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01.07.2021

Portrait d'Armand Koestel, alumni

Rencontre avec Armand Koestel, directeur de l’habitat privé chez Grand Paris Aménagement et DIPLÔMÉ DU CyclE D'URBANISME EN 2010.

Propos reccueillis par Amélie Calafat et Tanya Sam Ming de l'association Sciences Po Urba.

Peux-tu retracer ton parcours avant le Cycle d’urbanisme (formation d’origine, parcours personnel et professionnel) ?

Je suis directeur de l’habitat privé chez Grand Paris Aménagement. J’ai commencé par un parcours pluridisciplinaire en école d’ingénieur. En sortant de là, on peut donc tout faire mais j’étais particulièrement intéressé par le domaine de la construction et de la conception. Ainsi, je suis rentré dans un cabinet d’architecture parisien pendant 1 an, à la fois pour faire de la gestion d’entreprise et du suivi sur des sujets très transversaux comme ceux du développement durable et de l’urbanisme.

Quels cheminements t’ont conduit à ce master il y a dix ans déjà ? Pourquoi as-tu choisi de faire le Cycle d’urbanisme ? Dans quels objectifs ?

Entre les projets d’architecture et ceux d’urbanisme, j’ai pris la mesure de mon intérêt pour l’urbanisme mais aussi pris la mesure des lacunes qui me restaient à combler… J’ai compris qu’il fallait un savoir théorique pour pouvoir pleinement se lancer dans ce domaine. De plus, on était en 2008, en plein début de crise, donc c’était un moment particulier pour commencer à travailler.

En arrivant au Cycle, j’avais donc un besoin en apport théorique mais aussi le besoin de mieux comprendre le jeu d’acteurs et de mieux appréhender les politiques publiques. Un ancien camarade de promotion qui avait fait le Cycle, me l’avait conseillé. Et j’attendais aussi une autre forme d’enseignement avec des profils variés. C’est une des particularités de cette formation, que Michel Micheau avait mis en place. Il était attaché à la diversité des profils et des regards. Le format, en une seule année, me donnait également envie. J’ai postulé et j’ai été pris !

Le Cycle d’urbanisme en 2009-2010, c’était comment ? Peux-tu nous raconter un souvenir de tes études ?

C’était dans le 13ème arrondissement déjà, et c’était une année bien intense ! On avait deux voyages et on avait commencé par une ouverture au Havre puis à Hambourg, deux belles séquences.

Une autre séquence marquante avait été celle du Mini-PU, avec un mélange de fatigue, de stress, assez grisant, que je retrouvais quand j’avais été en agence, animé par Patricia Pelloux et Jean-Marc Bichat, que je recroise dans mon travail, d’ailleurs.

Peux-tu nous raconter ton parcours après ta sortie du Cycle ?

J’ai clairement identifié ce que je voulais faire avec le Cycle : de l’aménagement public avec une véritable volonté de mettre en œuvre des politiques publiques. La position de l’aménageur, qui pense le fait urbain et fait le lien avec la mise en œuvre, m’apparaissait comme le plus intéressant. On ne fait pas toujours tout ce qu’on voudrait, bien sûr, mais être du côté “faiseur” a quelque chose de très grisant. Par ailleurs, on est amené à croiser beaucoup de gens, dans des champs d’intervention très différents, dans la continuité de mon parcours pluridisciplinaire.

Je suis donc entré à l’EPA Marne et j’ai commencé à travailler sur des opérations en extension urbaine, qui s’inscrivaient dans des schémas de planification urbaine à très long terme sur le territoire de Marne-la-Vallée. C’était une belle expérience, j’ai vu beaucoup d’opérations, avec des typologies différentes, des projets plus ou moins écologiques, et j’ai eu la chance de travailler à plusieurs stades d’avancement. A l’époque, il était possible d’intervenir sur des opérations à différents niveaux d’avancement, en étant en coordination des équipes de projet. Je pense avoir acquis beaucoup d’expérience à ce moment-là parce que cela m’a permis de recomposer ce qu’était une opération d’aménagement entière.

