Résumé de la présentation
Depuis 20 ans, au Québec, deux femmes peuvent être légalement reconnues comme les mères de leur enfant, dès sa naissance. Par comparaison avec les contextes où une seule mère a un statut légal, comme avec ceux où la mère qui n’a pas accouché doit adopter l’enfant, cette égalité juridique précoce semble de nature à encourager l’implication des deux mères dans la vie de leurs enfants, quand bien même leur couple viendrait à se séparer. À partir d’entrevues menées avec 17 mères séparées, 24 professionnel·les du droit (juges, avocat·es, médiatrices) ainsi que 6 intervenant·es communautaires, et de dossiers judiciaires dans lesquels ces personnes ont été impliquées, cette présentation montre que ces séparations sont marquées par deux caractéristiques complémentaires : d’un côté, par la forte prévalence de la garde partagée entre ces mères, d’un autre, par de rares différends sur la garde, lesquels mettent presque toujours en jeu la place de chaque mère dans le processus procréatif selon qu’elle a, ou non, porté l’enfant.
Dans le cadre de cette présentation, nous analysons le sens conféré au lien biologique par les mères concernées, par les professionnel·les qui les accompagnent, et par le droit. La portée de l’asymétrie procréative entre ces femmes dépend de sa perception par leur entourage, de l’âge de leurs enfants, mais aussi de leur trajectoire sexuelle et de leur position de classe. La norme juridique de coparentalité s’articule avec l’égalité filiative pour reconnaitre le rôle des mères qui n’ont pas accouché. Toutefois, ayant d’abord été forgée pour assoir la place des pères, cette norme tend à assoir cette reconnaissance sur la complémentarité des rôles maternels, au risque de perpétuer des stéréotypes genrés et hétéronormatifs.
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