IIème partie : Les collèges britanniques et l’adaptation de la communauté à un nouveau contexte

Écrit par Claire Bénard, Alice Martin-Prével et Marie-Aimée Prost.

« Dans l'enfant vit déjà l'homme futur » affirmait le poète William Wordsworth comme pour souligner l'importance de l'éducation dans l'avenir d'une société. En effet, les établissements scolaires sont un lieu de transmission du savoir, des valeurs et de la culture. Ainsi, lorsque la communauté britannique s'installe dans le port de Valparaíso, elle s'organise pour fournir aux jeunes générations une éducation similaire à celle dispensée au Royaume-Uni. Une étude de l'héritage britannique à Valparaíso ne peut donc pas se passer d'une analyse du rôle des établissements scolaires dans la transmission de la mémoire et dans l'évolution de la communauté.

Au cours des XIXe et XXe siècles, les écoles britanniques se sont multipliées. Une partie a cessé d'exister mais dans la région de Valparaíso, 4 fonctionnent encore à l'heure actuelle. Sans reconstituer l'histoire exhaustive de chaque établissement scolaire britannique - exercice laborieux et sans intérêt - il s'agit ici de déterminer les dynamiques actuelles de ceux qui restent actifs. En effet, au moment de leur création, ces institutions rassemblaient la communauté, elles portaient et elles transmettaient une identité britannique. Cependant, avec le temps, le contexte social évolue puisque la communauté tend à s'intégrer à la société chilienne et à diminuer en nombre. La langue se perd et la culture s'enchevêtre avec celle du pays d'accueil. Les écoles doivent s'adapter à ces changements, se conformer aux réformes nationales et changer leurs politiques en fonction du public qu'elles accueillent. Pourtant, toutes gardent et affichent l'étiquette britannique en prônant l'importance de la langue et des valeurs de la Grande Bretagne.

 Dans quelle mesure, donc, les institutions scolaires créées par les migrants britanniques sont-elles encore des vecteurs de transmission du patrimoine de cette immigration?

Notre premier point de vue sera historique. Cela nous permettra de comprendre l'évolution des établissements et de l'éducation britannique au Chili. Nous verrons ensuite que bien que les écoles s'attachent à conserver leur identité britannique, de nombreuses difficultés les obligent  à s'adapter à leur public. De même, leur patrimoine britannique perd de sa dimension historique en se pliant aux enjeux du monde d'aujourd'hui.

I. Origine et évolution de l'éducation britannique à Valparaíso

a.     L'éducation britannique à travers l'histoire de la Mackay School

Dès les années qui suivent l'indépendance, des éducateurs britanniques arrivent au Chili et des congrégations religieuses se chargent d'éduquer les jeunes générations. Cependant, la croissance de la communauté britannique au cours du XIXe siècle, accélérée par la révolution industrielle, rend nécessaire et urgente la mise en place d'écoles.

La plus ancienne institution scolaire britannique qui fonctionne encore actuellement date de 1857 : c'est la Mackay School et il convient de rappeler l'histoire. Elle est fondée par l'écossais Alexander Balfour mais les noms de Peter Mackay (comme premier directeur), George Sutherland (assistant de Mackay) et George Robertson (successeur de Mackay) resteront comme ceux des fondateurs puisqu'ils créèrent l'identité de l'institution.

Mackay

L'école commence sous le nom de Artizan School (1857-1877) car elle se destine aux enfants britanniques des classes les plus basses, notamment des familles d'artisans écossais qui travaillent dans le chemin de fer. Les frais d'entrée dans l'école sont donc peu élevés et l'école bénéficie de l'aide financière des maisons commerciales.

