnaissance historique de la déportation de travail de plus d’un million de Coréens au Japon pendant la guerre. Cette question explique le soutien que le féminisme a rencontré dans le cadre de la démocratisation de la Corée du Sud, mouvement au sein duquel l’affirmation de l’identité nationale s’accompagnait de l’exaltation du mouvement national contre la domination coloniale japonaise. De plus, après 1989, à la sortie d’une décennie d’un mouvement de masse pour la démocratisation contre un gouvernement dictatorial dont la raison d’État était l’anticommunisme, il était opportun de trouver de nouveaux thèmes pour exalter le sentiment national coréen. À l’opposé, le mouvement de réhabilitation des anciennes ianfu fut violemment attaqué par le nationalisme japonais sinon nostalgique du passé, du moins tout à fait récalcitrant à le condamner moralement et politiquement. Les féministes, quant à elles, revisitèrent le rôle de leurs aînées dans le Japon en guerre pour y découvrir qu’elles avaient soutenu le nationalisme et le militarisme en nombre. Après les années 1980 et plus encore dans les années 1990, la rupture avec ce passé était devenue la préoccupation centrale des féministes japonaises. Celles-ci dénoncèrent la complicité active avec le militarisme de certaines dirigeantes, telle Ichikawa Fusae (1893-1981) et le soutien à l’asiatisme, sur le plan théorique notamment de la part de la pionnière de l’histoire des femmes, Takamure Itsue 高群逸枝(1894-1964). Parallèlement, la rencontre – sur le plan méthodologique –entre l’histoire des femmes et l’histoire orale (les récits recueillis directement auprès de femmes), encore balbutiante à l’époque, avait conduit des féministes à découvrir l’existence d’anciennes femmes de réconfort, notamment à Okinawa, Chinoises ou Coréennes pour l’essentiel, qui après avoir été transportées d’une maison de « réconfort » à l’autre, avaient été abandonnées sur l’île. Ômori Noriko 大森典子, avocate, commença ses entretiens en 1977 avec une ancienne ianfu chinoise, Pae Pong gi 裵奉奇, sur l’île d’Okinawa où les traces de 134 « maisons de réconfort » ont été identifiées à ce jour (selon le Women’s Active Museum on War and Peace, WAM13). Par la suite, elle fut à la tête du groupe des avocats dans les procès intentés par des Chinoises de la province du Shanxi où elle se rendit plus de 20 fois au cours des décennies 1990 et 2000 pour mener des enquêtes sur les formes de l’esclavage sexuel pratiquées par l’armée japonaise en Chine.

Les féministes qui critiquaient le passé militariste japonais se mobilisèrent également dans les années 1970 contre le tourisme sexuel organisé pour les cadres japonais à travers toute l’Asie, mouvement qui aboutit à la création de l’Asian Women’s Association (AWA) en 1977. La journaliste féministe Matsui Yayori 松井やより(1934-2002), figure centrale dans ce mouvement de solidarité avec les femmes asiatiques, a joué un rôle aussi de premier plan dans l’organisation du Tribunal international sur les crimes de guerre contre les femmes et l’esclavage sexuel par l’armée japonaise (Tôkyô, 8-12 décembre 2000) proposée à l’initiative de VAWW-NET (Violence Against Women in War Network). La tenue de ce procès14 fut autant le fruit de la rencontre et de la solidarité entre les féministes de divers pays asiatiques et des féministes japonaises, de leur participation au mouvement mondial féministe, que le point d’orgue de la mobilisation des anciennes ianfu en Corée du Sud.

Le travail de mémoire et la question des manuels scolaires

Parmi les revendications présentées au gouvernement japonais, en 1992, par les 37 groupes représentants les anciennes « femmes de réconfort » coréennes, figurait celle d’« éduquer les générations futures notamment à travers l’enseignement de l’histoire à l’école, dans le but d’empêcher la répétition de tels faits ». En 1997, tous les manuels d’histoire de collège, ainsi que 19 des 20 manuels destinés aux lycéens mentionnaient l’existence de ce système d’une façon ou d’une autre, même si cela se limitait à un passage succinct. Mais en 1998, le ministre de l’Éducation d’alors, Machimura Nobutaka町村信孝, considéra que ces passages étaient « tendancieux » et entreprit de demander aux éditeurs et aux auteurs des corrections. Grâce au système, toujours en vigueur au Japon, d’agrémentation donnée par le ministère de l’Éducation aux manuels scolaires, il put exercer une pression directe sur leur contenu.

À ce jour, à la suite des pressions de l’extrême droite, de la mobilisation des conservateurs et de l’intervention des ministres de l’Éducation successifs, plus un seul manuel pour collégiens ne mentionne ce phénomène. En novembre 2004, le ministre de l’Éducation Nakayama Nariaki 中山成彬 s’en réjouissait publiquement. Le 5 mars 2007 Abe Shinzô 安倍晋三déclara qu’il ne s’agissait pas de recrutement forcé à proprement parler, à savoir que les forces de police ne forçaient pas les portes des maisons pour aller les chercher15. Pourtant, de nombreux témoignages font état de la violence directe et de la coercition employées pour recruter ces femmes comme esclaves sexuelles, à côté de la tromperie qui, exercée à l’égard de très jeunes filles (13-14 ans parfois), pour les embarquer loin de chez elles, ne peut qu’être considérée comme une pure violence. En réalité, les déclarations d’Abe Shinzô ne sont pas une simple maladresse16, loin s’en faut, mais l’expression publique de la position de la majorité gouvernementale d’alors.

Aujourd’hui, en 2011, deux ans après l’alternance gouvernementale de 2009 et les promesses de certains députés de revenir sur cette question, seul un manuel (Atarashii shakai « Rekishi », 2011) fait allusion à la présence des femmes dans les zones en guerre, mais sans aucune explication quant à leur rôle. Ainsi, au sous-chapitre « La vie des gens dans les colonies et dans les territoires au cœur de la guerre », s’il est indiqué que la mobilisation de la population pour la guerre a entraîné la déportation de Chinois et de Coréens dans les mines et dans les usines au Japon, où les conditions de travail étaient particulièrement dures, une seule phrase permet de comprendre que des femmes ont aussi été enrôlées : « Et ce type de mobilisation a aussi touché les femmes qui ont dû travailler dans les zones en guerre » (ibid. : 211). Le terme de ianfu n’apparaît pas, et il encore moins question d’expliquer le système dont il relève. Il revient donc à l’enseignant d’expliquer éventuellement ce dont il s’agit, si celui-ci est très engagé et qu’il milite pour ce travail de mémoire. Mais les nombreuses pressions et répressions à l’égard des enseignants récalcitrants à chanter l’hymne national ou à se lever au salut du drapeau japonais, ou encore à l’égard de ceux qui traitent de thèmes ne figurant pas dans les manuels rendent ce type de démarche difficile, en particulier dans le secteur public17 . En réponse aux protestations de certains groupes féministes, la maison d’édition Tôkyô shoseki a répondu qu’elle avait été aussi loin que possible, grâce à sa prépondérance sur le marché des manuels scolaires. C’est dire la pression qui s’exerce pour que le sujet ne soit plus abordé dans les manuels de collège aujourd’hui. Parce que la scolarité obligatoire s’arrête au collège, l’introduction de la question dans l’enseignement de l’histoire à ce niveau est considérée comme un enjeu essentiel par les groupes féministes coréens notamment. Ainsi, une de leurs principales revendications n’a pu être satisfaite au cours de la décennie 1997-2007 malgré l’existence du Fonds pour les femmes asiatiques.

Pour des historiens comme Yoshimi Yoshiaki, tant que les connaissances sur les modalités de la mise en place et sur la gestion de ce système d’esclavage sexuel n’auront pas été largement diffusées au Japon même, on ne pourra parler ni de réparation ni de rétablissement de la dignité des victimes (Yoshimi, 2010). Nier l’existence même d’un système né de l’institutionnalisation de la violence sexuelle, n’est-ce pas une façon de la perpétuer ? Au Japon, sur la question des femmes de réconfort, le Japon n’est pas entré dans l’« ère de la victime » dont parle Henry Rousso à propos de la mondialisation de la mémoire18 . La résolution adoptée par le Parlement européen le 13 décembre 200719 fait bien référence aux déclarations faites en 1993 par le secrétaire du gouvernement japonais, KônoYohei河野洋平 (et par ailleurs président du PLD à l’époque) (voir annexe), ainsi qu’aux résolutions adoptées par le parlement japonais en 1995 et 2005, qui présentaient ses excuses aux victimes de la guerre, y compris les victimes du système des « femmes de réconfort ». Mais depuis, le gouvernement japonais n’a fait que reculer devant cette question, cédant à la tendance au déni de certains faits historiques de plus en plus virulent au Japon. Et les survivantes actuelles, de moins en moins nombreuses en raison de leur grand âge – 63 en Corée en décembre 2011, moins aux Philippines et ailleurs – n’ont pas le sentiment d’avoir été réellement entendues. Force est de constater qu’il existe un double discours, l’un destiné à l’extérieur, avec des présentations réitérées d’« excuses », et l’autre à usage interne, beaucoup plus ambigu. Un retour sur l’histoire s’impose pour comprendre comment cette question s’est posée depuis la fin de la guerre.

