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02.02.2024

Décryptage : les grands défis du dialogue social en 2024

Le 23 janvier 2024, Sciences Po accueillait les 3e Rencontres Engagées de Syndex, en partenariat avec son École du management et de l’impact (EMI).

Ces Rencontres s’inscrivent dans le cadre de la publication du 6e Baromètre Syndex / Ifop sur l’État du dialogue social en France. Ce Baromètre, qui existe depuis 2019, permet chaque année de dresser un état des lieux du dialogue social en France.

Neuf étudiantes et étudiants du Master RH et gouvernance durable de l’EMI ont été conviés à des ateliers qui ont eu lieu en amont de l'événement. En partant des résultats du Baromètre 2024, ils ont pu interroger trois directions et trois représentants de salariés sur deux sujets d’actualité : “Inflation, pouvoir d'achat et partage de la valeur” et “Environnement et IA", ainsi qu'un troisième sujet plus intemporel : “les conditions d’un dialogue social réussi".

Découvrez les conclusions de nos étudiants sur ces trois questionnements liés au travail.

Inflation et pouvoir d'achat, quel partage de la valeur ?

Avec une inflation moyenne établie à 4,9 % sur l’année 2023, quelle entreprise peut décemment, en ce début d’année 2024, aborder les négociations sur les rémunérations de façon sereine ? Comment rendre aux salariés du pouvoir d’achat ? Comment rendre le partage de la valeur plus équitable  ? Quelles actions concrètes des représentants du personnel dans ce contexte d’inflation ? Ce sont autant de questions qu'Alice Faurie, Cléa Schmitt et Julia Sorin ont posées lors de leur atelier axé sur l’inflation, le pouvoir d’achat et le partage de la valeur.  

La négociation collective est la clé de voûte du dialogue social et de la protection des droits des salariés. Elle permet de définir les conditions de travail, la rémunération et les avantages sociaux des salariés. Cependant, en partie à cause de l’inflation, elle est confrontée à plusieurs freins, qui peuvent limiter son efficacité.

Parmi ces freins se trouvent notamment la complexification des NAO (les négociations annuelles obligatoires), le manque de lisibilité de la rémunération pour les salariés et l’individualisation de la rémunération.

Ce manque de lisibilité de la rémunération pour les salariés limite l’impact de la négociation collective. En effet, les salariés ne comprennent pas toujours comment est calculée leur rémunération, ce qui peut les rendre moins enclins à s’impliquer dans les négociations et, de façon générale, à être moins investis auprès des syndicats.

L’individualisation de la rémunération, avec une partie variable qui tend à prendre plus de poids dans la rémunération globale, peut également freiner la négociation collective.

Au regard, de ces obstacles, il convient de maintenir un dialogue social transparent sur ce sujet et de renforcer la lisibilité des rémunérations pour les salariés. Une tâche ardue : selon le dernier Baromètre Syndex / Ifop, seuls 32 % des dirigeants d’entreprises considèrent les augmentations salariales comme une priorité pour améliorer le partage de la valeur en entreprise et donc une meilleure distribution des richesses entre dirigeants, actionnaires et salariés.

Intelligence artificielle et environnement : deux nouveaux enjeux

L’Intelligence artificielle (IA) et les enjeux environnementaux secouent le dialogue social en entreprise comme une nouvelle série à suspense.

Au cours de l'atelier de Marie Laetitia Mardaye, Ali Rana Mohammad et Amel Riahi, les questions ont fusé, révélant la complexité de ces défis pour les discussions professionnelles.

Les contours de ces enjeux se dessinent, mais il reste à définir comment les aborder de manière concrète dans le cadre du dialogue social. Les participants ont souligné l’importance de traiter ces sujets de manière proactive, reconnaissant l’absence actuelle de réponses claires et soulignant l’urgence d’agir face à ces défis émergents.  

Les entreprises doivent jouer un rôle de leader en investissant dans des initiatives concrètes, telles que la création de référents environnementaux obligatoires et la mise en place de politiques de formation sur l’IA. L’émergence de réseaux internes pour traiter les défis de confidentialité liés à l’IA illustre la nécessité d’une approche collaborative et transparente.  

In fine, le succès résidera dans la capacité des entreprises à transformer ces défis en opportunités, à favoriser une culture d’innovation durable, et à garantir que le dialogue social évolue en tandem avec les avancées technologiques et les impératifs environnementaux. L’avenir du travail repose sur notre habileté à anticiper, adapter et collaborer, pour que l’IA et l’environnement soient des forces propulsives vers un avenir plus équilibré et durable.

L’amélioration du dialogue social au sein des entreprises

Le dialogue social désigne l’ensemble des échanges formels autour des sujets économiques et sociaux entre les représentants du personnel et la direction d’une entreprise. Le sujet de cet atelier, bien que large, a éclairé Neila Bertrand-Machraf, Emma Bordachar et Valentine Painset sur les principales difficultés rencontrées par les représentants du personnel, mais aussi sur les potentielles solutions à mettre en place afin d’améliorer le dialogue social.

Au terme de leur atelier, les trois étudiantes ont identifié le principal défi du dialogue social : se réinventer face aux révolutions numérique et démographique. Cette réinvention doit se faire autour de trois grands axes d’amélioration : lutter contre la chute des vocations pour être représentants du personnel et contre un certain désarroi face à un dialogue social plus difficile, améliorer les techniques de communication avec les salariés et réinventer le collectif pour accueillir les nouvelles générations.

Le désengagement des salariés, qui ne se présentent plus aux postes d'élus serait dû à une mauvaise perception de l'activité syndicale, et notamment l'idée que les besoins sont plus importants que les moyens alloués, sans compter l'aspect chronophage du rôle. Selon le Baromètre Syndex / Ifop 2024, 93 % des CSE rencontrent aujourd'hui des difficultés à recruter de nouveaux élus. La solution ? Les directions doivent donner les moyens aux services RH et aux représentants du personnel de s’impliquer dans l’amélioration du dialogue social, en leur donnant plus de temps et de moyens.

Rétablir la communication entre les salariés et leurs élus est aussi un défi essentiel. Le dialogue social ne doit pas être utilisé uniquement lorsque les salariés s'interrogent sur leurs droits. Les représentants, les syndicats sont encouragés à travailler leur image et se faire connaitre dans d'autres cadres. Dans un contexte de croissance du télétravail, le recours aux newsletters électroniques, aux réseaux sociaux peut compléter le contact personnel.

En présence de l'arrivée sur le marché du travail d'une nouvelle génération considérée comme plus individualiste, ou du moins remettant en cause le sens du travail, les instances de représentation doivent s'adapter et recréer du collectif. Un dialogue social réussi est clé pour s'assurer de la coopération et la fidélité des salariés. Loin de creuser un fossé générationnel, les représentants du personnel sont les plus à même de porter les demandes des jeunes générations auprès des entreprises, comme l'équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. À eux de renouer le dialogue…

(crédits : Generated with AI / DALL-E 3)