PARAGUAY

 

Après 2 guerres successives qui ont mises à mal le pays, les femmes aident à la reconstruction de la société paraguayenne et de l'industrie cinématographique

 

Interview : Clotilde Richalet Szuch

Introduction et Transcription : Camila Cornejo

 

Comme une grosse partie des pays de l’Amérique du Sud, le Paraguay a une industrie cinématographique assez petite mais en pleine croissance. Cela tombe assez bien pour les femmes dans l’audiovisuel du pays, qui sont dans une situation assez égale aux hommes du secteur. Cela est très particulier par rapport au reste du continent, où les femmes souffrent au quotidien les effets d’une société machiste et patriarcale. On parle d’une renaissance du cinéma paraguayen, surtout depuis le début des années 2000, et les femmes semblent être plus impliquées que jamais. Elles construisent l’industrie et se font en même temps leur place. Ce n'est pas une surprise du fait qu’après les guerres du siècle dernier, le Paraguay a été un pays reconstruit en grande partie grâce aux femmes, et elles sont très conscientes du rôle qu’elles ont joué dans ceci. 

 

En effet, après de la Guerre de la Triple Alliance, la plus meurtrière qui eut lieu dans le continent latino-américain entre 1864 et 1870, le Paraguay fut dévasté. Après la “Guerra Grande” du XIXème siècle, plusieurs autres conflits eurent lieu au Paraguay, comme la “Guerra del Chaco”, la plus importante du XXème siècle, mais aucun de cette magnitude. Résultat du conflit, la quantité de femmes était beaucoup plus importante que celle des hommes (presque 1 homme pour 4 femmes), et c’est alors aux femmes qu’on incomba le poids de la reconstruction de la nation. Les femmes paraguayennes ont dû élever des enfants toutes seules, travailler pour maintenir leurs familles et ranimer l’économie du pays, et c’est un héritage qui n'a pas encore disparu de nos jours. Les femmes paraguayennes se reconnaissent comme des femmes fortes, malgré la société patriarcale dans laquelle elles vivent. Malgré cela, ça a pris presque un siècle pour que leurs contributions dans la Guerre de la Triple Alliance, et plus tard dans la Guerre del Chaco, soient reconnues. Après la fin de la guerre, contrairement au reste des pays du subcontinent, le Paraguay adopte un gouvernement conservateur, qui empêche la participation politique des femmes, même si celles-ci étaient une majorité écrasante. On ne pouvait même pas parler de parité quand il a fallu presque 90 ans pour qu'elles puissent avoir le droit de vote.


De nos jours, la parité n’existe pas dans la politique uruguayenne, mais dans le domaine culturel, elle peut être envisagée. En général, dans le domaine cinématographique les femmes semblent être plus attirées, ou peut être conditionnées, dans des rôles plus “humains”, ce qui pourrait être surtout un résultat de la société, où les femmes sont conditionnées à avoir un rôle de “soignante” ou “assistante”. Cela est visible aussi dans le type de cinéma fait par les femmes paraguayennes. Ces dernières sont beaucoup plus présentes dans le genre du documentaire que dans le cinéma de fiction, mais cela paraît être une tendance généralisée en dehors du pays. Un autre aspect qui semble être le même que dans le reste de la région c’est qu’il existe une tradition de femmes dans la production et direction artistique plutôt que dans la réalisation. Toutefois, de plus en plus de femmes sont mises en valeur dans le cinéma uruguayen, par exemple avec le cas du film “Las Herederas” qui a été vu autour du monde, en mettant le Paraguay sur le devant de la scène. Il existe à présent une vraie volonté de raconter des histoires de femmes du point de vue des femmes.