 I. La représentation des femmes de réconfort

I.1. Un long silence ?

Pendant 50 ans, plus encore qu’au Japon, ces femmes ont été condamnées au silence dans leurs pays d’origine, et continuent de l’être à ce jour, par exemple en Malaisie (où seule une femme s’est manifestée comme ancienne ianfu). Comment est-ce possible qu’au Japon même, cette expérience vécue par des millions de soldats ait été totalement oubliée à leur retour du front et ignorée pendant si longtemps ? Hormis quelques exceptions littéraires et cinématographiques, les rares récits de soldats ou officiers publiés datent des années 1970 ou du début des années 1980 et témoignent à leur égard d’un mélange confus de sentiments de pitié, de sympathie et de mépris, mais d’où sont absentes les voix des femmes elles-mêmes.

I.2.Œuvres littéraires et cinématographiques

Avant 1945

La première exception littéraire est un roman publié en 1938 écrit par le premier lauréat du prestigieux prix littéraire Akutagawa, Ishikawa Tatsuzô 石川達三(1905-1985). Ce dernier, envoyé en Chine immédiatement après la chute de Nankin (13 décembre 1937) par le mensuel Chûô kôron, enquêta sur l’action du 33e régiment de la 16e division de l’armée japonaise : il décrivit la cruauté des soldats qui commettaient viols et massacres de civils. Il décrit également dans son récit deux ianjo installés dans la ville de Nankin. Le roman se termine par la scène où un soldat furieux d’entendre les remarques d’une geisha sur la lâcheté qu’il y a à tuer des femmes20 , l’abat. Ikiteiru heitai生きている兵隊 (Les soldats vivants) fut publié expurgé du quart du texte (par autocensure selon la pratique courante de l’avant-guerre) ; ce qui n’empêcha pas son interdiction dès le jour de sa parution, en mars 1938. De plus, son auteur fut condamné à quatre mois de prison ferme et trois ans de sursis pour diffamation envers l’armée (le roman dans sa version intégrale fut publié en décembre 1946). Après cet épisode de 1938, la représentation littéraire de la guerre fut encore plus étroitement encadrée par des règles très précises et strictes, dont l’interdiction de parler des femmes. Plus aucune œuvre littéraire n’évoque ni les ianfu, ni les ianjo. Après cet épisode, Kikuchi Kan 菊池寛 (1888-1948), président de l’association des écrivains (Bungeika kyôkai文芸家協会) organise en 1938, avec les subventions de l’armée, une « troupe de plumes » (Penbutaiペン部隊) qui, composée d’écrivains célèbres de l’époque, part sur les champs de bataille dans le but de ramener des récits destinés à rehausser le prestige de l’armée.

Après la défaite

La première œuvre qui vit le jour après la défaite est Shunfuden春婦伝(Biographie d’une prostituée), écrite en 1947 par Tamura Taijirô 田村泰次郎 (1911-1983) dans lequel il retrace la vie de ianfu coréennes. Elle fut portée deux fois sur grand écran. La première version est un film produit en 1950 par la compagnie Shintôei (réalisé par Taniguchi Senkichi 谷口千吉, avec Akira Kurosawa comme co-scénariste, sous le titre Akatsuki no dassô暁の脱走– L’évasion de l’aube), mais l’héroïne qui, dans le roman est une ianfu coréenne, est japonaise dans le film, membre d’une troupe d’artistes en visite sur les champs de bataille (imondan慰問団). En 1965, sous le même titre que le roman, Shunfuden, le film est produit par la compagnie Nikkatsu et réalisé par Suzuki Seijun鈴木清順. Il s’agit d’une histoire d’amour contrariée entre un simple soldat et une ianfu qu’un sous-officier jaloux tente de détruire par tous les moyens. Le soldat est accusé de trahison, les deux amants tentent de s’enfuir, etc. Le film est considéré comme une critique de l’armée et de la guerre, mais la représentation de la ianfu reste empreinte de sentimentalisme comme dans le film de Kobayashi Masaki 小林正樹, La condition humaine (Ningen no jôken人間の条件, 1959). Face à cette vision, une autre image – qui garde encore son actualité – se dessine dans les années 1960 avec la production de neuf films d’une série intitulée Heitai yakuza兵隊やくざ (Des Soldats canailles), dirigés par Masumura Yasuzô 増村保造, et dans lesquels les ianfu apparaissent comme des femmes vénales et amorales, attirées sur les champs de bataille pour gagner de l’argent.  

II. Le renouvellement des années 1970 : les critiques de la guerre

L’œuvre la plus remarquable est l’essai de Senda Kakô qui est le premier à avoir introduit le terme de jûgun-ianfu 従軍慰安婦en 1973, avec la postérité qu’on lui connaît aujourd’hui. Son enquête fut un best-seller et reste le livre dont le contenu a servi de base à tous les écrits publiés ultérieurement sur cette question, en japonais ou en anglais. À ce titre, nous nous y arrêterons assez longuement.

Avant lui, la question avait été révélée au public japonais par deux romans d’une ancienne femme de réconfort japonaise – la seule Japonaise à s’être déclarée comme ianfu auprès du Fonds pour les femmes asiatiques– Shirota Suzuko 城田すず子 (1962, 1971).

Citons également un auteur qui a fait beaucoup de bruit sur cette question, un ancien militaire, Yoshida Seiji吉田清治 (1913 - ?)21 qui publia un ouvrage en 1977 sous le titre Les femmes de réconfort coréennes et les Japonais, notes d’un ancien responsable de la réquisition des travailleurs à Shimonoseki et dans lequel il accusait l’armée japonaise d’avoir organisé la déportation de Coréennes dans les maisons de réconfort pour l’armée (Yoshida, 1977).Yoshida avait également rencontré un grand succès en Corée du Sud où ses livres furent traduits et portés à l’écran télévisé à partir des années 1980. En 1982, puis en 1983, il publia des textes dans lesquels il s’accusait lui-même d’avoir été un criminel de guerre (Yoshida, 1983), d’avoir participé à cette organisation, et prononça des conférences en Corée du Sud. Puis en 1989, coup de théâtre, il se rétracte dans un journal local 済州新聞 (Sapio : 18) de l’île même où il avait déclaré avoir commis ses forfaits en Corée du Sud, et dans lequel il dit avoir affabulé. Par la suite, une polémique l’opposa à l’historien Hata Ikuhiko en mars 1992, qui déclarait n’avoir trouvé aucune preuve des faits relatés par Yoshida, et avait collecté des déclarations de personnes jurant que de tels faits étaient impossibles car personne dans cette île n’aurait pu accepter, selon elles, de laisser faire22 .

Yoshida de son côté, se justifia en déclarant dans une interview accordée le 29 mai 1996, à la revue Shûkan shinchô週刊新潮 23, que s’il avait mélangé des faits avérés et des faits imaginaires, en particulier dans l’indication des lieux, il avait bel et bien participé à la chasse aux femmes.

Cet épisode montre que dès les années 1970, la question suscitait un intérêt particulier, qu’elle faisait vendre, quelles qu’en soient les raisons, bonnes ou mauvaises. Le mouvement contre la guerre au Vietnam permit à bien des égards de revisiter le rôle de l’armée japonaise durant la guerre de 1931 à 1945. Quelques rares journalistes, animés d’une volonté de dépasser l’antagonisme entre Coréens et Japonais, sur la base de la critique du militarisme et du colonialisme, partirent enquêter sur le terrain après la reprise des relations diplomatiques en 1965. Ainsi, si l’ouvrage de Yoshida Seiji n’est plus repris comme un témoignage à valeur historique au sujet de la déportation des Coréens, il en va autrement du travail d’enquête mené par le journaliste Senda Kakô 千田夏光publié en 1973 ainsi que celui de Kim Il-men金一勉 en 1976.