J’ai rapidement basculé vers ce qui était à l’époque l’Agence foncière et technique de la région parisienne (AFTRP). C’est un héritage de Paul Delouvrier, qui préfigurait les Établissements publics d’aménagement (EPA) et qui, historiquement, intervenait surtout sur le volet foncier. Au fur et à mesure, l’AFTRP a développé son activité d’aménageur sur les territoires qui ne disposaient pas d’EPA afin de proposer ses services aux collectivités. L’Etat est présent dans notre conseil d’administration, ainsi que les collectivités et la Région Île-de-France. Concernant notre territoire d’intervention, il s’agit de l’Île-de-France, en dehors des secteurs d’Opérations d’intérêt national (OIN) et en dehors de Paris. J’ai eu la chance de tracer mon chemin dans cette structure qui a beaucoup évolué depuis mon arrivée, il y a quasiment 10 ans. Elle est devenue Grand Paris Aménagement, sous l’impulsion de Thierry Lajoie, le précédent directeur général : elle a fusionné avec l’EPA Plaine de France et est fédérée avec l’EPA Orly Rungis Seine-Amont.

Nous avons aujourd’hui 220 collaborateurs, avec un taux de turnover important chez les nouvelles générations alors qu’à l’époque, les équipes étaient plutôt stables. Ceci fait que la manière de gérer les projets, de manager les équipes, et même la continuité dans les projets, ne se posent plus de la même façon. Depuis que je fais du management, je m’aperçois du poids de tout cela.

Comment expliques-tu ces turnovers ? Penses-tu que cela provienne du champ concurrentiel entre aménagement public et privé ?

Aujourd’hui, en Île-de-France, il y a une aspiration non seulement par le secteur privé, par les promoteurs qui interviennent à grande échelle, mais aussi par tous les autres projets en cours : les Jeux Olympiques, le Grand Paris Express… Cela fait circuler les effectifs sachant que le marché du travail dans notre domaine est très tendu. On n’a aucun mal à se faire embaucher actuellement, et je pense que cela continuera dans les années à venir au regard des perspectives d’emploi en Ile-de-France. Dans le public, nous n’avons pas forcément les meilleures rémunérations donc nous devons rester attractifs sur d’autres plans pour rester intéressants pour les jeunes actifs.

Je pense également que les nouvelles générations aiment le changement, beaucoup plus que les précédentes… je suis entre les deux ! Nous travaillons donc à donner la possibilité d’effectuer des parcours au sein de l’entreprise, et j’ai moi-même eu la chance de changer de projet à plusieurs reprises et de changer de poste : je suis entré en tant que chef de projet, puis je suis devenu directeur de projets et actuellement, je suis directeur opérationnel sur la thématique de l’habitat privé.

Qu’est-ce que ça change pour toi de passer de directeur de projets à directeur de l’habitat privé ?

C’est une question à laquelle j’ai beaucoup réfléchi : passer dans le management des équipes ou continuer à diriger des projets ? Il est vrai que j’avais déjà un pied dans le management, puisque j’avais effectué un MBA auparavant, dont le but était de former à la fonction de manager et à la stratégie d’entreprise. Cela m’intéressait car au sein de la structure, j’étais déjà très impliqué dans les questions de processus et de capitalisation.

L’avantage d’un gros établissement comme Grand Paris Aménagement, c’est qu’il nous permet de partager nos pratiques, d’élaborer des méthodologies pour aller plus vite et plus loin. J’aime beaucoup ce travail transversal et aujourd’hui, bien que je sois moins engagé dans les projets, je garde tout de même une partie importante du champ opérationnel, de manière indirecte. Choisir, c’est renoncer et j’ai fait un choix ! Cela m’apporte d’autres satisfactions, sur le plan humain notamment. Le management consiste à accompagner l’ensemble des collaborateurs dans la réalisation d’eux-mêmes, en plus de la réalisation de leurs opérations. Il s’agit de contribuer à un projet collectif.

Quels sont les enjeux auxquels tu es confronté dans ce nouveau champ d’intervention qu’est l’habitat privé ?

Depuis 2018, l’établissement s’est doté d’une direction transversale dédiée à cette thématique. Nous nous sommes rendus compte que c’était un champ de complexité supplémentaire et qu’avec une expertise dédiée, il était parfois possible de débloquer une opération en se munissant des outils de l’habitat privé dégradé. Notre intervention porte sur les copropriétés dégradées, les centres-villes dégradés où la faible tension du marché ne permet pas le renouvellement et crée des situations d’insalubrité, ainsi que les périmètres soumis aux risques, les zones inondables par exemple, qui génèrent leurs propres problématiques de dégradation de l’habitat.