Dans les années 1870 s'opèrent plusieurs changements d'orientation : on ouvre la première classe comprenant des élèves chiliens non anglophones ; l'école change de nom pour s'appeler English School traduisant ainsi une baisse de l'importance accordée à l'éducation des enfants des classes défavorisées. Au niveau pédagogique, l'école évolue également. A l'origine l'éducation britannique se caractérisait par son pragmatisme: les jeunes étaient formés dans le but d'intégrer plus tard ces grandes entreprises qui soutenaient financièrement la Mackay School. A la fin des années 1870 paraît une nouvelle déclaration de principe selon laquelle il faut « donner aux enfants britanniques et nord-américains une éducation aussi bonne que celle dont ils auraient bénéficié dans la mère patrie »

En 1877, l'histoire de l'école connaît un nouveau tournant. Thomas Sommerscales, professeur de dessin de l'école et artiste reconnu à Valparaíso, refuse de prier au début de ses cours. Le conflit conduit Sommerscales à quitter le collège suivi par Mackay et Sutherland - pourtant religieux. Ils s'unissent pour former la « Mackay and Sutherland School » qui deviendra à la mort de Peter Mackay, la « Mackay School » afin de lui rendre hommage. George Robertson prend la direction de l'école qui connaît de nombreuses évolutions : d'une part le développement d'activité extrascolaires (scoutisme, sport, musique...) encore importantes à l'heure actuelle, d'autre part l'adaptation aux premières lois chiliennes qui touchent aussi l'éducation privée. Pendant la Première Guerre Mondiale, de nombreux élèves et professeurs partent combattre ce qui affaiblit l'école. George Robertson réussi à la faire survivre mais rentre en Ecosse en 1928 pour jouir d'un repos bien mérité. L'école ferme pendant 10 ans avant de rouvrir sous l'influence d'anciens élèves.

Les époux Robertson reviennent à Valparaíso pour reprendre la direction de l'école. Au niveau pédagogique, les contraintes gouvernementales sont de plus en plus importantes et le collège doit employer des professeurs chiliens pour préparer les élèves aux examens d'entrée à l'éducation supérieure chilienne. Cependant, une emphase particulière est mise sur l'excellence en anglais de tous les élèves, qu'ils soient descendants ou non. Quant aux cours de religion, ils se font en fonction de la confession de l'élève.

On voit donc que la Mackay School a considérablement évolué depuis sa création : elle était à l'origine une réponse pragmatique à un besoin de formation, elle est devenue une école de prestige transmettant la culture britannique et elle s'est ouverte et adaptée à son environnement pour accueillir 1040 étudiants. L'histoire de la Mackay School montre bien les différentes étapes de l'évolution de l'éducation britannique à Valparaíso. Cependant, les autres écoles auxquelles nous allons nous intéresser dans la suite de cet article ont chacune leur parcours et leur intérêt qui mérite d'être explicité.

b.     La Saint Peter's School, une institution familiale.

Le Collège Saint Peter's est institué à Villa Alemana en 1918. Si l'on considère la réouverture de la Mackay comme sa fondation, Saint Peter's est donc la plus vieille école britannique fonctionnant actuellement. Elle est créée afin de préparer ses élèves à entrer dans les universités britanniques outre-Atlantique. A ce titre, Saint Peter's est le seul collège britannique d'Amérique latine à faire partie de la « Association of Preparatory Schools of England ». Ainsi, 2 ans après sa création, il rassemble 44 étudiants, fils des colonies britanniques chiliennes mais aussi péruviennes, argentines et boliviennes. 

Saint_Peters

L'éclatement de la Seconde Guerre Mondiale influence l'orientation de l'école : les élèves ne peuvent plus continuer leur études supérieures en Grande Bretagne et Mr. Edmund Swinglehurst, directeur de l'époque, décide d'adopter le plan d'étude Officiel de l'enseignement chilien. Mr. Douglas R. Wilkins, père de l'actuel directeur, prend la tête de l'établissement. Cette même année, le collège change de religion pour devenir catholique (car Wilkins est catholique) et commence un déménagement progressif vers Viña del Mar. A la mort du directeur en 1955, c'est son épouse qui assume cette responsabilité, elle est elle-même succédée en 2003 par son fils.