II.1. Senda Kakô : des révélations essentielles

Dans son ouvrage, Senda Kakô (1973) estime que 80 000 à 100 000 femmes parmi les 200 000 femmes mobilisées dans « corps de volontaires féminins » en Corée durant la guerre, ont été envoyées dans les « maisons de réconfort » qui étaient des bordels de campagne, en particulier à partir de 1937 (ibid. : 94, 162). Ce calcul se base sur les données qu’il a recueillies au cours de son enquête en Corée et auprès de diverses personnes ayant servi de « rabatteurs ». Parmi les divers documents qu’il analyse, nous citerons en particulier deux rapports de médecins militaires. Le premier est celui du médecin militaire Asô Tetsuo 麻生徹夫 qu’il a interviewé directement. Dans son rapport remis le 26 juin 193924 , il compare ses observations directes aux sources occidentales sur le problème des maladies vénériennes en particulier. Ses observations datent du temps où il exerçait en tant que médecin militaire gynécologue chargé d’examiner les femmes d’une maison de réconfort située dans le nord-est de Yangjiazhai 楊家宅 où se trouvait une centaine de femmes (dont 80 Coréennes et 20 Japonaises), directement gérée par l’armée, et d’une autre maison gérée par des entrepreneurs privés à Jiāngwānzhèn江湾鎭. Le second est celui d’un dénommé Yasumura Kôkyô 安村光享25 qui a également récolté les témoignages de personnes ayant fait office de zegen女衒 (proxénète) en Chine à l’époque, ainsi que d’anciennes femmes de réconfort (dont une seule Coréenne, Kakô, 1973 : 115). Il analyse le processus qui a décidé l’armée à réquisitionner des jeunes femmes non mariées dans les villages, c’est-à-dire vierges dans la société coréenne de l’époque. Non seulement la perte de la virginité, exigée comme condition au mariage dans une société traditionnelle, représentait à l’époque pour des jeunes filles la condamnation à être exclues de la société, et à devenir la proie des rabatteurs pour la prostitution, mais symbolisait aussi, dans le contexte de guerre, une humiliation et une honte nationales que la Corée ne peut encore pardonner. D’après l’auteur, le recours à ces jeunes filles fut préconisé par les militaires comme un moyen de prévention des maladies vénériennes. La pauvreté, au Japon comme en Corée, était le facteur décisif qui poussait les familles à « céder » leurs filles pour des avances, et la misère sévissait d’autant plus dans les campagnes coréennes qu’un grand nombre de paysans y avaient été expropriés par le système de domination coloniale.

Notons au passage que c’est à partir d’une photo de la maison de réconfort de Yangjiazhai et des deux maisons de réconfort dont Senda Kakô mentionne le nom que l’historien chinois Su Zhiliang26 entreprit à partir de 1993 des recherches sur la ville de Shanghai où il a répertorié l’existence de 149 « maisons de réconfort ». Cet historien considère qu’environ 200 000 Chinoises furent soumises à une prostitution forcée dans les années 1930 et 1940.

Senda a recueilli aussi un témoignage-clé sur le rôle de l’administration dans le recrutement des jeunes filles. Il s’agit d’un entretien avec le commandant Hara Zenshirô 原善四郎 (Senda, 1973 : 95-98). Ce dernier, chargé de la logistique dans le projet de renforcement des effectifs militaires sur la frontière russe en Mandchourie (opération connue sous le nom de Kantokuen関特演, décidée en juin 1941), estima à l’époque les besoins en « femmes de réconfort » à 20 000 pour une mobilisation de 750 000 soldats. Il raconte s’être déplacé en Corée pour partir à la « chasse aux femmes » et explique qu’il ne réussit à en rassembler qu’environ 10 000. Dans ce récit, Hara explique qu’il en avait présenté la demande auprès du Gouverneur-Général de Corée (Chôsen sôtoku 朝鮮総督) (obligatoirement un général ou un amiral d’active). Celui-ci donna l’ordre aux préfectures, lequel descendit les différents échelons administratifs pour arriver au niveau du village, circonscription appelée men (myeon en coréen) 面 à l’époque. D’après un autre témoignage, elles furent toutes enfermées dans le grand magasin Chôjiya dans le quartier Myeongdong de Séoul (le nom japonais de la capitale est Keijô à l’époque, Kyŏngsŏng en coréen), sans droit de visite, ni de sorties. « Personne ne pouvait s’en approcher, ni répondre aux signes de la main qu’elles nous adressaient » raconte un témoin (Senda, 1973 : 112-113). Dans une lettre adressée à Senda Kakô et exposée au Musée des anciennes femmes de réconfort (WAM), Murakami Sadao 村上貞夫 qui était sous les ordres de Hara, estime quant à lui à 3 000 le nombre de ces femmes rassemblées par ce dernier dans le grand magasinMurakami Sadao était chargé des relations avec les « marchands de femmes » et de la gestion administrative. Il explique également dans cette lettre que tous les documents afférents ont été brûlés à la défaite. . Les témoignages sur cet épisode concordent tant sur le lieu que du point de vue des dates. À Senda Kakô qui lui demandait comment il en était arrivé à cette estimation, il répond qu’il s’était basé sur l’expérience de la guerre sino-japonaise qui avait éclaté en 1937. Cette réponse corrobore avec les documents rassemblés ultérieurement par l’historien Yoshimi Yoshiaki et qui attestent de ce que les premières installations par la marine et par l’armée de « maisons de réconfort » datent de 1932 et 1933 (Yoshimi, 1995 : 14-21) mais que leur multiplication à grande échelle débuta en 1938 (Yoshimi, 1995 : 34-35, 2000 : 58-59). Les archives qui concernent les maisons de réconfort, comme tant d’autres, ont été détruites systématiquement à la défaite, et les témoignages sont restés rares. Ce n’est que très récemment qu’un travail de recherche systématique sur les manuscrits écrits par des soldats et déposés à la bibliothèque de la Diète ont permis de révéler 260 documents dans lesquels on trouve une description des maisons de réconfort que les soldats ont fréquentées (Sensô sekinin kenkyû, 2009,n°66). Nous avons déjà souligné la honte et le tabou entourant cette question dans la société coréenne de l’après-guerre. Lorsque Senda enquêta pour son livre, il ne trouva qu’un seul article dans le journal de Séoul, daté du 14 août 1969, sur ce « corps de volontaires féminins ». L’une d’entre elles, Kan Bun-shului expliqua qu’un Japonais faisait la tournée du village en proposant un travail bien rémunéré pour les filles (Senda, 1973 : 101). Un policier japonais et le maire du village l’accompagnaient. Nombreuses avaient été les filles déjà parties pour travailler dans les filatures ou les industries d’habillement au Japon, elles furent donc trompées .Kan Bun-shu était originaire de Chungcheongbuk-do, région centrale de la Corée du Sud aujourd’hui (mais elle garda le secret sur le nom de son village d’origine). D’après ses déclarations, jusqu’en 1940, la tromperie était manifestement la pratique privilégiée pour enrôler ces femmes, proche de celle exercée par les proxénètes dans la région du nord-est du Japon (Tôhoku), sauf qu’en Corée, ils étaient appuyés par la police japonaise. Le pouvoir des policiers était exorbitant à l’époque et ils inspiraient la terreur. Il ne devait donc pas être aisé de refuser ces « propositions ». Même si la mobilisation et la réquisition systématiques s’exercèrent à partir de 1943 (Yoshimi, 2000 : 109), l’implication antérieure de l’administration coloniale est démontrée par l’épisode (que nous avons mentionné ci-dessus, et raconté par Hara Zenshirô) des 8 000 femmes (ou 3 000 selon Murakami Sadao) rassemblées dans un grand magasin27 .

Les sources nous permettent donc d’affirmer qu’il s’agissait d’une organisation systématique appuyée par le pouvoir d’État. Les chefs de village ne pouvaient être dupes de ce qu’on attendait de ces filles auprès des soldats. Ils choisissaient les familles les plus pauvres pour leur proposer d’envoyer les filles sans dire explicitement où elles seraient envoyées, mais les familles n’avaient plus aucune nouvelle et pouvaient se douter de leur sort. La majorité d’entre elles ne sont jamais revenues au village. Les familles recevaient un avis de mobilisation trois jours avant leur départ. Les policiers savaient combien de filles non encore mariées vivaient dans chaque foyer du village et il était difficile d’y échapper. Des familles tentaient alors de marier leurs filles ou de les laisser fuir. Mais la pénurie de partenaires était grande, car les hommes valides étaient déjà mobilisés soit par le travail forcé, soit par l’armée. Les fugues étaient punies d’amendes, les parents battus pour qu’ils avouent où leurs filles se cachaient (Senda, 1973 : 111). Le recrutement des « corps de volontaires féminins » fut donc systématisé à partir de 1943, puis généralisé sous les ordres du gouverneur général Abe Nobuyuki 阿部信行 (1875-1953). Furent alors concernées toutes les filles et femmes célibataires âgées de 12 à 40 ans. Toutes ne furent pas envoyées sur les champs de bataille pour servir d’esclaves sexuelles ; le critère semble avoir été l’âge, le choix se portant sur les plus jeunes d’entre elles, et probablement celles jugées les plus jolies. En Corée, une confusion s’établit entre les deux catégories et après 1945, celles qui avaient été déportées pour travailler dans les usines cachèrent soigneusement cet épisode de leur vie car aux yeux de la société coréenne, tous ces « corps de volontaires féminins » avaient été enrôlés pour être prostitués (Yamashita, 2008). Le travail dans les usines d’armement était très dur. Il s’apparentait à du travail forcé et les femmes souffraient de discriminations et de malnutrition. Nombreuses sont celles qui ne reçurent aucune rémunération, malgré les promesses, mais face à l’opprobre public, il leur fut impossible de réclamer une compensation quelconque après la guerre. La grande majorité des ianfu furent quant à elles envoyées soit en Mandchourie soit dans les îles du sud.

II.2. Coercition ou intimidation ?

