Mike Pence : Jésus passe avant l'ONU

Auteur(s): 

Sébastien Fath, Chargé de recherche au CNRS

Date de publication: 
Novembre 2016

Un train peut en cacher un autre. Le TGV Donald Trump a tout écrasé sur son passage, emportant une victoire surprise. Mais l'impréparation du personnage, son manque criant d'expérience politique, la méfiance qu'il suscite auprès de l'establishment républicain et ses excès soulèvent l'hypothèse suivante : il n'est pas du tout certain qu'il accomplisse un mandat complet à la Maison Blanche. Le scénario d'une destitution, au cours des quatre années à venir, n'a rien d'improbable, d'autant que se profile la perspective de conflits d'intérêt entre les affaires du milliardaire et les affaires de l'Etat. Cette faille potentielle est très facilement exploitable par les opposants de Trump, y compris dans son propre camp.

C'est la raison pour laquelle il est essentiel de comprendre le profil politico-religieux de Mike Pence, nouveau vice-président. C'est un (très) possible successeur de Trump en cas de défaillance de ce dernier.

Un homme de confiance de la New Christian Right

Né le 7 juin 1959 dans l'Indiana, d'origine irlandaise, Mike Pence, avocat de profession, a siégé dans la Chambre des Représentants de 2001 à 2013 avant de venir gouverneur de l'Indiana. Il se rattache à l'aile conservatrice du Parti Républicain, et peut être considéré comme un homme de confiance de la New Christian Right (Droite religieuse chrétienne), courant chrétien conservateur qui pèse sur la scène politique américaine depuis la Moral Majority de Jerry Falwell (fin des années 1970).  Aux yeux de la presse de gauche, il apparaît comme un épouvantail, sexiste, homophobe, rétrograde. L'homme ne se résume cependant pas à ces étiquettes disqualifiantes.

Un born again qui fréquente une megachurch évangélique

Ce travailleur acharné et scrupuleux, qui ne boit pas une goutte d'alcool, est aussi un homme de principes, pour qui la religion est une affaire suffisamment sérieuse pour le conduire à un changement d'étiquette confessionnelle. Issu d'une famille démocrate et catholique, engagé dans sa paroisse, Mike Pence est ainsi devenu protestant évangélique au cours de ses études au Hanover College. Ceci l'a placé en porte-à-faux par rapport à sa famille, restée catholique. Mike Pence s'est longtemps décrit comme "catholique évangélique".

En réalité, son affiliation actuelle est évangélique. Il se rattache à un protestantisme de conversion, militant, patriote, attaché à défendre les valeurs familiales traditionnelles, qui mobilise un bon quart de l'électorat états-unien. L'homme est réputé pieux : "il ne porte pas Jésus seulement sur sa manche, il porte Jésus sur toute sa chemise", dit de lui un éditorialiste local. Il fréquente actuellement, avec assiduité, une megachurch évangélique, la College Mark Church à Indianapolis. Sa femme, Karen, est elle aussi réputée être une chrétienne très croyante, portée sur la prière.

Jésus passe avant l'ONU: les options de politique étrangère

Born again évangélique, Mike Pence connaît particulièrement bien aussi le catholicisme, dont il est issu, et ces deux référentiels ont constitué, pour Donald Trump (réputé très peu religieux), un atout de poids en direction de l'électorat chrétien (catholique et évangélique en particulier). Son changement d'étiquette confessionnelle s'est accompagné d'un changement politique : Mike Pence a voté Carter en 1980. Il est, depuis, devenu républicain, apparaissant aujourd'hui comme un fer de lance de la droite religieuse. Il fait partie de ces millions d'électeurs traditionnellement démocrates, qui ont quitté le Parti Démocrate quand ce dernier s'est focalisé sur le terrain des moeurs (mariage homosexuel, libéralisation croissante de l'avortement). Dans l'Indiana, Mike Pence s'est distingué par une politique hostile à l'avortement et à la légitimation de l'homosexualité.

En matière de politique étrangère, cette sensibilité politico-religieuse laisse augurer de liens étroits avec Israël (un leitmotiv de la New Christian Right), une vive sensibilité à la problématique de la liberté religieuse dans le monde, une méfiance aiguë pour l'ONU (soupçonnée de s'attaquer à la morale traditionnelle) et une certaine tendance à l'isolationnisme (au nom d'un principe de subsidiarité qui fait primer la politique locale et nationale). Jésus passe avant l'ONU.

 

Pour aller plus loin :

Jonathan MAHLER et Dirk JOHNSON, "Mike Pence’s Journey: Catholic Democrat to Evangelical Republican", New York Times, 20 juillet 2016 (online)

Sébastien FATH, Dieu XXL, La révolution des megachurches, Paris, Autrement, 2008

Mokhtar BEN BARKA, La nouvelle droite chrétienne, les évangéliques à la Maison Blanche? Paris, Privat, 2006

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