 


TEMOIGNAGES

 

Adriana Ovelar

Paraguay

Directrice artistique : Matar a un muerto (2020)

 

A propos de la place de la femme dans l’industrie cinématographique de son pays


Dans le cinéma paraguayen, quelque chose d'un peu étrange nous arrive compte tenu de la société dans laquelle nous sommes, conservatrice, fermée et macho. Nous avons une relation très égale. Ce doit être parce que nous sommes peu nombreux et que nous nous connaissons tous. De plus en plus de gens travaillent dans le cinéma depuis 8 à 9 ans et de nombreux chefs d’équipe sont des femmes : production, art, costumes. Il y a un lien d'égalité et de respect. Nous vivons dans une bulle, c'est une exception au Paraguay.

 

 

Alicia Guerra

Paraguay

Actrice : 7 cajas (2012), Las herederas (2018)

 

A propos de la dynamique cinématographique sur le continent Sud-Américain


Grâce à des coproductions, Las Herederas a été l'un des films les plus importants que nous n’ayons jamais eu. Et cela a été vraiment magnifique, par exemple travailler avec un maquilleur uruguayen ou un producteur brésilien, un assistant ou un directeur d'éclairage français. Au moment du tournage c'est génial car on parle des réalités de chaque pays, on voit ce qu'on a en commun.


Quant aux circuits de distributions, il nous est difficile de voir les films les uns des autres. Les grands festivals sont Platino, qui fait environ 5 ans, Fenix, le Goya, mais dans mon cas c’est l'expérience que j'ai eue en tant que Présidente d'une société de gestion des droits de propriété intellectuelle des acteurs audiovisuels, qui nous a permis de nous retrouver. On s'est rendu compte qu'on ne se connaissait pas en Amérique du Sud, c'est le gros problème, on a besoin de plus de coproductions, on prend le sous-continent comme un grand pays. Il nous manque plus d'espaces pour nous rencontrer. Ce que j'aime chez Netflix, c'est qu'il nous permet de regarder des séries et des films de partout, qu'il nous permet de savoir des choses que nous ne saurions pas autrement.

 

 

Ana Brun

Paraguay

Actrice : Las herederas (2018), Matar a la Bestia (2010)

 

Aussi loin que je puisse me souvenir, la femme a toujours été au cinéma en tant qu'actrice. Et les directeurs ou producteurs les ont manipulés. On a toujours pensé que les femmes étaient inférieures, qu’elles ne pouvaient pas être indépendantes, non seulement dans ce pays, mais partout dans le monde. Dans ce pays, après deux guerres, nous, les femmes, avions le travail de repeupler le pays, de le gérer et de le faire progresser. Est ce qu’on confierait cette tâche à quelqu’un d’inférieur ?


Et bien sûr, j'en connais beaucoup moins sur les réalisatrices. J'ai lu l'autre jour qu'il y avait un nombre croissant de réalisatrices. Je ne suis pas féministe, je suis une femme et je suis égale ou meilleure que les hommes avec lesquels je suis en compétition. Et si je devais naître de nouveau, j'aimerais être à nouveau une femme. J'en suis très fière, la capacité féminine est incroyable. Et parfois, nous nous dévalorisons, car pendant des années, on nous a dit que nous étions inférieurs.

 

 

Ana Ivanova

Paraguay

Actrice : Las herederas (2018), Crisis (2017)

 

A propos de la montée des marches des 82 pour la parité au Festival de Cannes 2018


Ce que je vais vous dire est très fort. Un pays comme la France, si libre, inclusif et révolutionnaire, a secoué le monde avec ces 82 Femmes. Ne pas laisser de place à la femme me semble tellement contradictoire.


Donc cela arrive mais en retard, cela m'étonne venant d'un pays qui a ému les consciences depuis des années.


Il me semble important de rendre visible les femmes. Il est bon de faire une introspection. Pour 2020, cela semble difficile mais cela peut être réalisé. Le cinéma a longtemps tourné autour des femmes, des histoires de femmes, mais racontées par des hommes, sans la participation des femmes. C'est l'occasion de repenser le schéma. Le cinéma est responsable de la formation de stéréotypes, en particulier sur les femmes. Nous devons changer cela.


Je regarde la façon dont on m’a appris à regarder. C’est comme ça pour le spectateur au cinéma. Le cinéma a une énorme responsabilité dans ce regard. La recherche de la parité me semble bien. Les femmes sont une éternelle minorité historiquement, il faut changer ça.