Aussi, il est assez difficile de suivre l’historien Hata Ikuhiko秦郁彦 (chef de file des historiens japonais regroupés dans le Rekishi jijitsu iinkai歴史事実委員会), dont l’affirmation centrale de son article sur les « femmes de réconfort »28 publié dans le Washington Post le 14 juin 2007 sous le titre « The Facts »29 , à la veille de l’adoption par le Congrès américain de la résolution (H.Res.121) est qu’aucune coercition (kyôsei強制) n’a été exercée envers ces femmes30 . Il propose de remplacer le terme de coercition par celui d’« intimidation », cette substitution permettant en réalité de rejeter la responsabilité principale sur les parents « qui vendaient » leur fille en acceptant une avance31 . Or, d’après les témoignages recueillis par Senda en 1973 (auprès d’« organisateurs » aussi bien que de victimes), non seulement la violence apparaît comme un élément déterminant – ceux qui voulaient s’y soustraire ne le pouvaient pas – mais les témoignages recueillis et étudiés auprès des femmes qui se sont manifestées à partir des années 1990 (après recoupement et expertise, Yoshimi, 2000 : 99-129) confirment qu’il existait en sus des cas de tromperie, des cas de vente par des proches ou par d’autres intermédiaires, mais aussi des cas d’enlèvement (ibid. : 107).

En Chine, selon les témoignages d’anciens capitaines ou commandants de l’armée japonaise les notables des villages recevaient l’ordre de rassembler des femmes, en majorité de très jeunes filles, comme par exemple pour les garnisons de Liangshitang ou du village de Dongshi dans le Hubei (Yoshimi, 2000 : 119-121). Les « demandes » de l’armée japonaise étaient plutôt des « ordres » dont il existe quelques rares traces écrites, comme l’exigence présentée au gouverneur de la ville de Tientsin le 11 avril 1945 de fournir une vingtaine d’ianfu, avec des conditions précises (WAM, 2008, catalogue 6 : 19). On trouve également, dans un rapport de la police de Tientsin, une liste de 42 prostituées chinoises ayant pris la fuite sur les 86 envoyées dans une station de l’armée japonaise dans la province du Henan. Ce document permet de confirmer que même pour des professionnelles, les conditions de travail de ces ianjo paraissaient inacceptables et terrifiantes. Il faut noter qu’en Chine, à côté des « maisons de réconfort », furent créés de nombreux centres de viols qui se distinguaient des « maisons de réconfort » de par leur fonctionnement, et notamment par leur absence de règlement32 . Par ailleurs, les soldats devaient payer les services (Hicks, 1996 : 85-87). Tous ces faits de séquestration et d’enlèvement notamment ont été reconnus dans les arrêts rendus par le Tribunal de grande instance de Tôkyô dans huit des dix procès intentés depuis 1991 par des anciennes femmes de réconfort ou leur famille.

Les enquêtes menées dans le Shanxi dans les décennies 1990 et 2000 révèlent combien les viols furent nombreux en Chine : une liste des viols commis dans la province du Shandong avec les noms des villages et la description des faits, établie par Kasahara Tokushi et parue dans le numéro 6 de Chûkiren33 ainsi que dans les numéros 13 et 17 de Sensô sekinin kenkyû (automne 1997) permet de se faire une idée de leur ampleur. Kasahara établit 84 cas de viols individuels ou de masse (20 à 100 femmes) dans la province du Henan et 123 lieux distincts pour la province du Shanxi, dont 6 500 cas pour la seule préfecture de Jiāochéng Xiàn, entre 1937 et 1945 (Kasahara, 1997 : 6).

La création de maisons de prostitution pour les soldats de l’armée a été motivée en premier lieu, d’après Senda, par la crainte obsessionnelle des maladies vénériennes. Les réactions d’hostilité que les viols suscitaient au sein de la population chinoise sont aussi citées comme une des raisons qui ont conduit à systématiser la réquisition de femmes destinées au « service sexuel » auprès des soldats. Or ces viols collectifs ont persisté en Chine où on dénombre beaucoup de « centre de viols ». La violence allait croissante en raison de l’émergence d’un mouvement de résistance à l’occupation japonaise. Mais il existe une prémisse aussi fondamentale à ces deux principales explications invoquées, à savoir l’idée que le « service sexuel » était indispensable pour le maintien du moral des troupes et leur était dû. Sur ce plan, la grande différence avec les armées occidentales repose sur le système de prostitution pratiqué. C’est la raison pour laquelle certains historiens font avant tout porter le débat sur le caractère forcé ou non de cette prostitution : après avoir affirmé qu’elle découlait du système de prostitution « publique » qui prévalait à l’époque, le kôshô, ils soutiennent dès lors l’idée qu’il n’y a aucune différence avec le recours à la prostitution pratiqué par toutes les armées du monde, notamment américaine, à travers toute l’Asie, et plus particulièrement au cours de la guerre du Vietnam. Hata Ikuhiko en particulier s’est appuyé sur tout le travail entrepris par les féministes – sans les citer – sur les conditions de la prostitution dans les colonies japonaises pour mieux « banaliser » ce qui s’est passé pendant la période de guerre (Hata, 1999).

Ce soin mis par le commandement à fournir ce « confort sexuel » surprend quand on sait par ailleurs que ces mêmes soldats ont été condamnés à mourir de faim sur de nombreuses îles où ils furent expédiés, comme à Guadalcanal où 20 000 soldats sur 32 000 périrent d’inanition. Selon l’historien Fujiwara Akira (2001), plus de 60 % des soldats envoyés sur le front dans le cadre de la guerre du Pacifique furent sacrifiés en raison de l’absence de ravitaillement. En fait, les soldats étaient censés « se servir » sur place, trouver la nourriture et la voler aux habitants des zones occupées. L’état-major n’avait pas prévu les difficultés de ravitaillement et les obstacles que les soldats rencontreraient sur ces terres tropicales où, contrairement à leurs prévisions, après avoir pillé ce qu’ils avaient pu, ils ne trouvèrent rapidement plus rien à manger. Ces « maisons de réconfort » considérées comme indispensables au moral des troupes, furent concevables et conçues parce que les femmes n’étaient rien d’autre qu’une ressource disponible et un « dû » pour les offrir aux soldats, dans une vision colonialiste de ces zones occupées.

II.3. La crainte des maladies vénériennes

Le rapport du médecin-lieutenant Asô Tetsuo est le premier à préconiser le recours aux jeunes Coréennes. Il considère que les ianfu japonaises sont de « mauvaise qualité » (ibid. : 33), car elles sont beaucoup plus âgées, souvent malades, il constate les cicatrices à l’aine qui montrent qu’elles ont contracté la syphilis, et compare les statistiques occidentales sur les taux de contamination selon l’âge des prostituées. Selon les documents disponibles à son époque, plus la prostituée est jeune, moins elle est contaminée (ibid. : 38). Il insiste sur le contraste de ce point de vue entre les Japonaises et les Coréennes qu’il a pu observées lors de son séjour à Shanghai en 1938 (voir supra). Pour ce médecin, les Japonaises sont des femmes usées, des abazure – des salopes – (ibid. : 39) dont les séquelles indiquent leur métier et qui se sont recyclées sur le continent. Elles sont indignes en tant que « cadeau à offrir aux officiers et soldats de l’armée impériale » (kore mikoku shôhei e no okurimono toshite jitsu ni ikagawashikimono nareba). Il préconise de recourir aux femmes beaucoup plus jeunes, (sareba senchi e okurikomareru shôfu wa toshi wakaki mono o hitsuyô to su.) (Senda, 1973 : 39). Il recommande une sélection rigoureuse et récuse les professionnelles japonaises « recyclées » (kuragae 鞍替え). Par ailleurs, il considère que les prostituées chinoises sont dangereuses, car celles qui ont contracté une maladie vénérienne refusent l’usage du préservatif afin de nuire à l’armée japonaise. Ses observations et sa vision ont joué un rôle significatif dans la systématisation de l’enrôlement des jeunes femmes des colonies. Il préconise la mise en place de « maisons de réconfort » destinées aux armées, sous leur surveillance, et d’y introduire un contrôle sanitaire systématique des femmes comme des locaux (ibid. : 43). Dans ce même rapport, après avoir analysé les effets nocifs de l’alcool et ses liens avec l’augmentation du taux de maladies vénériennes en s’appuyant encore une fois sur les statistiques des armées occidentales, il conclut sur la nécessité de proscrire sa consommation dans « les maisons de réconfort » qu’il décrit à cette occasion comme des latrines communes à but exclusivement hygiénique (eiseitekinaru kyôdôbenjo naru)(ibid. : 45) et non un lieu de jouissance (kyôraku no basho ni arazu shite). Ce terme de kyôdô benjo est choquant : le terme benjo (cabinet, chiotte) a persisté après la guerre pour désigner les rapports sexuels et le premier manifeste du mouvement féministe Ûman ribu (Woman Lib en katakana) avait pour titre « benjo kara no kaihô »便所からの解放 (Se libérer des chiottes) (Tanaka Mitsu, août 1971, tract). Tanaka Mitsu manifestait ainsi sa révolte contre cette expression toujours d’usage parmi les hommes, y compris chez les militants d’extrême gauche dans les années 1970. Le terme de kyôdo benjo ou kôshû benjo est toujours d’usage pour exprimer le mépris et stigmatiser les prostituées en particulier34 .

