Le renouvellement de la Chambre des Députés

Quelques implications pour la gouvernabilité et la démocratie

La journée électorale fédérale qui aura lieu au Mexique le 7 juin 2015 ne constitue pas seulement le renouvellement de la Chambre des Députés. Il s’agit d’une élection qui pourrait avoir des conséquences pour la gouvernabilité à court terme, mais aussi des implications pour la qualité de la démocratie sur le long terme.

La gouvernabilité : Les défis à court terme

Tout d’abord, les sondages publiés suggèrent que, encore une fois, les 300 députés qui seront élus à la majorité relative et les 200 à la proportionnelle devront prendre part à des alliances parce qu’aucun parti politique ne va obtenir la majorité des sièges au sein du Congrès. Cela s’inscrit dans une tradition inaugurée en 1997, quand le Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI) a perdu ce privilège.

En tout cas, l’ensemble des sondages montre que le PRI obtiendrait entre 30 et 36% des votes, ce qui rend probable le maintien de son ancienne alliance avec le Parti Vert Écologiste du Mexique (PVEM) qui pourrait lui apporter entre 9 et 11% des votes. Il faut souligner que le PVEM se bat pour rester la quatrième force politique, face au récent parti Mouvement de Régénération National (MORENA).  

Mais l’alliance déjà classique que l’incumbent va mettre en marche n’est pas la seule donnée importante dans cette élection. En termes de négociations et de concessions, la LXIIIe législature sera aussi très parlante sur la capacité (ou l’incapacité) de l’opposition à se constituer en contrepoids au parti du Président pendant la deuxième moitié de son administration. Les prochains députés d’opposition seront issus soit d’une gauche fragmentée, soit du Parti Action National (PAN) au sein duquel il reste beaucoup de conflits à résoudre. 

Le caractère plutôt belligérant de MORENA, le parti crée par Andrés Manuel López Obrador après sa rupture avec le Parti de la Révolution Démocratique (PRD), fait que la fragmentation de la gauche dans le rapport des forces partisanes au sein de la Chambre des Députés ne va pas de soi. Si les députés de MORENA ciblent l’alliance PRI-PVEM comme l’objet de leurs critiques, il est possible que le Président doive gouverner face à une opposition qui pourrait lui poser des problèmes. En revanche, si l’attention de MORENA se dirige plutôt vers le reste de la gauche, il sera très difficile pour l’opposition de jouer un rôle de contrepoids vis-à-vis du pouvoir exécutif.

Le reste des partis politiques s’inquiète pour obtenir au moins 3% des votes, le seuil minimum nécessaire pour être reconnu comme parti. Il faut mentionner que ceux qui resteront dans le paysage politique après le 7 juin seront les acteurs de l’élection présidentielle de 2018, car il n’y aura pas de possibilité d’enregistrer de nouveaux partis avant 2019.

Comme toujours, les alliances au sein du Congrès après l’élection de mi-mandat vont déterminer les conditions de gouvernabilité pour la fin de l’administration. De plus, cela sera déterminant pour les lois qui seront votées et celles qui seront bloquées. Dans la conjoncture actuelle cela n’est pas anodin si on considère tous les projets de lois visant à renforcer les institutions de sécurité et de justice, ainsi que les mécanismes anti-corruption qui ne sont pas encore résolus. 

Bien qu’on reconnaisse que l’enjeu de gouvernabilité propre à cette élection est cardinal, l’attention devrait être concentrée davantage sur les implications que l’élection pourrait avoir pour la qualité de la démocratie mexicaine sur le long terme.

La qualité de la démocratie : quels défis à l’avenir ?

L’élection du 7 juin sera l’occasion d’observer pour la première fois la portée et les limites de la réforme politico-électorale adoptée en 2014. À partir de cet amendement, l’Institut National Électoral (INE) devra intervenir dans certaines affaires qui ont été jusqu’à présent sous la responsabilité des Instituts électoraux locaux. Cela pourrait surcharger sa capacité d’organe technique et d’instance responsable de l’application des régulations et des sanctions, sans parler des dommages que subirait l’image de l’autorité électorale face aux électeurs. Par conséquent, l’INE est obligé de mettre en œuvre toutes ses capacités techniques et politiques pour remplir sa mission de la meilleure façon possible. En cas d’échec, nous aurons une autorité électorale très faible pour l’élection présidentielle de 2018.

