Accueil>What keeps you up at night : "Je suis un oiseau de nuit"

05.10.2023

What keeps you up at night : "Je suis un oiseau de nuit"

Écoutez le 1er épisode de What keeps you up at night avec Rebeca Grynspan, secrétaire générale de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED). Elle était l’invitée d’honneur de la cérémonie de remise des diplômes de PSIA en 2023.

En réalité, je travaille beaucoup la nuit. Je suis un oiseau de nuit, je ne suis pas du matin. Je n'ai jamais eu de mal à me réveiller et à aller travailler. Mon travail, c'est ma passion, ça donne un sens à ma vie. C'est tellement important vu le nombre d'heures que l'on passe au travail ! Tant de gens n’aiment pas ce qu’ils font. Il y a des moments difficiles, mais j'aime ce que je fais…. la plupart du temps.

La nuit, ce n'est pas pareil, j'y vois une beauté particulière. La journée, je cours , je cours. C'est mouvementé, toujours avec une série de décisions à prendre. La nuit peut être très intense car je travaille, mais c'est mon tempo, mon espace, mon rythme: je ne suis dépendante de personne.

La nuit où je n'ai pas dormi

Je me souviens de la nuit où la guerre a commencé. Nous avons réalisé que l’impact ne se limitait pas aux pays voisins et à l’Ukraine. Les pays en développement souffraient déjà beaucoup du changement climatique, du covid. Les prix de la nourriture montaient en flèche et nous étions vraiment inquiets de l’augmentation spectaculaire de la faim et de la pauvreté. C’était une période mouvementée. Le secrétaire général des Nations Unies a mis en place une commission mondiale et je coordonnais le groupe de travail sur l'énergie et les engrais. Depuis, nous travaillons sans arrêt. Mais c'est gratifiant car ce travail a façonné un récit. Nous avons pu mobiliser les gens et atténuer le coup porté à tant de pays vulnérables. Et ça m'empêche de dormir la nuit. Quand on a une famille, on pense aux parents qui ne peuvent pas nourrir leurs enfants dans un monde où il y a de la nourriture pour tout le monde. C'est horrible. À l’heure actuelle, la malnutrition augmente. Les gens se tournent vers des aliments moins chers et moins nutritifs, ils n’ont pas d’électricité pour cuisiner à la maison. Et cela a des millions de conséquences pour les familles. C'est l'un de mes principaux défis : un enfant n'a pas pris une seule décision dans sa vie, et pourtant il va souffrir. Comment gérer ce sentiment ? Je travaille davantage.


Quand je vois comment les décisions sont prises, causent parfois du mal et que je me sens impuissante, c'est probablement le plus difficile et cela me donne des cauchemars. Vous prenez des décisions avec les informations dont vous disposez, et parfois, elles sont erronées, et cela me trouble. Mais aussi, j’ai vu beaucoup de personnes dans des organisations qui ont de très bonnes valeurs devenir cyniques parce qu’elles sont là pour le poste, pas pour l’objectif. Pour survivre, mais pas pour s’engager. Et souvent, lorsque vous êtes blasé, vous devez réfléchir décider : faire preuve de cynisme ou continuer à croire que vous pouvez faire mieux ? J'ai choisi la seconde option, mais la tentation de la première me guette toujours.

Les décisions qui ont changé ma vie

Dans ma vie personnelle, la décision d'avoir des enfants a été une marque pour la vie. Et aussi d’accepter de devenir une femme en politique. Je pensais que je serais professeur, chercheuse à l'Université et lorsque j'ai décidé d'entrer au gouvernement, cela a changé ma vie. La nuit précédente a été horrible.