On peut lire à travers ce rapport combien la sexualité est tenue pour « sale », et avec les femmes qui en sont l’objet. Cette vision très négative de la sexualité et de la femme réduite au sexe perdure dans la société d’après-guerre, dans une structure sociale où la culpabilité est reportée unilatéralement du côté de la femme, et où d’après des enquêtes, la moitié des hommes ont eu recours aux services d’une prostituée. La comparaison d’une enquête de 1924 (Yamamoto Senji山本宣治 1889-1929) et d’une enquête menée par une association de réflexion sur les hommes et les clients de la prostitution (「男性と買春を考える会」) en 1997 montrent à quel point l’évolution des mentalités s’opère lentement. Le changement paradigmatique fut donc doublement nécessaire pour une prise en compte de la question des ianfu.  

III. Le changement de paradigme

III.1. La situation en Corée du Sud

La censure s’exerça encore plus durement en Corée, où il ne pouvait être question d’évoquer l’existence passée des ianfu (Yamashita, 2008 : 8, 272). La mission du Tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient à peine achevée, le Japon, nouvel allié inconditionnel des États-Unis dans la guerre froide, fit l’économie d’un débat historique à l’échelle nationale sur la question des responsabilités de guerre ; son personnel politique comme ses hauts fonctionnaires échappèrent à l’épuration. Le Traité de San Francisco signé en septembre 1951 et entré en vigueur en avril 1952 l’exonérait des indemnités de guerre dues aux voisins asiatiques. Dans ce contexte, à côté des soldats qui avaient sacrifié leurs vies pour l’empereur et dont les familles méritaient reconnaissance et indemnités, les ianfu n’étaient rien d’autres que des femmes vénales qui ne méritaient que mépris et oubli.

La rupture intervint dans le nouveau contexte international de fin de la guerre froide et d’émergence d’un mouvement de démocratisation dans certains pays asiatiques, au cours duquel les mouvements féministes jouèrent un rôle très actif, notamment en Corée du Sud. Dès 1988, l’Université coréenne pour filles Ewha 梨花se dotait d’un centre d’études féminines, et les professeures comme les doctorantes participèrent à l’émergence de nouveaux paradigmes en histoire comme en sociologie, à la création de nouvelles perceptions des relations de genre, et furent particulièrement attentives à la naissance d’un mouvement à l’échelle internationale de condamnation des violences sexuelles dans les années 1990. Jusque-là, le viol et la prostitution forcée n’étaient pas reconnus comme des violations des droits humains ou comme des crimes de guerre, et les victimes se taisaient. Les gouvernements néerlandais, français et chinois avaient certes porté des accusations au Tribunal de Tôkyô sur les bordels de campagne35, mais le sujet était retombé dans l’oubli jusqu’à ce que les historiens Yoshimi Yoshiaki et Hirofumi Hayashine révèlent au public leur existence en 1997 et 2007. De plus, les violences sexuelles étaient condamnées pour l’atteinte portée à l’honneur de la famille plutôt que pour le tort causé aux victimes elles-mêmes, selon l’article 46 des Lois et coutumes de la guerre sur terre (convention de La Haye, 1907). Pendant la Seconde Guerre mondiale, aucune clause du droit international de la guerre n’interdisait explicitement les violences sexuelles à l’égard des femmes en temps de guerre.

Après la guerre, les victimes ont vécu dans des sociétés patriarcales où dominaient la honte et n’avaient qu’une crainte, celle que leur sort soit dévoilé. D’autres ont continué à travailler dans la prostitution pour les soldats américains (Soh, 2008 : 211-213). Pendant le demi-siècle qui a suivi la défaite, ce problème resta tabou dans tous les pays d’Asie qui avaient subi l’occupation japonaise, plus encore qu’au Japon. Une fois révélée et portée au grand jour par les victimes elles-mêmes, la réalité de cette prostitution forcée ou de cet esclavage sexuel, même dans un contexte national ou international favorable aux révélations, risquait d’exposer les victimes à un traumatisme et au rejet de la part des proches (ce qui fut le cas pour une bonne partie d’entre elles notamment aux Philippines et en Indonésie comme le montrent un certain nombre de témoignages filmés )36. À cette disqualification vint s’ajouter la campagne de calomnies menée par l’extrême droite japonaise qui a trouvé une grande audience sur Internet.

III.2. L’histoire et la question du genre

Développée depuis plus de deux décennies, l’histoire des femmes et l’approche de genre en histoire ont permis de libérer la parole de ces femmes, mais au Japon, elle est depuis plus de dix ans l’objet d’attaques ciblées et violentes. Les tenants des courants révisionnistes sur l’histoire de la guerre d’Asie-Pacifique se sont mobilisés contre cette approche de l’histoire qui a gagné en légitimité internationale en particulier depuis les années 1990 (Thébaud, 2007 : 160, 186), en remettant en cause la validité de cette parole par une campagne de calomnies systématiques contre les femmes elles-mêmes. Vingt ans après, leurs existences et leurs paroles apparaissent à nouveau comme une tache que l’on veut effacer pour construire un récit historique expurgé. Cet enjeu historique est de surcroît directement lié à l’antagonisme entre les forces qui œuvrent pour la transformation du Japon en un pays « normal », c’est-à-dire armé, et celles qui, fidèles à un pacifisme de l’après-guerre veulent faire prévaloir leur point de vue et résister à leur marginalisation.

III.3. Les faits et leur reconnaissance

Dans la reconnaissance des faits, un large fossé sépare les agresseurs des victimes. Au cours des diverses enquêtes – la première menée en janvier 1992 au moyen de la mise en place de lignes téléphoniques spéciales auxquelles d’anciens soldats étaient invités à s’adresser (235 anciens soldats à Tôkyô et 135 à Kyôto appelèrent spontanément), les autres via des entretiens organisés par les membres du groupe VAWW-Japan Net en août 1999 et en 2000 devant le sanctuaire de Yasukuni ainsi que par le WAM en 2005 et 2006 – les protagonistes évoquent avec légèreté ces « maisons de réconfort ». Quant aux viols, s’ils reconnaissaient en avoir été témoins et les condamnaient, ils les considéraient inévitables en temps de guerre et quasiment aucun ne reconnaissait en avoir jamais été l’auteur.

Mais dans la recherche historique, plus que les faits en eux-mêmes, ce sont les interprétations – le sens à donner, les modalités de leur organisation, leur ampleur également, – qui divergent et s’opposent. La volonté de minimisation conduit certains à nier les faits eux-mêmes. Ainsi, alors que l’ancien Premier ministre Nakasone Yasuhiro 中曽根康弘se vantait dans le récit de son expérience de guerre d’avoir établi à Dabao puis à Balikpapan en Indonésie, un ianjo pour les 3 000 soldats et personnel de l’armée dont il avait eu le commandement, (il précise : « parce qu’ils s’étaient mis à violer les femmes indigènes », Nakasone, 1978 : 98), refuse désormais de donner toute explication. La construction de ces maisons de réconfort a été attestée récemment par des documents officiels de l’armée datant de décembre 1941 puis de février 1942 (Kaigun kôkû kichi dai ni setueihan shiryô海軍航空基地第2設営班資料 [Archives du 2e groupe de logistique de l’aviation navale]), qui indiquent que des femmes indigènes ont été rassemblées à Balikpapan dans des ianjo. Mais Nakasone reste désormais sourd et muet face à toute question posée sur cet épisode. Dans les années 1990, il niait avoir créé des maisons de « prostitution » prétendant qu’il s’agissait seulement de « maisons de distraction » où « on jouait au go par exemple ».

III.4. La question de la fiabilité des témoignages

En face, les témoignages, d’autant plus fragiles qu’ils concernent des faits qui remontent à plus de 50 ans, exigent d’être examinés avec prudence. L’existence d’une pression exercée par l’opinion publique et des organisations militantes est indéniable et celle-ci s’est faite plus forte au fur et à mesure du développement du mouvement et de la naissance de divergences en son sein (Soh, 2008 : 79-106). Mais la prise en compte de la parole des anciennes femmes de réconfort, sans être pour autant sacralisée, permet de mesurer à quel point l’histoire des femmes a provoqué une rupture épistémologique dans ce domaine. Ces témoignages devraient d’ailleurs faire l’objet d’une analyse plus fine comme le propose Soh dans son ouvrage. En refusant l’alternative exclusive l’une de l’autre, prostitution commerciale ou crime de guerre, pour expliquer le phénomène, elle montre comment la prostitution était alors liée à la violence domestique, à la discrimination liée au genre et à l’absence de perspective d’émancipation pour des femmes qui aspiraient à l’autonomie mais se trouvaient piégées dès qu’elles voulaient sortir de leur carcan familial, autant de phénomènes encore d’actualité à travers le monde d’aujourd’hui.