 

 

Ana Martini

Paraguay

Directrice de Mesa Multisectorial del Audiovisual del Centro Cultural de la República El Cabildo

 

A propos de la place de la femme dans l’industrie cinématographique de son pays


La position des femmes au cinéma est liée à la position des femmes dans la société paraguayenne. Il y a des femmes réalisatrices et productrices. C'est un mouvement fort mais pas visible. La même chose avec les personnages des films, comme Liz dans Seven Boxes, c'est elle qui fait tout mais l'accent est toujours mis sur le personnage masculin. Nous avons la vision et la force, mais pas les mêmes possibilités. On le voit beaucoup dans le choix des films longs métrages. En court métrages, la disparité est moindre. Quand on pense à une femme au cinéma du Paraguay, c'est Paz ou Schembori car ce sont les plus visibles.


Mais il y a encore un manque de fonds, et il y a aussi un manque de sensibilisation au genre, en particulier chez les femmes de ma génération. Ils ne savent pas que nous avons été abusés. La technologie donne la possibilité d'élargir le regard et de donner plus d'informations aux filles et aux jeunes. Mais avoir la possibilité d'exprimer son regard est toujours aussi difficile, et avoir les moyens financiers de le faire est difficile.


Ce sont les femmes qui ont bâti ce pays après les guerres et elles ne sont pas reconnues. En général, il y a une idée romantique de la mère, sans vision, sans décision ni pouvoir, sans puissance.


Les droits d'accès à la formation, aux fonds, pour créer des espaces pour que les femmes créent nous font encore défaut. La loi sur le cinéma est enfin sortie. Maintenant que nous avons terminé nous devons nous organiser et l’appliquer. C'est très important, nous avons réussi à constituer un groupe qui a eu la force de faire sortir une loi sur le cinéma. L'idée est que le cinéma paraguayen doit être encadré. Dans cent ans, il sera peut-être lié au glamour, mais maintenant ce n'est pas ce dont nous avons besoin.

 


Antonella Zaldivar

Paraguay

Actrice : Las herederas (2018)

 

A propos de la place de la femme dans l’industrie cinématographique de son pays


Ici, quelque chose se passe. De nombreuses histoires sont racontées du point de vue des femmes. Les femmes paraguayennes ont des histoires tellement intéressantes et c’est ce que veulent voir les femmes au cinéma. Il y a de nombreuses réalisatrices. Grands réalisateurs de documentaires. Je pense que ce n'est pas si inégal. Les femmes ont été très encouragées à faire des films ces dernières années.

 

 

Claudia Elena Rojas

Paraguay

Productrice

 

Notre relation avec l'Argentine est très importante en matière de cinéma, également avec l'Uruguay. Je travaille dans la production exécutive mais je viens d’un mouvement syndical. Avec le mouvement auquel j'appartiens, nous exigeons un cadre juridique que nous n'avions pas. Nous essayons de renforcer les organisations audiovisuelles. Ici, en termes de ressources humaines, il y a d'excellents professionnels. Il existe un institut audiovisuel, mais surtout pour la télévision. Beaucoup vont étudier à l'étranger, à Buenos Aires ou à New York. Nous avons besoin de qualité et la technologie coûte cher. Il n'y a pas d'écoles ici, les techniciens sont formés avec les réalisateurs.


Ici, le point fort a été plus la télévision que le cinéma. Avant, il y avait des producteurs qui étaient en même temps des gestionnaires culturels. Et seul le cinéma américain était connu. Siete cajas nous a vraiment montré qu'il existe un marché. Notre objectif a toujours été de renforcer nos institutions. Ce sont des domaines dans lesquels nous sommes très nouveaux. Dans la loi sur le cinéma, nous avons essayé d'expliquer qu'il s'agissait d'une loi de promotion avant tout.