La boîte à outils de l’habitat privé est très riche, comme l’est celle de l’aménagement et du foncier. Nous avons de nombreux dispositifs dans nos opérations : des PNRQAD, des DC2I, des ORCOD… Nos financeurs principaux étant l’ANAH, l’ANRU, la DRIHL et les collectivités. Notre champ d’action s’inscrit dans le périmètre, ou à proximité, d’une opération d’aménagement plus large qui porte des enjeux d’habitat privé dégradé, ce qui nous permet d’intervenir en tant qu’ensemblier.

Qu’est-ce qui a poussé Grand Paris Aménagement à créer une direction dédiée sur cette thématique ?

Avant 2018, nous faisions déjà de l’intervention sur de l’habitat privé mais je pense que nous avons pris la mesure de l’expertise supplémentaire que ce sujet demandait et qu’il était important de regrouper ces questions au sein d’une direction afin de ne pas s’éparpiller dans tout l’établissement. Il s’agit d’une thématique complexe et il faut constamment se tenir à jour, sur les acteurs et les réseaux, entre autres, qui ne sont pas forcément les mêmes que ceux de l’aménagement. Il s’agit donc plutôt d’une stratégie interne d’organisation, dans le but de concentrer notre énergie dans une seule direction. Toutes les autres directions sont territorialisées et nous sommes l’exception au sein de GPA, nous jouons la carte de l’expertise et non celle du territoire, du fait des spécificités de cette thématique que j’ai mentionnées auparavant.

Par ailleurs, l’aménageur est aujourd’hui confronté à de nouveaux défis dans son métier, nous devons réinventer nos formes d’intervention pour renouveler notre position dans la chaîne de valeur. Notre direction participe à cela et nous contribuons aussi aux objectifs environnementaux, sociaux et économiques plus globaux… c’est une vaste feuille de route !

Peux-tu nous parler d’un projet sur lequel tu as travaillé, qui t’a marqué et que tu pourrais nous raconter depuis ton point de vue ?

J’ai travaillé sur de nombreux projets intéressants, mais j’ai choisi de parler de celui de La Pépinière de Villepinte en Seine-Saint-Denis, qui est sur une petite friche arborée. Ce n’était ni le plus grand ni celui avec le plus de moyens financiers, mais je l’ai trouvé passionnant car c’est souvent lorsque l’on fait face à de multiples problématiques que l’on est le plus stimulé et que l’on met en œuvre les solutions les plus innovantes. Nous avons réalisé un travail très fin avec le paysagiste sur le déjà-là, sur une recherche de frugalité et d’empreinte limitée du projet, sur les trames de plantation et la préservation des végétaux lorsque c’était possible, nous avons même créé une pépinière temporaire. Les arbres qui ne pouvaient être conservés ont été coupés sur site pour la construction d’équipements, sachant que le bois devait sécher pendant trois mois avant de pouvoir être réutilisé.

J’ai trouvé que nous étions allés loin et de manière sincère sur ces thématiques, nous avions l’impression d’avoir réussi à respecter le site. Les premières livraisons sont actuellement en cours et à l’arrivée des habitants, des arbres trentenaires sont déjà là, ce qui est rare dans les nouveaux quartiers.

Il est vrai que ce projet était très contextuel car il ne nous est pas toujours donné la possibilité d’intervenir dans des environnements similaires, mais c’était une belle expérience. Il met aussi en avant l’intérêt des petits projets qui permettent de pousser la réflexion plus loin, à l’opposé des très grandes opérations dans lesquelles on peut perdre pied face à la complexité.

Une recommandation pour la communauté de Cyclistes (un livre, un film, une association ou une initiative) que tu aimerais faire connaître ?

J’ai visité l’exposition consacrée à Junya Ishigami à la Fondation Cartier en 2018 et elle m’a donné une bouffée d’air. Par son approche poétique de l’architecture, elle a montré son potentiel de réenchantement et par extension, celui du paysage et de l’aménagement. Dans les projets que nous menons, il n’est pas toujours aisé de faire des propositions aussi radicales car nous sommes pris dans des injonctions contradictoires et de nombreuses parties prenantes, mais cette exposition m’a rappelé l’importance de ne pas se mettre de barrière afin de sortir de la production courante. Je dirais donc que c’est une invitation à l’imagination, à se débrider, pour se redonner des perspectives. 

Retrouvez l'intégralité de l'interview sur le site de Sciences Po Urba

 

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