La singularité de cette école réside dans sa longue tradition familiale. Cela permet une meilleure continuité des valeurs et de l'identité du collège puisque la transmission de la mémoire de l'institution se fait d'homme à homme depuis 1945. Ainsi à l'heure actuelle James Wilkins s'attache à entretenir les valeurs catholiques dans la vie quotidienne du collège mais aussi l'excellence académique et le bilinguisme qu'avait instauré son père.

c.      Saint Paul's School, l'excellence académique et la tradition religieuse

Le Révérend John Hermans est le pasteur des Eglises Saint Paul's et Saint Peter's de Valparaíso et Viña del Mar en 1939. Il a déjà participé à la fondation d'un établissement scolaire à Concepción. Quand le British Council propose l'idée de fonder un établissement - pour renflouer les caisses de l'Eglise - John Hermans y voit une bonne opportunité de diffuser une éducation chrétienne et s'enthousiasme pour le projet. C'est ainsi que débute le Colegio Saint Paul's en 1940.

Saint_Pauls

Cet établissement est d'abord uniquement réservé aux garçons et fonctionne comme une école anglaise. A la suite de la direction des Hermans, l'école connaît un futur incertain car les Hermans peine à trouver un repreneur. Un particulier rachète finalement les bâtiments et Peter Wood et son épouse prennent la tête de l'école. A cette époque le collège n'est pas encore propriété de l'Eglise Anglicane du Chili mais les liens sont très forts, au niveau pédagogique d'abord mais aussi matériel - surtout quand une partie de l'école est détruite par un tremblement de terre.

En 1968 Margaret Lutley reprend le poste de directrice et opère plusieurs changement fondamentaux pour faire reconnaître l'école: d'abord en répondant aux exigences gouvernementales des examens de fins d'année et ensuite en s'assurant de la reconnaissance chilienne de la qualification des professeurs. Quand elle prend sa retraite en 1980, l'école est transformée : il ne s'agit plus d'une petite école préparatoire anglaise mais bien d'un collège chilien reconnu et offrant une formation de la maternelle à la terminale que suivent 655 étudiants.

Pendant cette période aussi, l'Eglise Anglicane du Chili devient propriétaire du Collège et s'engage à fournir des professeurs missionnaires pour maintenir l'approche chrétienne et l'enseignement intensif de l'anglais. C'est en 1978 que le projet se concrétise et à l'heure actuelle, la religion conserve une place importante dans la vie de l'établissement, s'imposant comme un pilier de son projet éducatif.

d.     Une école pour fille : le Saint Margaret's

Il était de tradition que les jeunes filles britanniques aillent à l'école allemande. En effet, dans le début du XXe siècle, il y avait peu de collèges britanniques et tous étaient réservés aux garçons. Cependant avec la seconde guerre mondiale, certains se montrèrent réticents à inscrire leur fille à l'école allemande.

En janvier 1941, 30 résidents britanniques se réunissent afin de créer un établissement scolaire qui éduquerait ls jeunes filles de la communauté dans la culture britannique afin d'en faire des citoyennes capables d'assumer des responsabilités sociales. Le collège ouvre ses portes en mars 1941 pour 64 élèves sous la direction de Mme Hermans, femme du fondateur et directrice de Saint Paul's. 

st._margarets

A l'heure actuelle le Saint Margaret's est un grand établissement qui regroupe 905 étudiantes mais il reste très attaché à son passé, fidèle aux valeurs dans lesquelles il a été crée. C'est d'ailleurs le seul collège avec le Mackay à conserver sa tradition de non mixité. Nous allons approfondir la survivance de ce passé à travers la vie actuelle des établissements dans partie suivante.