 

 

Clotilde Cabral

Paraguay

Actrice : Las herederas (2018)

 

A propos de la dynamique cinématographique sur le continent Sud-Américain


En ce moment, nous sommes une industrie naissante. Le cinéma paraguayen, même si nous ne venons pas juste de commencer, parce que nous faisons des coproductions avec d'autres pays depuis plus de quarante ans, a subi une coupure. Il y a eu une période d'engourdissement.


Maintenant le cinéma renaît, il a commencé à bouger différemment, les coproductions ont commencé avec de grands pays. Et nous avons reçu de nombreux prix ces derniers temps avec Las Herederas ou Siete Cajas, l'approbation à l'étranger donne la force de continuer. Mais nous sommes vraiment au début et nous avons un long chemin à parcourir.

 

 

Daniela Candia

Paraguay

Réalisatrice: Rua (2015), Detras de Curuguaty (2014), Vida Reciclada (2013)

 

A propos de la place de la femme dans l’industrie cinématographique de son pays


Le cinéma paraguayen en est à ses balbutiements, même si nous avons des productions anciennes, nous recréons tout et nous continuons à apprendre. À la fois de la pratique technique et des interactions avec les autres cinéastes. Je ne vois pas de discrimination dans ce domaine, nous travaillons tous bien ensemble. Il n'y a pas beaucoup de réalisatrices mais il y a beaucoup de productrices. Il y a des femmes à tous les postes d’une équipe.

 


Dea Maria Pompa

Paraguay

Productrice à Koreko Gua – Ideas Audiovisuales

 

À propos de la place de la femme dans l’industrie cinématographique de son pays


Il y a beaucoup de femmes qui participent à la création de films mais notre histoire du cinéma est très jeune. C'était très sporadique. Je pense que la femme est plus présente maintenant. Il y a beaucoup de femmes dans le documentaire. Bien qu'il soit difficile d'avoir des fonds, tout est très lent. Il y a beaucoup de réalisateurs autoritaires et certains clans qui travaillent entre eux mais cela arrive partout. Les femmes travaillent beaucoup sur l'histoire de notre pays en général, pas seulement au cinéma. Nous avons une dynamique qui ressemble plus à un pays d'Amérique centrale, nous sommes très différents du reste de la nation. Il y a de nombreux contrastes. Nous sommes deux femmes à la base de la création de l'Académie du cinéma paraguayenne.

 

 

Gabriela Sabate

Paraguay

Productrice : Hamaca paraguaya (2006), Matar a un Muerto (2019), Luna de cigarras (2014)

 

A propos de la dynamique cinématographique sur le continent Sud-Américain


Nous sommes un pays qui jusqu’à l'an dernier n’avait pas de loi cinématographique. Avec la loi, je pense que cela s'améliorera dans le sens où nous pourrons avoir des accords bilatéraux qui nous aideront à coproduire avec plus d'avantages, avec les pays d'Amérique du Sud. L'Argentine a été fondamentale pour nous, c’est avec eux qu’ont été nos premières co-productions. Pour nous, c'est toujours une excellente chose car il n'y a pas encore de budget pour le cinéma national.


Pour sortir un film à l'international, la coproduction reste le chemin, cela permet à nos films de voyager. Par exemple, Las Herederas était un film qui a été vendu à HBO, et ici il y a eu plus de téléspectateurs que Titanic ! Il a également été projeté dans plusieurs pays. Mais en dehors des festivals, c'est difficile, surtout quand ce n'est pas dans les pays coproducteurs. Je pense que le cinéma paraguayen est dans une position très intéressante car l'industrie s'est développée, la numérisation a contribué à rendre tout plus accessible.