Le procès intenté auprès d’un tribunal japonais par Kim Hak-sun, en décembre 1991, marque le point de départ du travail de recueil de ces témoignages par des universitaires, historiens ou sociologues, ou par des militantes du mouvement féministe. Ce procès raviva un réel intérêt de la part des historiens pour l’ouvrage de Senda Kakô (1973). Jusque-là, si son livre avait rencontré un succès éditorial, puisqu’il s’était vendu à 500 000 exemplaires, il n’avait eu aucun succès critique. Le seul journal à l’avoir mentionné à sa sortie était Akahata赤旗, le quotidien du Parti communiste japonais. Il n’avait attiré alors ni l’attention des historiens ni des sociologues, ni même des féministes non plus (entretien de l’auteur dans Ronza論座, août 1997 : 52-54). L’auteur indique également qu’une étude de son lectorat avait révélé qu’il s’agissait pour l’essentiel d’anciens soldats de la guerre d’Asie-Pacifique, qui une fois le livre lu, le refermaient en poussant un soupir, le posaient sur une étagère, puis l’oubliaient définitivement. En Corée du Sud même où son livre avait été immédiatement traduit, un entrefilet dans un journal rendait hommage à ses recherches, mais personne n’en rendit compte davantage.  

IV. Rôle et limites du Fonds pour les femmes asiatiques

Pour apprécier le rôle et les limites du Fonds pour les femmes asiatiques, rappelons quelles furent les premières revendications des associations de soutien aux anciennes femmes de réconfort en Corée du Sud.

IV.1. Les premières revendications des ianfu en Corée du Sud

Le 17 octobre 1990, 37 groupes de Coréennes envoyèrent une lettre publique dans laquelle elles demandaient au gouvernement japonais de :

1) Reconnaître le caractère forcé du recrutement des femmes de réconfort.

2) Faire des excuses publiques et officielles émanant de l’État japonais.

3) De révéler au grand jour tous les actes barbares commis envers elles.

4) D’ériger en leur souvenir et honneur un monument de commémoration.

5) De verser des indemnités légalement reconnues aux victimes survivantes ou à leurs familles.

6) D’expliquer ces faits aux générations à venir, à travers l’enseignement de l’histoire en particulier.

7) De créer un centre de documentation et d’archives historiques.

Par ailleurs, elles adressaient également une lettre publique au gouvernement coréen, dans laquelle elles réclamaient (Yamashita, 2008 : 42) :

1) L’obtention d’excuses du gouvernement japonais.

2) Les efforts pour établir la vérité.

3) L’édification d’une stèle commémorative.

4) L’obtention d’indemnités de la part du gouvernement japonais.

5) L’établissement de relations diplomatiques égalitaires et souveraines.

6) L’intégration de la question des ianfu dans l’histoire nationale.

En Corée du Sud, la première manifestation des anciennes femmes de réconfort devant l’ambassade du Japon à Séoul fut organisée le mercredi 8 janvier 1992, et se répète tous les mercredis depuis (interrompue uniquement pendant la période du tremblement de terre de Kôbe, puis au moment du tremblement de terre et du tsunami du 11 mars 2011, pour manifester leurs condoléances et leur solidarité à l’égard des victimes).

IV.2. Réactions au Japon

Le 11 janvier 1992, le journal Asahi shinbun publia en première page un article de l’historien Yoshimi Yoshiaki qui révélait l’existence de six documents officiels prouvant l’implication directe de l’armée japonaise dans le recrutement des femmes et la mise en place des maisons de « réconfort » (documents reproduits dans Yoshimi, 1992 : 105, 171, 209-216).

À la suite de cette campagne au Japon, le gouvernement japonais reconnut les faits. Dans un premier temps, Kôno Yôhei, alors secrétaire général du cabinet Miyazawa, admis dans une déclaration publique le 4 août 1993 que les maisons de confort avaient été établies à la demande de l’armée japonaise et que celle-ci était impliquée directement ou indirectement dans leur gestion. Toujours d’après cette déclaration, le recrutement des femmes fut réalisé par des « hommes de métier » (marchands de femmes), le plus souvent par la contrainte ou la tromperie. Il reconnaissait également que les autorités de police japonaises avaient pu y participer et que la vie quotidienne dans les maisons de confort était régie par la contrainte. Cette déclaration, rendue publique par le Comité des affaires étrangères du cabinet se basait sur les travaux d’une seconde commission qui rendit publics 234 documents afférents à cette question, et qui aboutit contrairement à la précédente à la reconnaissance officielle du caractère forcé de la prostitution. Puis le Fonds pour les femmes asiatiques fut créé en 1995 (voir supra).

IV.3. Activités du Fonds pour les femmes asiatiques

La création de ce fonds a suscité une réaction négative de la part de tous les groupes représentants les ianfu en Corée, parce qu’il dépendait uniquement d’une souscription privée. Individuellement, ils refusèrent en très grande majorité les compensations proposées, considérant qu’il revenait au gouvernement japonais, le premier responsable, de les verser. Une campagne d’opinion et de collecte fut menée à l’échelle nationale en Corée du Sud pour les soutenir et le gouvernement coréen leur alloua finalement une aide. Mais de son côté, le Fonds pour les femmes asiatiques organisèrent une campagne d’explication pour poursuivre ses activités37 . Une lettre d’excuses du chef de l’État japonais fut adressée uniquement à celles qui avaient acceptées les indemnités, ce qui ne fit que renforcer la détermination des militantes coréennes à s’opposer à ce qu’elles considéraient comme une demi-mesure. À Taiwan également, les organisations, regroupées dans l’Association pour l’aide aux femmes Fuyuanhui 婦援會, s’opposèrent à cette solution et organisèrent un loto qui permit de collecter environ deux millions de yen (20 000 € environ). Le gouvernement offrit une somme équivalente dans l’attente d’une réparation officielle du Japon, fondée sur des bases juridiques.

Au total, à ce jour, 285 femmes ont reçu ces compensations : en majorité des Philippines (environ 450 femmes se manifestèrent en 2000 lors d’une campagne d’information) et des Néerlandaises (79). En Corée du Sud, seules 7 femmes sur 231 les acceptèrent, et une seule de Taiwan (non recensée officiellement). En Corée du Sud, elles furent durement stigmatisées par les autres membres du Conseil des anciennes femmes de réconfort. En Indonésie où on comptait environ 20 000 anciennes femmes de réconfort, le gouvernement considéra qu’il serait difficile de reconnaître quelles étaient victimes, et demanda au Fonds de contribuer à la création de centres pour personnes âgées. Il n’y eut aucune publicité de la part du gouvernement indonésien et ce sont donc des personnes âgées qui bénéficièrent de ces centres, et pas nécessairement les anciennes femmes de réconfort.

Ce fonds fut fermé le 31 mars 2007, l’ancien Premier ministre japonais qui en était à la tête, Murayama Tomiichi, considérant qu’il avait atteint son objectif. Les organisations qui soutiennent les ianfu protestèrent, accusant Tokyo de fuir ses responsabilités. C’est dans ce contexte que les diverses résolutions en Amérique du Nord et en Europe furent adoptées pour exhorter le gouvernement japonais à prendre ses responsabilités sur ces questions.

Si la question des ianfu occupa une place centrale dans les polémiques sur le rôle passé de l’armée japonaise impériale, c’est parce qu’elle a été portée par les victimes elles-mêmes, mais aussi soutenues par des organisations à caractère à la fois féministe et nationaliste en Corée, et par des militantes féministes et des militants antimilitaristes de longue date au Japon. Dans une société patriarcale et de culture confucéenne, et en particulier dans la sphère privée et familiale comme la Corée de l’époque coloniale puis de l’après-guerre, leur existence demeurait une honte nationale (au sens ethnique) qu’il fallait taire (Yamashita, 2008 : 43). Au Japon, pour une majorité de l’opinion, cela restait une fatalité liée à la tragédie de la guerre, avec son lot de cruautés et d’horreurs inéluctables d’un côté, et de l’autre, un passé à ne pas salir, à honorer même, pour les plus nationalistes ou passéistes.

Conclusion : le féminisme face à l’antiféminisme et au nationalisme

Avec le massacre de Nankin, les visites au sanctuaire de Yasukuni (en particulier pendant la période des gouvernements dirigés par Koizumi), la question des « femmes de réconfort » a constitué le dossier le plus épineux dans les relations diplomatiques du Japon, notamment avec la Corée du Sud. Depuis quelques temps, la Chine s’est penchée sur le problème des ianfu, en encourageant les travaux historiques et en inaugurant en 2000 son premier musée sur les « femmes de réconfort »38.