II. Tentatives de survivance de la culture britannique

a.     L'héritage britannique dans la vie des collèges

Mathématiquement on constate que le nombre d'élèves dans les collèges britanniques a augmenté depuis leur création alors que celui des membres de la communauté n'a fait que diminuer depuis la Première Guerre Mondiale. On ne peut donc douter de l'ouverture des collèges et de la perte corrélative d'une part de leur identité britannique. Cependant un héritage britannique notable subsiste à travers les institutions.

D'abord, il y a une volonté explicite de mémoire de la culture britannique. Lors des célébrations importantes organisées par la collectivité britannique, les collèges envoient une délégation d'élèves. C'est notamment le cas pour l'anniversaire de la Reine et la célébration de l'armistice à l'Eglise Anglicane qui rassemblent les institutions britanniques de la région. Ces événements sont parfois célébrés au sein même du collège si bien que les vestes des élèves de Saint Peter's se voient ornées du traditionnel coquelicot en papier que les Britanniques portent pendant la semaine du 11 novembre pour commémorer les morts de la guerre. La Mackay y la Saint Margaret's Schools conservent la tradition des danses écossaises pour les célébrations. Le Collège Saint Paul's fait préparer à ses élèves un travail pour le British Day et fait chanter l'hymne britannique à chaque événement officiel. Enfin, la semaine du Pays de Galle ne passe pas inaperçue au Mackay.

Ensuite, les collèges conservent au quotidien des valeurs qu'ils ont hérité de leurs fondateurs britanniques : dans plusieurs interviews la discipline a été évoquée, ainsi que les valeurs bibliques - qu'elles soient anglicanes ou catholiques - le respect des lois et des hiérarchies. D'autre part, les écoles fonctionnent sur le système des établissements britanniques avec la séparation des élèves dans différentes Houses. Au Saint Margaret's les élèves appartiennent à l'une ou l'autre des Houses dans lesquelles s'élisent des Prefetsayant un leadership sur les autres élèves. Le Collège Saint Peter's, sans y mettre el nom de House divise ses élèves en deux groupes, un Green et l'autre White qui s'affrontent lors dès compétitions sportives ou des événements culturels.

Dans tous les collèges britanniques le sport occupe traditionnellement une place importante. Il est vu en effet comme un facteur de bonne forme physique mais aussi comme une leçon de fair-play et de respect règles et des personnes. On peut affirmer que l'accent mis sur l'activité physique et la compétition sportive est un héritage britannique significatif car ce sont les immigrants britanniques qui importèrent de nombreux sports au Chili notamment par l'intermédiaire des écoles. La Mackay School fut d'ailleurs un des premiers lieux de pratique du cricket. Elle est aussi considérée comme le berceau du football chilien pour avoir fait naître la première équipe reconnue en tant que telle et pour avoir formé quelques uns des premiers footballers professionnels.

Anciennement les collèges étaient anglophones et la pratique de l'espagnol au sein de l'établissement était réprimée. A l'heure actuelle, la situation a beaucoup changé puisqu'en moyenne moins de 5% des élèves parlent anglais chez eux. Cependant, tous les collèges gardent une volonté de transmettre la langue grâce à un enseignement bilingue dans les classes maternelles et primaires et/ou par des heures supplémentaires d'enseignement dans les classes secondaire - dans tous les établissements. Ils font d'ailleurs certifier le niveau de langue de leurs élèves par les examens de Cambridge - notamment le First Certificate of English en dernière année.

