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31.08.2021

Terrain, déontologie et ouverture : le discours de rentrée de Marie Mawad

Vendredi 27 août 2021, c'était la rentrée - en présentiel - pour les quelque 162 étudiants (M1 et M2) de l'Ecole de journalisme de Sciences Po. La doyenne de l'Ecole de journalisme de Sciences, Marie Mawad, leur a adressé un discours de bienvenue.

Chères étudiantes, chers étudiants, 


Tout d’abord je vous souhaite la bienvenue dans votre école. Ici, pendant les deux prochaines années, nous serons mobilisés avec toute l’équipe pour vous offrir un espace pour apprendre, mais aussi pour expérimenter le journalisme, tester des idées et vous montrer créatifs. 


On vous le dira et on vous le redira au cours de ces deux années que nous allons partager : ici, dès que vous passez le pas de la porte, nous vous considérons comme journaliste. Certes vous êtes ici pour apprendre, vous êtes étudiants et journalistes en devenir, mais journalistes néanmoins.

Vous découvrirez dès les premiers jours de votre rentrée la charte des valeurs de votre école, et rapidement vous serez amenés à vous poser les questions qui sont celles qui animent les rédactions françaises et internationales aujourd’hui. 
C’est justement ce dont j’aimerais vous parler pendant cette brève allocution. 


Avant de vous rejoindre, ces derniers jours, j’ai pu avoir des confrères au téléphone. Des confrères journalistes, rédacteurs en chef, mais aussi entrepreneurs des médias. Des confrères en France et à l’étranger. A tous j’ai posé la même question : qu'est-ce qui va rythmer la rentrée dans vos rédactions? 


J’en retiens trois priorités, que j’aimerais vous partager comme autant de guides pour votre scolarité. 


1. Le terrain

Le premier mot d’ordre, c’est le terrain.

Avec la crise sanitaire que nous traversons, les méthodes et pratiques de notre métier ont été chamboulées. Les journalistes ont dû faire différemment, jongler avec des contraintes nouvelles, des déplacements parfois réduits. Les outils technologiques et de communication nous ont permis de faire des interviews par Skype, les plateaux télé ont reçu des invités par Zoom (parfois avec les ratés qu’on connaît). Et il est évident qu’il y a un certain confort à tout cela.

Au delà de la situation sanitaire, de nouvelles méthodes se développent aussi, comme l’investigation open source, pour permettre de faire une enquête depuis son ordinateur sur quelque chose qui se passe parfois à l’autre bout du monde. 
Ces nouveautés sont intéressantes et viennent enrichir notre métier. Elles font partie de ce que vous allez apprendre ici. Mais on ne saurait se passer du terrain.

Le terrain c’est la base, à acquérir absolument pour tout journaliste. Quand j’ai commencé chez Bloomberg, en reportage à Paris, mon chef de l’époque était basé à Londres. Dès la première semaine, il m’avait dit « si j’arrive à te joindre sur ton téléphone fixe et que tu es à ton bureau, c’est que tu es désœuvrée ». Même quand, entre guillemets « il ne se passait rien », il voulait que je sois sur le terrain, en train d’observer, de me familiariser avec des lieux clés, de rencontrer les contacts auxquels j’aurai, plus tard, besoin de faire appel, parfois dans l’urgence. 


A mon tour je vous encouragerais, ces prochains mois, à développer ce goût du terrain et à le cultiver durant toute votre carrière. C’est un « must », à commencer par ici, dans votre école. 


2. La déontologie

La deuxième priorité que je souhaiterais partager avec vous, c’est la déontologie. 

Vous le savez mieux que moi : nous sommes à l’ère des réseaux sociaux et de la course au clic. Nous formons ce que mon prédécesseur doyen, Bruno Patino, décrit habilement comme la civilisation du poisson rouge. Ce qui compte désormais, c’est la capacité à capter l’attention de l’audience.

Les notions de qualité, d’exactitude et de fiabilité semblent, pour certains, être devenus des critères de second rang. 
Tout ceci met évidemment notre métier sous pression, mais paradoxalement c’est aussi ce qui rend le journalisme essentiel. Car il faut un phare dans la tempête, dans le tsunami de contenus qui assaille nos concitoyens à chaque instant. 


A mon sens la déontologie — c’est-à-dire toutes ces règles et pratiques qui régissent notre métier — c’est ce qui différencie les contenus journalistiques des autres contenus. C’est l’avenir de notre métier qui en dépend. 
Alors saisissez-vous de ces règles, ayez les sous la peau. Et pourquoi pas, questionnez-les, menez une réflexion collective pour les perfectionner. 


3. L'ouverture

Enfin, je vous laisserai sur une troisième idée, qui vient rejoindre et compléter les deux précédentes : c’est l’ouverture.

Par ouverture, j’entends que c’est votre devoir, en tant que journalistes, de vous intéresser à tout. Je dirais même que le plus important, c’est de vous intéresser à ce qui ne vous intéresse pas ! Allez vers ce qui vous horripile, plongez vous dans ce qui va à l’encontre de vos opinions personnelles. Proposez des sujets qui ne vous viennent absolument pas naturellement. 


L’ouverture, c’est sortir de sa zone de confort et s’éloigner de ses croyances. C’est se donner les moyens de quitter la passion et les émotions pour entrer dans les faits, le questionnement, la compréhension. 


Face aux défis auxquels est confrontée notre profession, et plus globalement nos sociétés, face aux fake news, aux débats d’opinions irréconciliables, c’est en vous montrant ouverts, en questionnant et en creusant tous les sujets, que vous ferez votre part pour améliorer la qualité de l’information. 


Il me reste à vous souhaiter une très belle rentrée. I do want to say a few words in English for all our international students who have braved all sorts of PCR tests and travel headaches to join us from countries including Russia, India, New-Zealand, South Korea, and the US. I want to salute their efforts and say a special welcome. We’re very happy to have you with us! 
Je me réjouis d’échanger avec chacun d’entre vous tout au long de votre scolarité. Bonne rentrée ! 
Merci.

Marie Mawad, Doyenne de l'Ecole de journalisme de Sciences Po