QUELQUES ACTIONS QUI VALENT LE DÉTOUR
Nicolas Robin : « Une de nos usines achemine ses produits par chemin de fer depuis 40 ans. La ligne affrète plus de 300 trains par an, soit l’équivalent de 12 000 camions. Face au mauvais état des voies de notre usine vers le nœud ferroviaire principal, SNCF Réseau envisageait de fermer cette portion de voie. J’ai travaillé pendant près de 4 ans avec SNCF Réseau, le Conseil départemental, le Conseil régional, l’État, les communes et la sous-préfecture pour trouver une solution innovante dans le mode opératoire pour effectuer les travaux de réparation et dans son mode de financement. En mars 2016, nous avons finalement réussi à parvenir à un accord financier, le premier de son genre sur la France pour les voies de fret. Avec le soutien de la sous-préfète, j’ai réussi à convaincre nos interlocuteurs de l’intérêt pour le territoire du maintien de cette voie de fret. Nos arguments principaux reposaient sur les enjeux environnementaux, le maintien d’un savoir-faire verrier plus que centenaire dans la région, le risque d’une perte de compétitivité et ses répercussions potentielles sur l’emploi (500 emplois directs et indirects). Mais pas question de faire du chantage à l’emploi ! Nous avons travaillé dans un esprit de dialogue et de recherche de solution, en étudiant et en expliquant les réalités impactées. »
Françoise Grossetête : « En 2003-2004, des associations de parents d’enfants malades et la société savante des pédiatres sont venues me parler des médicaments pédiatriques. Jusqu’alors, il n’y avait pas de soutien à la recherche dans ce domaine. Pour soigner les enfants, on divisait simplement les dosages des médicaments pour adultes en fonction du poids, de la taille et de l’âge de l’enfant. Or, le métabolisme d'un enfant diffère de celui d'un adulte. Les enfants ont donc besoin d'une forme pharmaceutique spécifique non seulement pour qu'elle soit mieux tolérée, mais également plus efficace et plus sûre. Ces acteurs m’ont poussée à faire pression sur la Commission européenne pour qu’elle mette en place une proposition législative pour soutenir la recherche dans le domaine pédiatrique.
Autre exemple sur un texte imposant des études d’impact environnemental pour tout projet d’infrastructure. J’ai été contactée par des élus locaux de petites stations de ski ou de petites communes de bord de mer dépourvues de moyens importants. Ceux-ci sont venus m’alerter sur leur situation pour me demander plus de flexibilité, faute de quoi ils ne pourraient plus jamais lancer le moindre projet de développement. J’ai réalisé qu’il était effectivement inconcevable d’imposer les mêmes contraintes à ces petites communes qu’à une métropole comme Nice ou Marseille. Nous avons ainsi réussi à modifier le texte. Je n’y aurais pas pensé par moi-même. »
A L'HORIZON : LE LOBBYING, TRANSFORMÉ PAR LE DIGITAL ?
Pour Nicolas Robin, avec le digital, l’accès à l’information est facilité. Les débats européens peuvent aujourd’hui être suivis en direct. Toutefois, les décideurs publics sont aujourd’hui noyés sous ces innombrables informations et reçoivent des centaines d’e-mails par jour. Paradoxalement, la transformation numérique provoque un retour aux fondamentaux de la relation personnelle et de confiance. Il est plus que jamais nécessaire de se positionner comme un interlocuteur fiable.
Alexandra Laferrière estime que le lobbying est avant tout la maîtrise de l’information. Or, l’information stratégique pour l’entreprise et ses clients est l’information grise, celle du décideur qui est plus difficile à obtenir. Pour peser, il faut rester sur des stratégies ciblées, prendre du temps, s’investir humainement.
Françoise Grossetête ajoute : « Le digital ne remplace absolument pas le contact humain mais c’est un outil de plus qui permet d’obtenir très rapidement toutes les positions des parties prenantes, et de renforcer la transparence du métier. »