Au Japon même, elle a constitué avec la question de la responsabilité de l’armée dans les suicides collectifs à Okinawa et le massacre de Nankin, le cœur des polémiques relatives aux manuels scolaires. Soulevées en 1982,celles-ci furent réactivées par l’initiative prise sous la houlette de la droite du PLD et visant à réunir un groupe d’historiens afin de constituer un « Comité pour la rédaction de nouveaux manuels d’histoire » (Nanta, 2001 : 127-153). Parmi toutes ces questions, celle des ianfu suscita les réactions les plus violentes de la part des courants conservateurs alliés aux courants négationnistes au Japon. Comment expliquer cette virulence ? Le mépris toujours vivace à l’égard de ces victimes, à savoir des femmes qui ont été soumises à l’humiliation est patent sur tous les sites révisionnistes où elles sont traitées de « putes » et de « salopes » motivées uniquement par l’argent, hier comme aujourd’hui. Elles sont accusées de vouloir exclusivement nuire au Japon, et la haine à l’égard des femmes et en particulier des Coréennes, si virulent sur ces sites, s’il peut être interprété comme le pendant du culte de la virilité militaire, de la glorification de l’armée impériale pour les courants d’extrême droite dans leur vision du monde passéiste et nationaliste, marque en réalité une volonté de revanche et une tentative de marginalisation par l’intimidation de certaines forces politiques qui osent s’exprimer. Cette volonté s’appuie sur la présence plus large dans l’opinion publique d’un nationalisme diffus, c’est-à-dire qui ne se revendique pas en tant que tel, mais qui réduit toutes les manifestations ou revendications des victimes à du nationalisme coréen ou chinois et à une forme de rivalité politique. Elle est teinte parfois d’une fausse indifférence qui trahit la persistance dans la société actuelle de la misogynie (Ueno, 2010). Bien que connue dès les années 1970, cette question prit une nouvelle ampleur avec le coming out des anciennes femmes de réconfort coréennes, dans un contexte à la fois de démocratisation et de persistance d’un nationalisme antijaponais. Face à cette revendication devenue cause nationale en Corée, les courants révisionnistes et les milieux de l’extrême droite au Japon trouvèrent un terrain favorable pour distiller leur réaction raciste et sexiste. Dans la décennie 2000, une offensive antiféministe s’est cristallisée tout particulièrement sur la disqualification de ces ex-femmes de réconfort et toujours sur l’idée que leur but exclusif est de calomnier le Japon et de nuire à son image.

Cependant, comment expliquer que le mouvement de soutien aux anciennes femmes de réconfort suscite une méfiance de la part d’un public, en principe, bien moins empreint de préjugés à l’égard de la Corée et des Coréens que la génération précédente, comme l’ont illustré les succès rencontrés au Japon de la coupe du monde en Corée du Sud en 2002, ou de la série télévisée coréenne Sonate d’hiver (Gyeoul yeonga) ? Il n’est pas encore question de dé-héroïser les soldats de l’armée impériale japonaise (le dernier film de Wakamatsu Kôji, Le Soldat-dieu est une exception à saluer), parce qu’ils ont sacrifié leurs vies et que les torts sont du côté des dirigeants qui les ont menés à une défaite aussi certaine que cruelle. Alors qu’après-guerre avait émergé un courant fort critique à l’égard du militarisme, dont les travaux historiques consistaient essentiellement à montrer les horreurs de la guerre et en particulier la responsabilité des agresseurs, c’est-à-dire de l’armée japonaise, la tentative de ramener tout le traumatisme de la guerre à la défaite est une nouvelle tendance lourde, partagée par les medias, les discours historiques, les milieux artistiques. Les féministes, en posant une question fondamentale– celle du rapport entre crimes d’État et responsabilité individuelle (les soldats avaient peut-être l’ordre de tuer l’ennemi, mais aucun n’avait reçu l’ordre de violer) – dérangent le discours dominant. Alors qu’en 1996 Ueno Chizuko publiait un livre annonçant la rupture radicale et historique du féminisme d’avec le nationalisme, 15 ans après, les associations féministes ont plus que jamais à cœur de poursuivre leur travail de solidarité avec les femmes des autres pays asiatiques. La rupture d’avec les nationalismes, quels qu’ils soient, est à la fois un point de départ et une perspective indispensable pour dépasser les antagonismes du passé mais aussi du présent. De ce point de vue, le mouvement de réhabilitation des anciennes femmes de réconfort est loin d’avoir épuisé et résolu les questions politiques et sociales qu’il soulève. Un travail de réflexion critique commence à être entrepris par certaines des initiatrices et participantes dans des directions divergentes, avec d’un côté l’approfondissement de la perspective féministe (Yamashita, 2008 ; Soh, 2008), et de l’autre le refus de séparer la question du genre de celle du post-colonialisme et de la question nationale (Kim P., 2011). Ces débats viennent enrichir un mouvement qui a eu pour but de rétablir la vérité historique, de restituer la dignité des victimes et de leur apporter justice, mais dont l’un des ressorts essentiel a été aussi de participer à la lutte contre les violences faites aux femmes tant en temps de guerre que de paix.  

Bibliographie

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REVUES ET ARTICLES

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Dai rokujûnigô 第62号, n°62 (décembre 2008), « Tokushû : Okinawasen to nihongun ianfu/Nihongun ianfu mondai no kaiketsu ni mukete » 特集=沖縄戦と日本軍「慰安婦」/日本軍「慰安婦」問題の解決にむけて (La bataille d’Okinawa et les ianfu de l’armée japonaise. Vers la résolution de la question des ianfu de l’armée japonaise).

Dai rokujûrokugô 第66号, n°66 (décembre 2009), « Tokushû : kankokuheigô hyakunenshû shokuminchi shihai o toinaosu » 特集=韓国併合100年植民地支配を問い直す (Le centenaire de l’annexion de la Corée – Revisiter la domination coloniale) Une première présentation des récits des soldats déposés à la bibliothèque de la Diète où on trouve mention des ianfu (260 descriptions repérées par Yoshimi Yoshiaki). 資料構成>戦争体験記・部隊史にみる日本軍「慰安婦」(1)本資料センター日本軍「慰安婦」・性暴力に関する、国会図書館文献調査の報告本資料センター研究事務局.

Dai nanajûichigô 第71号, n°71 (mars 2011), « Tokushû : genzai no funsô to seibôryoku / shô tokushû ianfu mondai kankei shiryô » 特集=現在の紛争と性暴力/小特集 「慰安婦」問題関係資料 (Les conflits actuels et la violence sexuelle. Dossier spécial sur les documents relatifs à la question des ianfu).

Dai nanajûyongô 第74号, n°74 (décembre 2011), « Tokushû : ianfu-guntai to seibôryoku no saishin no kenkyû o yomu/ genpatsu tôka to hibakusha » 特集=「慰安婦」・軍隊と性暴力の最新の研究を読む/原爆投下と被爆者 (Les dernières recherches sur les ianfu, l’armée et la violence sexuelle/ le bombardement atomique et les atomisés).

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Sensô to josei no jinken hakubutsukan 戦争と女性の人権博物館 (Comité japonais pour la construction du Musée de la guerre et des droits humains des femmes) : http://www.whrmuseum-jp.org/link.html

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http://www.awf.or.jp/ ; http://www.mofa.go.jp/mofaj/area/taisen/kono.html http://www.mofa.go.jp/mofaj/area/taisen/ianfu.html http://www.mofa.go.jp/mofaj/area/taisen/index.html

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KIM Puja金富子, SON Yon-ok 宋連玉責任編集,2000, Ianfu senjisei bôryoku no jittai 1 (Nihon-Taiwan-Chôsen)「慰安婦」・戦時性暴力の実態. 1(日本・台湾・朝鮮編) (La réalité de la violence sexuelle à l’égard des ianfu pendant la guerre (Japon,Taiwan, Corée), Tokyo : Ryokufu Shuppan.

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YOSHIMI Yoshiaki 吉見義明編集・解説 (dir.),1992Jûgun ianfu shiryôshû従軍慰安婦資料集 (Recueil de documents sur les jûgun ianfu) Tōkyō : Ôtsukishoten大月書店.

ANNEXES :

