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24.06.2021

Andréa | Cheffe d'entreprise, les Fleurs de l'Art

Passionnée d’art et de science, Andréa diplômée du Master marketing et société (promo 19) recrée des ambiances de peintures célèbres à travers des parfums. Son entreprise, >Les Fleurs de l’Art, l’aboutissement d’un projet de longue date, a vu le jour en novembre 2019 et propose déjà trois fragrances inspirées d’œuvres impressionnistes.

Par Emma Barrier et Maïna Marjany

 
Andréa Berger-Lefébure. (Crédits: Laurent Zabulon)
 
 

Lorsque l’odeur aquatique teintée de notes de pivoine, de jasmin et de musc blanc lui parvient aux narines, l’amateur des Nymphéas n’a plus qu’à fermer les yeux pour se projeter sur les bords du bassin des nénuphars de Claude Monet. Si l’ambiance est plus automnale, alors une senteur davantage boisée, aux touches de patchouli, de basilic et de mousse d’arbre permettrait de rêver d’une promenade sur le célèbre Pont japonais du même peintre. Respectivement intitulés La Fleur de Claude et Le Pont de Claude, ces parfums, qui rendent hommage aux chefs-d’œuvre impressionnistes sont signés Les Fleurs de l’Art, une jeune marque 100 % « made in France » créée par Andréa Berger-Lefébure, pour qui la dimension olfactive était manquante dans les musées.

Deux passions dans un flacon

De ses souvenirs d’enfance dans les musées jusqu’à son lycée Claude-Monet, où un tableau des Nymphéas est accroché dans le bureau du directeur, la peinture est très présente dans les premières années de la vie d’Andréa, qui réalise ses premières toiles à 10 ans. En parallèle, elle développe une sensibilité pour les odeurs, jusqu’à choisir le parfum comme sujet de TPE (épreuves anticipées du baccalauréat) en première. C’est à cette occasion qu’elle fait se rencontrer ses deux passions et imagine une fragrance inspirée des Nymphéas, faisant écho à son lycée et à son goût pour la peinture. 

Celle qui avait un temps envisagé de se lancer dans une carrière artistique, mais s’était dite « gênée par la complexité du marché de l’art » après la vente de son premier tableau, à 12 ans, décide finalement de s’orienter vers un cycle d’études scientifiques, son deuxième penchant. En biochimie, elle se spécialise dans l’étude neuroscientifique de l’odorat et apprend à associer des molécules, puis étudie l’impact des cosmétiques sur la peau lors d’un stage au CNRS. « En poursuivant mes études et en approfondissant l’aspect plus scientifique, j’ai compris à quel point l’association entre art et parfum pouvait avoir du sens. » 

Si son projet d’interprétation olfactive d’œuvres d’art paraît surprenant au premier abord, il fait en réalité appel à un phénomène neurologique connu, la synesthésie, c’est-à-dire l’association de deux ou plusieurs sens. Pour Les Fleurs de l’Art, Andréa marie l’odorat et la vue et explique que le sens olfactif est celui qui est le plus connecté aux émotions d’un point de vue cérébral : « On sait dire si une odeur nous plaît avant même de pouvoir la caractériser. »

Une entrepreneure mécène

Pour finaliser son projet, Andréa complète sa formation scientifique avec le master Marketing et société de l’École du Management et de l’Innovation de Sciences Po. Elle effectue également une année de césure à la Bocconi de Milan, où elle étudie les relations entre art et luxe. Son projet toujours en tête, elle présente son Grand Oral sur ce sujet et crée son entreprise, Les Fleurs de l’Art, un mois avant l’obtention de son diplôme, en 2019. Andréa se démarque du monde classique du luxe et du parfum en refusant de formuler un brief marketing précis, qui sert habituellement à mieux connaître la cible d’un produit : « Ici, le brief, c’est le tableau », déclare-t-elle. Les clients potentiels seront donc des personnes sensibles à l’art, à la qualité, au « made in France » ou tout simplement les amateurs de parfums de niche. 

La tradition du « Made in France »

Une fabrication 100% locale, c’était une « évidence et une nécessité » pour Andréa Berger-Lefébure. L’ensemble de la chaîne de production est donc française : la fragrance est produite à Grasse (au Domaine Sainte Blanche), les flacons sont fabriqués chez le spécialiste Pochet du Courval, en Normandie, les boîtes sont imprimées en Auvergne et le tout est conditionné à Chartres. Andréa a également fait le choix de travailler avec des entreprises écoresponsables, notamment certifiées FSC et Imprim’Vert. Sa volonté de produire localement s’inscrit dans la tradition de la parfumerie française, dont les savoir-faire sont ancestraux et qui, selon elle, se devaient d’être respectés. « C’était important pour moi d’aller dans le détail, d’offrir de la qualité de bout en bout », résume la jeune entrepreneure.