 

 

Gabriela Villamayor

Paraguay

Productrice

 

A propos de la place de la femme dans l’industrie cinématographique de son pays


La position est encore faible. C'est une lutte de pouvoir, une lutte de pouvoir économique. Le cinéma est une entreprise et les entreprises mondiales sont encore aujourd'hui dirigées par des hommes. C'est quelque chose qui change mais les manières de négocier sont assez masculines. Pour nous, les opportunités de réaliser ou d'être ceux qui font les plus grosses transactions dans le cinéma sont moindres. La pression que nous exerçons pour occuper plus de positions de pouvoir va faire changer ces systèmes. C'est une place que nous gagnons avec un travail acharné et des efforts. Je ne pense pas que cela prendra encore très longtemps. La femme paraguayenne est extrêmement puissante. Les réalisatrices paraguayennes sont prolifiques, mais elles continuent d'être écrasées par les hommes. Nous produisons plus, nous occupons de plus en plus de place que nous n'avions pas auparavant. Nous sommes les plus attachées à notre cinéma national.

 

 

Ivana Urizar

Paraguay

Productrice : The herederas (2018), Matar a un muerto (2019)

 

A propos de la dynamique cinématographique sur le continent Sud-Américain


Il y a pas mal d'interactions. Ce qui se passe ici, c'est que nous n'avons pas de fonds public exclusif pour le cinéma. Il y a de petits fonds mais ils ne suffisent jamais, donc la solution qui a été trouvée est les fonds étrangers et les coproductions, surtout depuis que nous avons rejoint Ibermedia de 2011-2012. Avec beaucoup de pression de la société civile pour que l'État paie les frais d'Ibermedia. Nous coproduisons avec l'Argentine, le Brésil, l'Uruguay et même le Mexique. Avec les pays européens aussi. Avec l'Argentine, il y a beaucoup d'échanges de professionnels et de nombreux jeunes qui vont y étudier. Regarder des films régionaux est délicat. Ici, les cinémas montrent plutôt le cinéma commercial de Hollywood, presque pas d'Europe. Cinemark a parfois des films classiques ou internationaux mais ce n'est pas très souvent. Sinon, il faut les voir au festival international du film, là oui beaucoup de films sont projetés. Et certains d'entre nous aiment voir des films sur des plateformes en ligne comme Netflix ou des plateformes moins légales…

 

 

Ivanna Serratti

Paraguay

Etudiante en Cinéma

 

A propos de la place de la femme dans l’industrie cinématographique de son pays


Les exemples sont des femmes qui ont parcouru un long chemin (dans le cinéma paraguayen), comme Paz Encima ou Renate Costa. C’est quelque chose qui doit être vu au fur et à mesure par les femmes qui se tournent vers le Paraguay. Ce sont les femmes qui sont nos porte-drapeaux dans l’audiovisuel. Mais c'est si vous le voyez de l'extérieur, le Paraguay est très fermé. Il y a beaucoup plus d'hommes qui travaillent, et pratiquement seulement des hommes réalisateurs. Les femmes qui sont allées plus loin se sont formées à l'étranger, elles n'ont pas pu devenir visibles de la même manière que les hommes. Mais si l'on regarde du côté positif, les visages visibles à l'échelle internationale sont les femmes. Il est important de penser au regard des femmes au cinéma. Tout comme notre manière de raconter des histoires au cinéma, de construire une identité paraguayenne en tant que femmes paraguayennes. Le cinéma est un excellent outil pour construire et en tant que femmes, nous avons cette responsabilité.

 

 

Lali González

Paraguay

Actrice: 7 cajas (2012), Un lugar en el Caraibe (2017), Luna de cigarras (2014)

 

A propos de la montée des marches des 82 pour la parité au Festival de Cannes 2018


Je crois que l'initiative du festival de Cannes conduira d'autres festivals à faire de même. Et c'est un moment très nécessaire, le cinéma subit une sorte de transformation grâce aux femmes, je pense que c'est le genre de transformation dont tout festival de cinéma a besoin. Aujourd'hui, nous voyons enfin de cinéma du point de vue d'une femme avec des protagonistes féminines, car habituellement nous voyons beaucoup de protagonistes masculins et de super-héros. Cela nous permettra d'avoir des super-héroïnes. De ma position d'actrice, il me semble que nous sommes nombreuses à prendre position, à faire en sorte que la représentation des femmes ne soit pas le cliché habituel et contribue à la transformation du cinéma. Je crois que le regard féminin est l'avenir du cinéma.