Les campagnes électorales n’ont pas montré une autorité électorale immunisée aux attaques ni aux griefs et autres scandales qui ont impliqué les acteurs politiques pendant la période électorale. Mais il est possible que, en raison de la réforme, le plus grand défi pour l’INE survienne après la journée électorale parce que la réforme évoquée plus haut a envisagé la possibilité d’annuler les élections si un candidat dépasse la limite des dépenses autorisées pendant la campagne électorale ou achète des emplacements dans les médias ou encore finance sa campagne par le biais de ressources illicites. 

L’annulation sera possible si les plaignants arrivent à montrer qu’il s’agit de violations graves, intentionnelles et déterminantes pour le résultat. La dernière condition sera présumée si la différence entre le vainqueur et celui qui obtient la deuxième place est de moins de 5%. Bien sûr, cela représente d’abord un grand défi pour une autorité qui devra montrer une capacité remarquable de fiscalisation des finances des partis politiques et de mise en œuvre des sanctions correspondantes.

Même si une élection contestée n’est pas annulée, le litige à lui seul pourrait miner la légitimité de cette élection en particulier, et – c’est encore plus important – le fait de se rendre aux urnes en général. Cela serait le cas si les conflits postélectoraux s’institutionnalisent et si la demande d’annulation s’inscrit dans le répertoire des stratégies de campagne des partis politiques. 

L’éventuelle institutionnalisation du conflit électoral pourrait inhiber la participation dans les urnes si cela se traduit par un discrédit du système partisan. Tout ceci vient s’ajouter au fait que la période de campagne a été caractérisée par une série de scandales de corruption et de conflit d’intérêts. Étant donné que les scandales n’ont pas été le fait d’un seul parti mais que presque tous ont été impliqués, il est prévisible que le très faible niveau de confiance de l’opinion publique envers les partis politiques ne s’améliore guère. 

Il y a, par ailleurs, d’autres éléments qui contestent directement le système partisan tel qu’il existe actuellement. Par exemple, la campagne de promotion du vote blanc. Il y a un cercle de personnalités influentes et disposant  d’assez de présence dans les médias nationaux qui encourage les électeurs indécis à voter blanc. Ils arguent qu’il s’agit de la meilleure manière de punir les partis politiques pour leur corruption généralisée. C’est vrai qu’il s’agit d’un débat présent dans les préoccupations d’un groupe restreint et minoritaire, mais il a occupé une partie importante des espaces médiatiques d’analyse électorale.

Au delà de la gouvernabilité, l’élection pourrait aussi être importante en termes de la qualité de la démocratie. Certains auteurs considèrent que « la qualité de la démocratie » est l’capacité de profiter de l’attribut essentiel de ce régime politique, à savoir, la réglementation des mécanismes d’accès au pouvoir. Il est, donc, évident l’importance de la participation citoyenne et du vote (Altman et Pérez Liñán, 2002). Une autorité électorale affaiblie, des procéssus électoraux systématiquement contestés et un système partisan mis en question en raison de la corruption et du manque de confiance, semblent des raisons suffisants pour prévoir une certaine aboulie et dépolitisation parmi les électeurs. Autrement dit, cela compromettre la qualité de la démocratie.

Cependant, la notion de « qualité de la démocratie », élément central des analyses contemporaines sur les démocraties de la région, a été élargie pour mettre l’accent non seulement sur la qualité des mécanismes d’accès au pouvoir mais aussi sur les objectifs et les résultats qu’on entend tirer d’un régime, autrement dit, sur les mécanismes de contrôle de l’exercice du tel pouvoir (Barreda, 2011). Si les électeurs déçus du système partisan ne deviennent pas apathiques mais, au contraire, ils restent politisés, ils pouvaient même instituer des mécanismes alternatifs de mobilisation et de contrôle de l’exercice du pouvoir. Dans l’immédiat, nous aurons pour la première fois des candidats indépendants qui commencent à jouir d’une certaine importance au niveau local, mais il va falloir rester attentifs aux transformations suscitées en marge du système partisan et qui pourraient contribuer à améliorer la qualité de la démocratie mexicaine sur le long terme.

María Teresa Martínez

Références

ALTMAN, David et PÉREZ-LIÑÁN, Aníbal,  « Assessing the Quality of Democracy: Freedom, Competitiveness and Participation in Eighteen Latin American Countries », Democratization, Vol. 9, No.2, pp. 85-100, 2002.

BARREDA, Mikel, « La calidad de la democracia : Un análisis comparado de América Latina », Política y Gobierno, Vol. 18, No. 2, pp. 265-295, 2011.


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