Enfin, la transmission de la culture britannique passe par la mémoire de l'histoire de l'institution et surtout de son origine. Il y a un effort effectif des directions des collèges : pour ses 150 ans, le Mackay commande la publication d'un livre relatant précisément l'histoire de Valparaíso et du Collège. Le livre sera offert à toute la promotion sortant du Collège cette année là ; chaque année, le Collège Saint Peter's célèbre son anniversaire pendant toute une semaine, montrant l'importance de se souvenir de la naissance de l'institution. Par ailleurs, John McGregor, inspecteur du collège Mackay et ancien élève explique que les élèves s'intéressent à cette histoire : "Yo creo que sí, cuando yo hablo de lo que había antes, de lo que se hacía, cuento algunas anécdotas, sí se interesan. Creo que es vital que eso se mantenga."

 b.     Un effort commun : l'association des écoles britanniques (ABSCH)

Il y a une institution à laquelle tous les interviewés ont fait référence quand le thème de la transmission de la culture britannique a été évoqué : la Association of British Schools of Chile. Cette corporation est née le 25 novembre 1977 à l'initiative de 7 collèges d'origine britannique. Ceux-ci cherchaient un moyen de renforcer leurs établissements, d'élever leurs standards et de favoriser les échanges entre institutions qui partageaient des valeurs héritées de leur passé britannique. L'association compte maintenant 19 membres - dont les 4 étudiés dans ces pages - qui remplissent certaines conditions dont celles d'avoir une origine britannique, un directeur parfaitement anglophone, un certain nombre d'heures de cours dans la langue et des traditions britanniques visibles dans la vie de l'institution.

Le siège se trouve à Santiago où se réunissent les directeurs représentant chaque collège. C'est le centre politique où ils élisent un bureau qui change tous les ans. C'est aussi le centre financier qui regroupe les fonds provenant exclusivement des établissements membres - aucune aide du British Council, de l'ambassade ou du gouvernent chilien. C'est au cours des réunions regroupant tous les membres que se décide le calendrier de l'année.

L'association remplie deux types de fonctions. D'une part, la mise en commun des techniques et expériences pédagogiques par des stages de formation pour les professeurs, parfois avec des instructeurs britanniques. D'autre part, ce regroupement d'école est un moteur d'échange entre les établissements puisque chacun d'entre eux doit accueillir au moins un événement sportif ou culturel au cours de l'année.

Sans que la transmission de la culture britannique soit explicitée comme une priorité par l'association, les interviewés le ressentent ainsi. En effet, cette association traduit une volonté de donner une orientation commune à tous les collèges. Or ce sont justement leur origine et leurs valeurs britanniques qui les relient - plus que leur fonctionnement ou leur gestion car on a vu en première partie que les 4 que nous étudions présentent de nombreuses différences. D'ailleurs, on retrouve l'importance accordée au sport mais aussi à l'anglais et à la culture britannique dans certains événements culturels.

abschNéanmoins, il ne faut pas surévaluer le rôle de ces échanges entre collèges britanniques dans la survivance de l'héritage. En effet, les collèges se voient confrontés à une réalité très différente de celle du XIXe siècle et, s'ils exploitent leur héritage en cohérence avec le monde actuel ils y perdent aussi un peu de leur identité originale.

III. Une forte dynamique d'adaptation des collèges à leur public

 a.     Les difficultés dans la transmission de l'héritage

Quand ces collèges ont débuté, tous les membres de l'administration étaient britanniques et tous les élèves fils de Britanniques. La transmission de la culture passait donc à la fois par le foyer familial et par l'école. Le tableau suivant montre l'évolution du nombre de descendants en nombre et pourcentage au sein de la Mackay School.

 

Origine des élèves de Cuarto Medio de la Mackay School 1958-1972-2002
  Descendant Non-descendant total %
1958 5 8 13 38,46153846
1972 13 30 43 30,23255814
2002 12 127 139 8,633093525

 

La diminution drastique ne fait donc aucun doute et elle mène à ce que les descendants soient une partie marginale de la population de l'école. Le même type de tableau a été élaboré pour la Saint Peter's School, à la différence que les chiffres ont été établis sur 2 ans en faisant une moyenne, pour plus de précision : 

 

Descendance des étudiants de terminal de la Saint Peter's School(moyenne sur 2 années)
  2 parents 1 parent Chilien/autre total %
1941-1942 4,5 1,5 1 7 85,71428571
1971-1972 0,5 6 20 26,5 24,52830189
2001-2002 0 4 20 24 16,66666667