 

Davantage intéressée par l’aspect culturel que par l’aspect marchand, elle précise : « L’entreprise que j’ai créée, c’est un moyen, pas une fin en soi. Mon objectif professionnel, c’est de faire du mécénat. » Après un an d’activité, l’entreprise est déjà bénéficiaire et le défi est relevé puisque Les Fleurs de l’Art a contribué, fin 2020, à l’acquisition d’une nouvelle œuvre au musée d’Orsay.

Un circuit de distribution original

Dans cette logique, Andréa Berger-Lefébure décide de vendre ses parfums dans les boutiques des musées, en France et en Italie, afin de proposer aux amateurs d’art une expérience différente de la seule sensation visuelle. Ses deux premières créations, inspirées de Claude Monet, sont notamment disponibles au musée Marmottan ainsi qu’à la célèbre maison du peintre, à Giverny. 

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Pour ajuster ses parfums et gagner la confiance de ces institutions, elle a fait le choix d’initier un dialogue continu avec les musées, à qui elle fait valider chaque fragrance en amont. « Quand on s’attaque à des chefs-d’œuvre, il faut le faire avec humilité », estime-t-elle. Et aussi savoir bien s’entourer. Pour créer ses fragrances, Andréa est épaulée par une parfumeuse professionnelle, Marie Schnirer, cofondatrice du laboratoire de création Maelstrom, et elle n’hésite pas à solliciter des avis artistiques auprès de conservateurs et d’historiens d’art et de parfum. 

Son soutien au secteur culturel se reflète également dans le prix de ses créations : d’une valeur de 68 euros sur son site ou dans un magasin « classique », le flacon de 50 ml est vendu moins cher dans les musées, tenant compte du coût du billet d’entrée. Pour la passionnée de peinture, ce choix de distribution original se justifie : « C’était un vrai objectif d’être dans le respect des œuvres, des artistes et des consommateurs. Cela passe par des actions en faveur des institutions culturelles. »

Un sillage d’art contemporain

Lancée en novembre 2019, à la veille de la pandémie, Les Fleurs de l’Art a évidemment été impactée par la fermeture des musées français. Mais Andréa est optimiste, car « à chaque réouverture des lieux culturels, les produits ont suscité beaucoup d’intérêt ». Elle est surtout consciente que toute création d’entreprise s’accompagne de restrictions financières : « Dans mon business plan, j’avais prévu une première année difficile et je savais que je ne pourrais pas me verser de salaire au début. » Si elle fait preuve de détermination, c’est aussi parce que la crise sanitaire n’est pas le premier obstacle qu’elle rencontre. Véritable parcours du combattant, le processus de création de son entreprise a mis « à l’épreuve sa ténacité ». Outre les problématiques classiques de recherche de fournisseurs et de partenaires, elle s’est sentie freinée par « la culture de l’immédiateté. Paradoxalement, nous n’avons jamais disposé d’autant d’outils pour être connectés et en même temps, il est très difficile d’établir un vrai contact, de se rencontrer… On est tous très sollicités, un mail, ça passe vite à la trappe, donc la jeune entrepreneure qui veut créer sa marque, ce n’est pas la priorité. La technologie a tendance à créer des barrières, il faut faire preuve de beaucoup de pugnacité ! ». Pour faire face à ce parcours semé d’embûches, « la seule arme qu’on a, c’est une idée et de la volonté », affirme-t-elle. Ainsi dotée, rien ne peut freiner l’élan d’Andréa, qui prépare déjà sa prochaine collection, cette fois-ci inspirée d’art contemporain.

Une touche d’impressionisme

©Pascal Bricaud


Si le lien entre art et parfum n’est pas évident de prime abord, l’association entre parfum et nature est, quant à elle, plus facile à établir. Pour cette raison, Andréa a choisi la peinture impressionniste pour sa première collection. Intitulée Monere, elle rend hommage à Claude Monet, chez qui la nature est très présente, à travers deux fragrances. La Fleur de Claude rappelle l’aspect végétal et aquatique des Nymphéas, tandis que Le Pont de Claude évoque des senteurs plus fleuries et boisées qui font écho au tableau Le Pont japonais. Ces deux premiers parfums ont été rejoints, en décembre 2020, par La Danseuse d’Edgar, inspiré de L’Étoile d’Edgar Degas, dont les notes sont beaucoup plus poudrées et sucrées.