 

 

Leticia Coronel

Paraguay

Réalisatrice : Yo, Mujer sola (2010), El regalo de Sofia (2007)

Productrice : Testigo de otro mundo (2018), Una vida lejana (2016)

 

A propos de la place de la femme dans l’industrie cinématographique de son pays


Le cinéma paraguayen est très émergent. Quand j'ai commencé à travailler dans le cinéma, c'était avec des coproductions, en 98 ou 99. Pendant la dictature, le nombre de films était de zéro. C'est donc encore un cinéma émergent. Un institut cinématographique est en cours de création, la loi cinématographique est sortie juste l'année dernière. Ce sont des pas très lents mais des pas quand même. Nous nous sommes battus pendant de nombreuses années pour que cette loi soit adoptée, c'était très difficile à réaliser.


Il n'y a toujours pas de fonds dans le pays, il y en a un pour les arts en général, mais le cinéma est un art coûteux. Et sans parler de l'inégalité entre les femmes et les hommes. Nous avons beaucoup à faire au niveau de l'égalité des sexes en général. Un travail pour la prochaine génération : naître égal.

 

 

Liz Haedo

Paraguay

Etudiante en école de cinéma

 

A propos de la dynamique cinématographique sur le continent Sud-Américain


Des films sont tournés au Paraguay depuis longtemps, mais ce sont toujours des gens de l'extérieur qui venaient faire des films. Ces dernières années, davantage de films ont été réalisés par des locaux et une grande partie des productions nationales sont des coproductions, notamment avec l'Argentine et le Brésil. Il y a aussi des étrangers qui font des films ici, des Chiliens par exemple. Pour moi, il y a toujours une interaction. Puisque nous n'avons toujours pas de loi sur le cinéma, tout est géré d'une manière très particulière. On fait partie du programme d'Ibermedia depuis peu de temps. Il y a eu également de nombreuses coproductions avec l'Europe et je pense qu'il y en aura de plus en plus.


Et si vous y réfléchissez, beaucoup de femmes réalisent des documentaires, mais en termes de fiction, il n'y en a pas beaucoup. Et c'est là que l'on sent que le regard féminin est vraiment relégué. En termes de fiction, c'est ce qui frappera le plus au niveau national.


Comme nous n'avons pas de loi sur le cinéma, il y a un fonds pour les arts, mais il n'a pas de perspective de genre, ils ne se soucient pas que les femmes aient une considération égale dans la réalisation de leurs projets. Sur un plan plus interne, le machisme au moment du tournage et de la production est incroyable. Au-delà de la hiérarchie des rôles et du peu de pouvoir de décision.


En Argentine, ils font beaucoup de productions réservées aux femmes. Je ne suis pas très favorable à cela, pour moi, il faut se construire ensemble.

 

 

Margarita Irun

Paraguay

Actrice : Las Herederas (2018), El regresso de la Sombras (2021)

 

A propos de la montée des marches des 82 pour la parité au Festival de Cannes 2018


C'est merveilleux, c'est une impulsion pour nous toutes. Nous ne pouvons pas y arriver seules, c'est une lutte de tout le pays. Nous avons eu beaucoup de problèmes avec Las Herederas. Ici, au Paraguay, des femmes émergent avec un très fort potentiel, pour la réalisation, pour le scénario, pour la production. J’ai accepté Las Herederas même si ce n'était pas du théâtre (ce que je fais d'habitude) du fait que c'était un espace pour nous les femmes, nous n'étions pas mises au placard derrière les hommes. Mais c'était difficile, les gens nous interrogeaient sur le fait de venir du théâtre, c'était une vraie attaque. Mais c’était incroyable de rendre mon pays visible à l'étranger : à Berlin en Allemagne. Et de toujours en parler maintenant un an plus tard.


L'initiative de Cannes en est un bel exemple. Pour pouvoir dire que nous sommes toutes ensemble, que nous avançons main dans la main.