 

Là encore, la diminution est drastique. Les chiffres pour le Saint Margaret's et le Saint Paul's ne sont pas disponibles mais ils auraient très certainement confirmé cette tendance qui traduit une intégration de la communauté britannique à la population chilienne et l'ouverture des collèges. Ainsi les traditions et la culture britannique ont perdu de leur force et de leur sens dans la société et au sein des foyers familiaux des élèves. Il est donc difficile - et insensé - de chercher à conserver une enclave culturelle britannique telle qu'elle existait au Chili vers la fin du XIXe ou le début du XXe. Eduardo Reyes, professeur de religion à la Saint Paul's School l'explicite : "En este sentido el colegio no es un colegio de costumbres y tradiciones que no tengan mayor sentido porque los chicos tienen que vivir en la sociedad de hoy y no la de hace setenta años."

 L'autre option serait de faire reconnaître ces institutions par le gouvernement britanniques en tant que partie d'un système d'éducation britannique à l'étranger. Cependant, cette manière d'actualiser la culture britannique serait un changement fondamental de politique et impliquerait un revirement radical pour les collèges. Si la Scuola Italiana a choisi cette voie, on peut également comprendre que les collèges issus de l'immigration optent plutôt pour l'intégration. En outre, cela suppose pour le Royaume-Uni de débloquer des fonds considérables - subventions, envoi de professeurs, remaniement des programmes - qu'il pourrait utiliser pour d'autres priorités.

Enfin, ce qui a accéléré la perte de l'identité britannique, ce sont les lois chiliennes qui ont commencé à toucher l'enseignement privé dès le début du XXe siècle. Ayant décidé de faire partie de l'éducation chilienne et non de l'éducation britannique à l'étranger, les établissements se sont donc pliés aux exigences gouvernementales. Cela a conduit par exemple à ce que les programmes d'histoire traitent du Chili - sauf dans les petites classes où les exigences académiques sont plus faibles - et à ce que la place de l'anglicanisme diminue. Fort de ces données, les collèges se sont adaptés à ce contexte.

b.     Des changements de politiques

Tout d'abord, l'enseignement de l'anglais a progressivement changé d'orientation. Avant, il s'agissait de parler un anglais parfait, égalant le niveau d'un anglophone natif. En effet, cet objectif était en cohérence avec l'usage - familial ou professionnel - que les élèves aurait de la langue. Aujourd'hui, les exigences en anglais ont changé puisqu'il s'agit de parler un anglais international, intelligible avec un niveau reconnu par les examens de Cambridge. John McGregor, dont la mère est anglaise et le père descendant écossais parle de son expérience : « En realidad todo el mundo debería hablar inglés es casi a must en todo los países, como secundo idioma. De ahí la política es saber inglés pero no importa como se pronuncia, entonces, el inglés es una herramienta, no es una lengua materna »

Cela se traduit aussi par la naissance de programme d'échange qui n'existaient pas auparavant : le Saint Margaret's les organise par exemple à travers l'association des Collèges Queen Margaret qui regroupe 17 établissements anglophones en Nouvelle Zélande, à Singapour, en Angleterre, en Ecosse et en Australie.

Au Chili, il n'y a pas d'examen national qui valide les années d'études secondaires. Les élèves qui valident leur dernière année sortent de l'établissement et passe un examen qui leur permet d'entrer à l'université. La plupart des collèges britanniques préparent au Baccalauréat International pour acquerir une reconnaissance internationale. Ainsi, les portes des universités étrangères - notamment britanniques - s'ouvrent à ceux qui ont usé les bancs des collèges hérités de l'immigration britannique.

Enfin, un dernier élément prouve que les établissements d'origine britannique ont évolué avec leur temps : ils ne portent plus un regard admiratif vers la mère patrie et l'immigration est traitée comme un phénomène historique dans lequel les élèves ne s'identifient plus. Sans renier leur passé, les établissements lui donnent une dimension historique au lieu du lien personnel qui existait à l'origine.

