Crowded Subways in Tokyo? by Theo, Flickr CC BY-NC-SA 2.0
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chemical industry worker at factory. Crédits : Shutterstock, Dmitry Kalinovsky
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Ce que les données font à la gouvernance urbaine

Open data. Via https://www.ecointeligencia.com

Open data @Ecointeligencia

Docteur en science politique, Antoine Courmont a réalisé sa thèse sur les conséquences de l’open data sur le gouvernement urbain, thèse effectuée en partenariat (Cifre) avec la Métropole de Lyon où il fut chargé de mission Open data de 2012 à 2015.  Aujourd’hui responsable scientifique de la chaire Villes et numérique de l’École urbaine de Sciences Po, il expose les enjeux du « numérique urbain ».

L’apparition d’un nouvel outil : les données

Open data. Via https://www.ecointeligencia.com

Open data @Ecointeligencia

S i les administrations municipales ont toujours été productrices et utilisatrices de savoirs de gouvernement, d’indicateurs ou de statistiques, à partir du milieu des années 2000, de nouveaux éléments ont fait leur apparition dans le gouvernement urbain : les données. La miniaturisation des capteurs, la diminution des coûts de stockage, l’augmentation considérable de la puissance de calcul et l’expansion des réseaux de communication ont conduit à une prolifération des données urbaines. Prendre les données pour objet de recherche permet de pointer plusieurs évolutions dans le gouvernement des villes liées au numérique.

L’optimisation des services

Gmaps. Circulation à Londres. Capture écran.

Gmaps. Circulation à Londres. Capture écran

En premier lieu, la profusion de données suscite des modalités d’action renouvelées. Elles permettent d’optimiser la gestion des infrastructures, de développer de nouveaux services ou d’offrir des représentations plus fines de la ville et des pratiques urbaines. A titre d’exemple, la collecte en temps réel de traces numériques offre une connaissance beaucoup plus précise des comportements des individus pouvant conduire à la mise en œuvre de politiques publiques basées sur la gouvernementalité algorithmique. Ces évolutions sont à l’œuvre dans le secteur de la mobilité ou de l’énergie où l’enregistrement de l’activité des individus offre de nouvelles modalités de régulation des réseaux en agissant sur la demande individuelle pour encourager le report modal (notamment les alternatives à l’automobile) ou la réduction de la consommation énergétique.

L’arrivée des nouveaux acteurs

Smart city vector concept illustration with icons. Concept of Internet of things and another future technologies for living. De Irina Strelnikova Crédits ; Shutterstock

Concept of Internet of things and another future technologies for living de Irina Strelnikova, Shutterstock

Les données transforment également les modalités de coordination entre les acteurs de la gouvernance urbaine, et notamment, les relations entre acteurs publics et privés. L’open data permet à des acteurs privés de proposer des services à partir de données publiques. C’est le cas par exemple dans le secteur des transports où des entreprises proposent de nouveaux services d’information qui complètent l’offre publique, mais qui peuvent également entrer en contradiction avec les politiques publiques. En outre, la collecte des traces numériques que nous laissons, notamment par l’intermédiaire de nos téléphones portables, permet à de nouveaux acteurs d’investir le champ de l’urbain. Ces plateformes de l’économie numérique le font d’une manière tout à fait novatrice puisqu’elles passent par les utilisateurs de services sans aucun lien avec les puissances publiques. L’exemple de Waze, le calculateur d’itinéraires, est à ce titre particulièrement intéressant puisqu’il vient questionner les politiques de régulation du trafic routier mis en place par les métropoles. Si, dans certains cas, le service favorise la fluidité du trafic, dans d’autres, il fait perdre aux gestionnaires de réseau la maîtrise de leur infrastructure en proposant des itinéraires empruntant des zones résidentielles. Dans les deux cas, les pouvoirs publics doivent dorénavant prendre en compte ces nouveaux acteurs pour définir, mettre en œuvre ou réguler l’action publique à l’ère du numérique.

Entre politiques publiques de régulation et innovations

Opendata à Paris. Panneau d'affichage. Creative commons.

Opendata à Paris. Panneau d’affichage. Creative commons.

C’est pourquoi la donnée tend à devenir un enjeu de gouvernement et, dès lors, fait l’objet de politiques spécifiques. Alors que les politiques publiques reposent de plus en plus sur des flux d’informations, réguler la donnée devient crucial pour conserver une maîtrise de ses politiques. Plusieurs métropoles en France, telles que Lyon ou Paris , ont ainsi mis en œuvre des stratégies de gouvernance des données à l’échelle de leurs territoires. Les formes et des modalités de cette gouvernance territoriale des données restent largement à analyser, tout comme la capacité des acteurs publics à réguler la production ou l’usage par les acteurs privés des “données d’intérêt général”.

Antoine Courmont, Politiques des données urbaines : ce que l’open data fait au gouvernement urbain, (texte intégral), Thèse de doctorat sous la direction de Dominique Boullier

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