 

 

Maria-Liz Rojas

Paraguay

Actrice: 7 cajas (2012)

 

A propos de la dynamique cinématographique sur le continent Sud-Américain


Au niveau sud-américain, le Paraguay est un pays assez oublié et peu valorisé par le cinéma argentin ou brésilien. La Bolivie est un peu comme nous. Mais à tous égards, nous manquons de soutien. Nous manquons d'argent. Les entreprises doivent risquer beaucoup pour investir, car un vrai film national est un investissement.


Mais beaucoup la prennent comme une dépense superflue. Avec l'Argentine, nous sommes plus proches, en raison de la langue et des contacts. Parce que de nombreux Argentins ont leurs entreprises ici, et des amitiés entre les gens de l'audiovisuel existent, mais j'espère qu'elles s'améliorent. Espérons que les Argentins achètent nos films, notre fiction. Avec le Brésil, nous sommes très loin. Je pense à cause de la barrière de la langue. En Uruguay presque rien. Au Chili 0.


Tout ici est Hollywood, et j'espère que la mentalité change. Que nous allons voir notre propre cinéma. Il semble que le Paraguayen lui-même n'aime pas voir le Guaraní au cinéma. Ils prennent conscience que notre cinéma est ennuyeux. Il est également très coûteux d'aller au cinéma. Un billet pour le cinéma coûte 20 à 30 dollars. Un hamburger est à ce prix et la plupart choisiront un hamburger avant d'aller voir un film. Nous manquons de culture.

 

 

Mónica Ismael

Paraguay

Réalisatrice : Basybuky / El guerrero Yshyr

 

A propos de la place de la femme dans l’industrie cinématographique de son pays


Ici, le pourcentage de femmes est encore plus bas, mais cela tient au fait que le cinéma paraguayen vient de naître. J'espère qu'il y aura de plus en plus de femmes, mais maintenant nous sommes peu nombreux et mais celles d'entre nous qui sont là sont très présentes. En moyenne, nous produisons en tant que pays 5 à 8 films par an.

 

 

Nilda Gonzalez

Paraguay

Actrice / Figuration : Las herederas (2018)


Lorsque le film a remporté l'Ours d'Argent à la Biennale de Cinéma en Allemagne, tout le monde était content. Puis ils ont réalisé que toutes les protagonistes étaient des femmes. Ils ont dit que c'était un truc lesbien. C'est normal, les gens ne savent pas. Sans savoir ils disent tant de choses sans penser que ça peut nous offenser. Dans ce pays, on ne sait pas apprécier l'art. Nous avons même été reçus au Congrès.

 

 

Paz Encina

Paraguay

Réalisatrice : Ejercicios de memoria (2016), Hamaca paraguaya (2006)

 

A propos de la place de la femme dans l’industrie cinématographique de son pays


J'ai des sentiments mitigés. Une grande partie du cinéma paraguayen était dirigée par des femmes, surtout après cette renaissance du cinéma. Il y avait auparavant un cinéma fait par des hommes, avant 2006. Les sociétés de production nous ont laissé un grand héritage. Il y a une force féminine très forte ici, dans un pays où le machisme est si historiquement présent. Un pays où la parité est encore débattue à la manière néandertalienne. Le cinéma a cette capacité à refléter une image, peut-être l’image de nous-même qui sommes derrière la caméra.

 

 

Rosalía Lezcano

Paraguay

Actrice : Lucia (2018)

 

A propos de la place de la femme dans l’industrie cinématographique de son pays


En tant qu'artiste, en tant que comédienne, je me sens très privilégiée car je vis à une époque où mon pays progresse beaucoup dans le cinéma. Je vis dans un pays où nous n'avons pas de loi sur le cinéma, ce qui est très triste pour nous tous. Mais il y a de l'espoir qu'un jour cela changera. Le Paraguay est considéré comme le cœur de l'Amérique du Sud :  pourquoi ne pas en profiter pour y faire des films ? Nous avons des choses à raconter. Mais vous devez vous accrocher pour faire des films. Nous avons des problèmes sociaux et politiques. Mais il y a aussi de bonnes choses, nous devons continuer à grandir. Pour que la génération future continue de construire et de suivre notre exemple.