1) Nombre des femmes de réconfort

2) Déclaration par le secrétaire général du cabinet Kôno Yôhei

  • 1. Voir la notice biographique
  • 2. Gyokusai est un euphémisme qui a été utilisé par le Conseil suprême de la Guerre pour décrire l’anéantissement des forces engagées sur un champ de bataille. Le terme fut utilisé systématiquement à partir du 29 mai 1943, lorsque au cours la bataille de l’île d’Attu (de l’archipel des Aléoutiennes), les 2 650 soldats furent tuésjaponais (en réalité il y eut 29 prisonniers). Dans l’annonce que fait le Conseil suprême de la guerre, il est précisé que les soldats blessés ou malades qui n’ont pu participer à la bataille se sont donnés la mort. Il n’a jamais existé d’ordre officiel de suicide « gyokusai meirei », mais il était interdit à toute troupe engagée de se retirer ou de se rendre, ce qui revenait au même. L’expression tire son origine des annales historiques de la dynastie du Nord Bei Qi Shu, compilées en 636 en Chine. Littéralement, il signifie « périr après s’être fait déchirer », donc honorablement. L’image de la balle pulvérisée est opposée à celle de la tuile intacte.
  • 3. Les soldats utilisaient des termes plus crus, notamment chan-pî, chon-pî, P… précédés des termes péjoratifs pour les Chinoises et les Coréennes, par exemple. Pî aurait signifié vagin en chinois.
  • 4. SKELTONRussell, "Comfort women ’did it for money’" publié dans Sydney Morning Herald, 6 juin 1996.
  • 5. Le nombre de prostituées coréennes ayant travaillé dans ces bases est estimé pour les quatre décennies à près de 300 000. Jusque dans les années 1990, les medias utilisaient le terme de wianbu (ibid. : 211) à leur égard.
  • 6. Voir http://www.awf.or.jp/e1/facts-07.html
  • 7. Voir http://www.koreatimes.co.kr/www/news/nation/2011/12/116_100868.html
  • 8. Voir (http://en.womenandwar.net/contents/home/home.asp, consulté le 20 décembre 2011)
  • 9. Contrairement à ce qui est affirmé dans le rapport rédigé par G. McDougal en 1998 pour la Commission des droits de l’homme des Nations Unies : il y est question des rômusha – travailleurs forcés – et des Coréens enrôlés dans l’armée pour lesquels le gouvernement coréen indique le chiffre d’un 1 032 684 personnes dont 102 603 décès. (www.awf.or.jp/pdf/0189.pdf : 11, 114). L’historien Yoshimi Yoshiaki a émis des réserves sur la méthode de rédaction de ce rapport et regrette que ses remarques aient toutes été ignorées.
  • 10. Voir http://en.womenandwar.net/contents/general/generalView.asp ?page_str_menu=0201
  • 11. http://fr.news.yahoo.com/chinois-jette-cocktails-molotov-lambassade-japon-%C3%A0-s%C3%A9oul-112029475.html
  • 12. Ancien militaire, il sera démis de ses fonctions au bout de 11 jours pour ses déclarations révisionnistes sur le Massacre de Nankin au journal Mainichi. Voir http://articles.latimes.com/1994-05-08/news/mn-55196_1_world-war-ii[/fn] en 1994 tout comme les propos de M. Abe en 2007 (voir notes 15 et 16) sont l’expression d’un recul par rapport à la déclaration Kôno, même si celle-ci n’est pas officiellement reniée. Pourquoi la question des « femmes de réconfort » a-t-elle déclenché une si vive réaction, entraînant la formation et la mobilisation de groupes de députés de la droite du PLD et d’historiens conservateurs et proches de courants révisionnistes ? Nous tenterons de le comprendre par un rappel de l’historique de cette question, et du coming out de ces femmes de réconfort.

    La transgression d’un tabou

    Si le terme de ianfu était connu en Corée après 1945, il demeura une question taboue jusqu’en 1987. Lorsque l’historienne coréenne Yun Jeong-ok尹貞玉 publia son enquête en janvier 1990 dans le journal HankyorehPlus récemment, dans les années 2000, le journal a subi les assauts des anciens combattants coréens de la guerre du Vietnam pour avoir soulevé le problème des Lai Đại Hàn, enfants nés de Vietnamiennes et de Coréens du Sud enrôlés dans la guerre du Vietnam aux côtés des Américains, et pour avoir révélé des actes de violence, massacres et viols commis par les soldats coréens durant cette guerre.

  • 13. Voir http://www.wam-peace.org/index.php/ianfu-mondai/qa
  • 14. http://droitcultures.revues.org/2079
  • 15. Voir Le Mondedu 09.03.07, « Tollé après les déclarations de Shinzo Abe : Tokyo tente de calmer la polémique sur les ‘femmes de réconfort’ ».Voir également http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2007/03/01/AR2007030100578.html
  • 16. Ibid. : « Le tollé soulevé par les déclarations de M. Abe a été attisé par sa participation dans le passé à un groupe d’une centaine de parlementaires qui critiquent la position de leur gouvernement sur les « femmes de réconfort » (euphémisme pour désigner les victimes de l’esclavage sexuel) et s’insurgent contre le projet de résolution au Congrès américain demandant au Japon des excuses officielles. Issu de la droite du Parti libéral-démocrate, M. Abe a cherché à contenter ses amis politiques par une déclaration qui s’est avérée maladroite ».
  • 17. À Ôsaka où Hashimoto a emporté les élections, une campagne est menée contre un enseignant qui fait travailler ses élèves sur la question de la déportation des Coréens pendant la guerre. (http://sankei.jp.msn.com/west/west_life/news/120103/wlf12010307190001-n1.htm)
  • 18. Voir la revue Vingtième siècleno 94, 2007 : 5
  • 19. Voir également, Journal officiel de l’Union européenne, P6_TA(2007)0632, Justice pour les « femmes de réconfort », Résolution du Parlement européen du 13 décembre 2007 sur les « femmes de réconfort » (prostitution forcée en Asie avant et pendant la Seconde Guerre mondiale)
  • 20. « Les femmes ne sont-elles pas exclues des combats ? C’est vraiment indigne d’un militaire japonais de les tuer ».
  • 21. On trouve plusieurs dates de naissance. Membre du Parti communiste, il se présente aux élections de 1947.
  • 22. Hara publia le résultat de ses enquêtes dans 産経新聞(30.04.1992),「正論」92年6月号 et obtint le prix Kikuchi Kan pour son article« Showa-shi no nazo wo ou »『昭和史の謎を追う』(À la poursuite des secrets de l’histoire de l’ère Shôwa), paru dans la revue Bungeishunjû, 文藝春秋en mars 1993
  • 23. Les historiens Uesugi Satoshi et Yoshimi Yoshiaki considèrent que ses écrits ne peuvent être pris comme un témoignage historique, non parce qu’ils seraient mensongers, mais parce qu’ils leur manque les précisions de lieu et de temps. (http://space.geocities.jp/japanwarres/center/library/uesugi01.htm) consulté le 2 janvier 2012.
  • 24. Karyûbyô no sekkyokuteki yobôhô 花柳病ノ積極的予防法 (Les méthodes efficaces de prévention des maladies vénériennes – Rapport rédigé pour le 14e hôpital militaire de la 11e armée à Shanghai, cité en entier par Senda (1973 : 36-55).
  • 25. Rapport sur les prostituées chinoises shishô私娼 « libérales ». Ces deux rapports ont été réédités dans Takasaki Ryûji, 1990).
  • 26. Voir http://j.people.com.cn/2005/06/17/jp20050617_51043.html
  • 27. Voir http://www006.upp.so-net.ne.jp/nez/ian/hara.html
  • 28. Voir www.thomas.gov/home/gpoxmlc110/hr121_ih.xml
  • 29. Voir http://www.ianfu.net/facts/facts.html
  • 30. Cet article reprend les arguments d’un autre article publié en avril 2007 « The Truth about Comfort Women » dans lequel les auteurs affirment que tout ce qui est dit à leur propos n’est que le produit de la foi et non des faits. L’article du 14 juin se présente donc comme une suite dans laquelle sont affirmés les cinq faits suivants : 1. Il n’y a pas eu de coercition. 2. Le gouverneur général de Corée a réprimé les entrepreneurs privés pour leurs abus. 3. Les cas de contrainte par l’armée sont tout à fait exceptionnels. 4. Les témoignages ne sont pas fiables. 5. Les femmes de réconfort étaient bien traitées et bien payées
  • 31. My reason for changing coercion to intimidation is this : brokers (recruiters) may have told the young women they were obligated to go with them because their parents had received advance payment, which they would have to work off. In that case, intimidation is the appropriate word »,http://www.sdh-fact.com/CL02_1/31_S4.pdf, p. 17
  • 32. Voir un exemple de réglementation de « maison de réconfort » : Yoshimi (2000 : 136-137)
  • 33. Voir http://www.ne.jp/asahi/tyuukiren/web-site/backnumber/06/kasahara_seihanzai.htm, consulté le 1er février 2012.
  • 34. Lors d’une affaire connue sous le nom de Ikebukuro jiken d’une prostituée qui a eu affaire à un client sadique, une des séquences qu’il filma fut de lui faire répéter qu’elle était un cabinet public (kôshû benjo) pour les hommes qui pouvaient la pénétrer quand ils voulaient (Amano, 2009 : 205)
  • 35. Voir http://www.japantimes.co.jp/text/nn20070418a5.html
  • 36. Oncitera en exemple le documentaire réalisé par TakemiChieko 竹見智恵子Katarougan ! Roratachi ni seigi o カタロウガン ! ロラたちに正義を ! (Justice pour les Lola !)2011, 80 mn.
  • 37. http://www.awf.or.jp/pdf/0189.pdf, p. 37-39, 143-145
  • 38. Voir http://www.chinadaily.com.cn/china/2007-07/07/content_912318.htm

Citer cet article

Lévy Christine, « Femmes de réconfort » de l'armée impériale japonaise : enjeux politiques et genre de la mémoire, Mass Violence & Résistance, [en ligne], publié le : 14 Mars, 2012, accéder le 17/05/2021, http://bo-k2s.sciences-po.fr/mass-violence-war-massacre-resistance/fr/document/femmes-de-ra-confort-de-larma-e-impa-riale-japonaise-enjeux-politiques-et-genre-de-la-ma-mo, ISSN 1961-9898
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