Alain Dieckhoff, directeur du CERI-Sciences Po, 2022, discours d'ouverture de l'Observatoire de l'Amérique latine
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Le CERI : curiosité scientifique et pluralisme des approches

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Le CERI atteint l’âge vénérable de 70 ans alors que j’entame cet automne ma dernière année universitaire complète à sa tête. Le moment est donc propice à un premier bilan. À mon arrivée à la direction du CERI en 2014, j’avais un objectif principal : redynamiser la recherche fondamentale afin de donner plus de cohérence et de visibilité à « l’offre de recherche » qui est la nôtre. Je l’ai fait en veillant d’abord, avec l’aide du Conseil d’unité, à structurer le dispositif de recherche autour de cinq axes scientifiques dotés chacun de deux co-pilotes : Acteurs et échelles de régulation dans l’espace mondial (guerre et paix, multilatéralisme, normes…) ; Participations politiques et mobilisations (actes de vote, participations dans l’espace public…) ; L’État et ses recompositions (L'État et le global « par le haut et par le bas » ; enjeux circulatoires et niveaux de régulation…) ; Violences et gestion du danger (violences de masse et crises extrêmes, sécurité et insécurité…) ; Identités et politique (assignations et institutionnalisations identitaires, politisation du religieux, politiques mémorielles…).

C’est à l’intérieur de ces axes que se sont déployés les dispositifs à portée collective qui prennent essentiellement deux formes. D’une part, les groupes de recherche, mais aussi les observatoires, qui ont trois fonctions essentielles : penser et organiser des séminaires, en particulier à vocation doctorale, qui sont liés à une formation particulière ou qui explorent des questions méthodologiques ; structurer, sur le temps long, un véritable réseau de recherche ; créer, autour d’un objet particulier ou d’une région, un espace de réflexion et d’échange d’idées. D’autre part, les axes accueillent les projets de recherche liés à des financements externes, parmi lesquels figurent les programmes européens H 2020 et Marie Curie ou ceux financés par l’AFD, mais surtout et avant tout les ANR. De fait, en septembre 2022, le CERI héberge dix ANR ! Répondre, et remporter des appels à projet, est une nécessité pour mener des recherches au long cours et je suis heureux de constater que les chercheurs du CERI se sont fortement engagés dans cette voie, avec le soutien de notre équipe administrative.

Je me suis également attaché à développer les coopérations scientifiques. Cela s’est fait au niveau international, avec une série de projets avec Columbia University via le programme d’échange Alliance, avec Princeton University ou avec le Centre d’Études et de Recherches Internationales (CERIUM) de l’Université de Montréal. Au niveau national, nous avons veillé à renforcer notre insertion dans les réseaux de recherche nationaux et à développer nos coopérations avec des laboratoires de l’Hexagone. Le CERI est ainsi devenu membre de quatre Groupements d’intérêt scientifique (trois géo-centrés : Afrique, Moyen-Orient, Asie ; un thématique : Religions- textes, pratiques, pouvoirs). Le congrès du GIS Asie s’est d’ailleurs tenu à Sciences Po en juin 2017, rassemblant plus de 900 participants. Le centre est partie prenante de trois Groupements de recherche (Europe médiane, Climalex, action multilatérale) et nous avons, ces dernières années, noué un partenariat étroit avec le Groupe Sociétés, Religions, Laïcités (GSRL) de l’École pratique des Hautes Études autour de la constitution, en 2016, de l’Observatoire international du fait religieux soutenu financièrement par le Ministère des Armées.

Ces nombreux dispositifs ne sont néanmoins que des cadres remplis par l’activité de recherche mais aussi de publication des chercheurs du CERI. Ces publications sont nombreuses, tant sous forme d’articles et de contributions à des ouvrages collectifs, que sous forme de livres. Elles contribuent à faire du CERI, année après année, un centre d’excellence sur l’international. Même si les chercheurs du CERI publient chez les éditeurs les plus variés, tant français qu’étrangers, j’ai tenu, au cours de mes deux mandats, à préserver les collections « historiques » du centre, comme Grandes études internationales (Fayard), Recherches Internationales (Karthala) et, en anglais, la collection International Relations and Political Economy chez Palgrave Macmillan. Depuis mon arrivée à la direction du centre en 2014, ce sont respectivement huit, vingt et vingt et un ouvrages qui y ont été publiés. J’ai également impulsé, avec les Presses de Sciences Po, le lancement de L’enjeu mondial. Cette publication annuelle destinées à un public éclairé propose une focale sur un thème majeur de l’actualité international, autour de chercheurs du CERI. Ce sont désormais cinq opus qui sont parus, de Religion et politique aux Politiques de lutte contre la radicalisation en passant par Guerres et conflits armés au XXIe siècle, Populistes au pouvoir et La puissance par l’image. Avec cette collection, le CERI reste fidèle à sa vocation de présence dans la Cité et de participation, exigeante, au débat collectif. Enfin, le CERI accompagne à des degrés divers quatre revues : deux en français (Critique internationale, Politique africaine) et deux en anglais, la European Review of International Studies (ERIS) et Political Anthropological Research on International Social Sciences (PARISS).

Tout ce foisonnement d’activités suppose a minima le maintien du potentiel de recherche, ce qui a été rendu possible à la fois par des recrutements de professeurs (FNSP ou professeurs d’Université) et par des recrutements et rattachements de chercheurs CNRS. Par ces deux biais, le CERI est parvenu à maintenir une expertise de haut niveau tant dans le domaine des aires culturelles que des relations internationales. Ce foisonnement requiert également un soutien financier constant que le CERI a pu consolider auprès de ses deux tutelles, Sciences Po et le CNRS.

J’ajoute que dans ce potentiel de recherche il convient d’inclure les chercheurs et les docteurs associés, les chercheurs contractuels mais surtout les doctorants. Mon prédécesseur, Christian Lequesne, avait commencé à travailler à leur intégration, cette-dernière a été renforcée par la mise en place de séminaires spécifiques (Labsem, séminaire d’écriture, retour de terrain…). L’organisation de comités de suivi de thèse a resserré les liens entre l’École de la recherche et le CERI. Les doctorants ont également été encouragés à lancer des séminaires (MENASC, Approches postcoloniales) et bénéficient, en complément des aides prodiguées par l’École de la recherche, d’une aide à la mobilité financée par le CERI.

Désormais installé dans le bâtiment historique du 28 rue des Saints Pères, le CERI est un septuagénaire en bonne santé et il le restera tant qu’il conjuguera curiosité scientifique et pluralisme des approches.

Septembre 2022.

Bibliographie/Référence

Publications d’Alain Dieckhoff référencées sur SPIRE (portail de Sciences Po sur l’archive ouverte HAL)

Mots clés
©Image : Aurore Papegay, Sciences Po