 

 

Sofía Paoli

Paraguay

Productrice : Meradocuatrope (2011), Fuera de campo (2013), La afinación del diablo (2018)

Réalisatrice : Meradocuatrope (2011), La marginación del Pombero (2011)

 

A propos de la dynamique cinématographique sur le continent Sud-Américain


Ce que je vois maintenant, c'est que dans le cinéma du Paraguay, il n'y a pas d’actions très fortes pour l'union des femmes dans l'audiovisuel ; ce qui serait si bien si cela pouvait arriver. Au niveau latino-américain, je n'ai pas vu d'union de femmes. J'ai travaillé avec une société de production argentine, mais il n'y a pas d'aide spécifique de la part des femmes.


En dehors de la question des femmes, nous avons en tant que pays un très fort accord de coproduction avec l'Argentine, la plupart des films que nous coproduisons sont avec l'Argentine ou l'Europe. Il semble inné de chercher une coproduction avec eux. Il y a aussi une très grande quête pour commencer à travailler avec la Bolivie ou l'Équateur. La possibilité de travailler dans des coproductions latino-américaines nous apporte beaucoup. Nous sommes unis par la situation politique que nous vivons, le manque de soutien à la culture dans les différents pays du continent. Nous cherchons à nous donner un coup de main pour que toutes les histoires soient racontées. Nous cherchons à nous entraider et à réaliser nos projets entre nous. Nous le faisons avec les femmes uruguayennes, également avec le Mexique, l'Uruguay, le Brésil. En fin de compte, quand j’y pense :  oui c’est entre femmes.


Tana Schembori

Paraguay

Productrice et Réalisatrice : 7 cajas (2012), Los buscadores (2017)

  

A propos de la place de la femme dans l’industrie cinématographique de son pays


Je pense que je suis l'une des premières réalisatrices du Paraguay. Quand j'ai commencé à faire de l'audiovisuel, j'étais dans un monde très macho, où le cinéma était fait par les hommes avec des concepts très machistes.


Le Paraguay est un pays très contradictoire, car c'est un pays qui a progressé grâce aux femmes, après tout ce qui s'est passé avec la guerre et les révolutions. Et en même temps, c'est la femme qui transforme le Paraguayen en macho, la femme a une responsabilité dans cette dynamique.


Il y a 20 ans, il était très difficile de penser qu’une femme puisse réaliser un film, c'était plus normal qu'elles soient en production. Je pense donc qu'en ce moment nous sommes beaucoup plus présentes. Les femmes sont plus conscientes de leurs capacités. C’est plus naturel pour la nouvelle génération. Pour elles, le chemin sera plus simple. Cela a beaucoup changé et il y a un respect pour la vision des femmes. Et il y a beaucoup de filles qui se forment maintenant à l'université pour travailler dans le cinéma. La femme a une sensibilité différente.

 

 

Verónica Cabañas

Paraguay

Actrice : El margen (2013)

Productrice : Crisis (2017)

 

A propos de la place de la femme dans l’industrie cinématographique de son pays


Les femmes sont vraiment partout. Au Paraguay, elles sont dans la partie technique, elles sont actrices et futurs réalisateurs en formation. Les femmes du cinéma paraguayen commencent à se découvrir elles-mêmes, à se rendre compte qu'elles ont beaucoup d'histoires à raconter, que les moyens existent et que c'est possible. Elle commence à se développer et à faire les premiers pas. On leur donne beaucoup d'espace, surtout dans la partie technique, il y a beaucoup d'ingénieurs du son, beaucoup de femmes qui se consacrent à la cinématographie, à la photographie. Pour dire vrai, le plus difficile est qu'un projet soit dirigé par une femme. Le regard des femmes est la prochaine étape pour le cinéma, que les femmes soient dirigées par des femmes. L'idéal serait d'avoir l'histoire d'une femme dirigée par une femme. Actuellement, il existe de nombreuses histoires de femmes mais racontées par des hommes.

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