Face à l'intégration de la communauté britannique et à la décroissance du nombre de ses membres, les collèges ont eu à s'adapter. Ils n'ont pas choisi la voie de la chilénisation comme le Sporting Club - qui n'a plus de britannique que le nom - mais ils n'ont pas choisi non plus de se faire reconnaître par le système éducatif britannique. Ils se sont engagés sur un chemin intermédiaire de conservation de certaines traditions, par respect pour leurs fondateurs et pour l'origine de leur établissement. D'autre part, ils exploitent leurs liens avec le Royaume-Uni dans une forme beaucoup plus actuelle et en adéquation avec leur environnement.

Cette attitude contraste avec celle de l'Eglise anglicane. En effet, l'Eglise Saint Peter's est encore un lieu de rassemblement de la communauté britannique. Les messes y sont célébrées en anglais, la communauté diminue et vieillie ce qui annonce, sans aucun doute, disparition dans un futur relativement proche. Elle est d'ailleurs déjà remplacée par l'Eglise San Pedro où le pasteur officie en espagnol. Cette dynamique d'incorporation d'une part de culture britannique au Chili fera l'objet de la troisième partie sur la communauté britannique.

BIBLIOGRAPHIE

 I-              Livres 

  • CASTAGNETO, Piero. "The Mackay School" - livre édité pour les 150 de l'école.
  • EDUNDSON William. A history of the British presence in Chile. From Bloody Mary to Charles Darwin and the decline of British influence, Palgrave Macmillan, 2009
  • Jones Swinglehurst Kenneth. Del Eden al valle de paraíso, la historia de la familia Jones Swinglehurst, Santiago, LOM editions, 2009.

 II-            Articles 

  • BOWES Sir Leslie. "Some British activities in Valparaíso, past and present", The British Commonwealth society of Valparaíso.
  • CASTAGNETO, PIero. "El deporte en el colegio Mackay"
  • COLLINS, Esteban. "Los británicos y la educación"
  • PRAIN BRICE, Michelle. "Presencia británica en el Valparaíso del siglo XIX: la colonia británica en Chile", Revista Archivum.

 III-          Webographie 

 IV-           Entretiens 

  • Carol Faille, chargée de relations publiques et ex-élève du Collège Saint Margaret's.
  • Jennifer Phillips, administratrice du Collège Saint Paul's.
  • John McGregor, inspecteur et ex-élève du Collège Mackay.
  • James Wilkins, directeur du Collège Saint Peter's.

 V-             Archives 

  • Archives des élèves du Collège Mackay en 1958, 1972 et 2002.
  • Archives des élèves du Collège Saint Peter's en 1941-1942, 1971-1972 et 2001-2002.
 

Cité par Piero Castegnato dans The Mackay School's, livre publié à l'occasion du 150e anniversaire de l'institution.

"Moi je crois que si, que quand je parle de ce qu'il y avait avant, de ce qui se faisait, que je raconte quelques anecdotes, oui, ça les intéresse. Et je crois que c'est vital que cela se maintienne", John McGregor, inspecteur du collège Mackay, le 20 octobre 2010.

"En ce sens le collège n'est pas un collège de coutumes traditions qui n'auraient pas beaucoup de snes parce que les enfants doivent vivre dans la société d'aujourd'hui et pas dans celle d'il y a 70 ans." Eduardo Reyes, professeur à Saint Paul's, le 5 novembre 2010. 

"En réalité, tout le monde devrait savoir parler anglais, c'est presqu'un must dans tous les pays comme seconde langue. De là, la politique es de savoir parler mais peu importe la prononciation, alors l'anglais es un outil, ce n'est pas une langue maternelle", John McGregor, inspecteur et ex élève du collège Mackay, le 20 octobre 2010.

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