Erica Guevara

Les missions d’observation électorale, qui ont connu une croissance exponentielle au cours des trente dernières années, sont devenues un outil de légitimation des élections à l’échelle mondiale. Elles ont assumé différents rôles, qui se sont superposés au fil du temps, et les observateurs sont perçus aujourd’hui tant comme des « soignants » que comme des policiers, des juges et des experts. Une grande diversité d’acteurs nationaux et internationaux sont impliqués dans l’organisation des missions, constituant un véritable milieu professionnel. Pourtant, on sait peu de choses sur le fonctionnement concret de ces dispositifs et sur les facteurs qui déterminent la construction du regard de l’observateur. Pionnière en la matière, l’Amérique latine offre un terrain de choix pour les étudier. L’observation participante et comparée des pratiques adoptées par trois types d’acteurs (organisation internationale, organisation régionale d’autorités électorales et ONG) dans trois pays différents (l’Equateur, la Colombie et le Mexique) permet de montrer à quel point les objectifs, les méthodologies et les résultats de ces organisations diffèrent. Contrairement aux discours affichés par les gouvernements, il n’y a pas une seule mission d’observation électorale, mais plutôt de nombreux points de vue, en fonction du rôle adopté par l’organisation et des contraintes nombreuses qui pèsent sur son travail.

Les experts en matière de sécurité sont régulièrement sollicités pour donner leur avis sur le futur de la politique internationale. A Washington, le petit monde des think tanks est un véritable « marché du futur ». Son homogénéité culturelle et sociale est très forte, la diversité des idées qui s'y expriment très réduite. Dans ce marché des idées, le spectre de futurs possibles est dès lors très étroit.
On note trois caractéristiques principales de cette énonciation du futur. Premièrement, pour des raisons épistémiques et politiques, le futur est linéaire, et ainsi conforte la stabilité et la continuité des décisions politiques. Deuxièmement, ces savoirs de l'expertise sont fortement enracinés dans un « groupthink », une pensée collective entravée par des biais qui s'auto-entretiennent et qui conduisent à lisser fortement prédictions et scénarios. Troisièmement, c'est là un paradoxe, les anticipations de la sécurité internationale contribuent à créer un effet de surprise. Par des effets de tunnel, l'attention des praticiens de la sécurité tout comme celle du public se concentre sur des points focaux, les empêchant de voir les inévitables ruptures avec les trajectoires linéaires émerger et se réaliser.

Depuis le début des années 1990, la thématique des risques et des catastrophes « naturels » a émergé sur la scène internationale. Un véritable « monde » des catastrophes « naturelles » s'est constitué au niveau international et s’est peu à peu institutionnalisé. Comment ses acteurs en légitiment-ils la nécessité ? Que nous révèle-t-il de la façon dont le monde contemporain gère ses peurs au niveau global ? Une approche diachronique de ce processus d’internationalisation et d’institutionnalisation permet de resituer ce phénomène dans un contexte historique et mondial, notamment de transformation de la notion de sécurité. L’analyse sociologique des principales organisations intergouvernementales, qui jouent un rôle central dans cette dynamique, invite à saisir les différentes lignes de tension qui la traversent et à entrevoir sa complexité. En effet, malgré les tentatives visant à faire apparaître cet espace comme une « communauté » de sens et de pratiques, de fortes disparités caractérisent les approches des différents acteurs.

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