Les conséquences raisonnables d'une politique de réduction des énergies fossiles

Les conséquences raisonnables d'une politique de réduction des énergies fossiles

Argumentaire de Lucas Chancel et al.
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Potential pension fund losses should not deter high-income countries from bold climate action

Gregor Semieniuk, Lucas Chancel, Eulalie Saïsset, Philip B. Holden, Jean-François Mercure and Neil R. Edwards

Joule, pré-publication (en ligne), 22 juin
doi: 10.1016/j.joule.2023.05.023 

Cet article signé par Lucas Chancel (avec Gregor Semieniuk, Eulalie Saïsset, Philip B. Holden, Jean-François Mercure and Neil R. Edwards) dans la revue Joule (revue scientifique sur les enjeux des énergies renouvelables), traite de l’impact qu’aurait une politique climatique ambitieuse passant par la fermeture de sites de production de combustibles fossiles.

Au-delà de la décision d’engager une rapide transition énergétique, il y a la question du coût direct et induit de cette mesure. Quel serait l’impact, sur quel type de population, et faut-il prévoir des compensations par les États ?

En effet, stopper des activités économiques, dévaluer des actifs rentables peut entraîner des répercutions financières et sociales importantes, et pas seulement pour les propriétaires de ces industries. Il y aura un impact sur les emplois du secteur, mais aussi les fonds de pension qui comptent sur la bonne tenue des marchés financiers pour garantir le paiement des retraites.

Les auteurs précisent qu’ils étudient ici la propriété du capital financier et sa répartition dans les pays riches, la question de la perte de revenus du travail ainsi que celle des autres impacts macroéconomiques demandant à être analysés dans des travaux futurs.

La modélisation permise par l’exploitation de bases de données internationales (comptes nationaux, données fiscales, richesse…) permet aux auteurs de proposer une gamme de scénarios qui vont tous dans le sens d’une faisabilité de la transition avec un coût relativement modeste pour les finances publiques.

Les auteurs soulignent la concentration très élevée des actifs financiers en général et dans ce secteur en particulier, détenus par les plus riches. Ainsi aux États-Unis, sur 350 milliards de dollars d’actifs concernés, seuls 3,5 % concernent la moitié la plus pauvre de la population et un tiers les 90 % les plus pauvres, alors que les deux tiers restants se répartissent également entre les 10 % les plus riches. De plus, ces actifs dévalués ne représentent qu’une faible partie des patrimoines possédés par ces acteurs. Le pire des scénarios évalue les pertes potentielles à 2% de la richesse totale.

L’impact est plus fort, en proportion de la richesse, pour des ménages modestes, et variable selon les pays. Plusieurs systèmes d’épargne et de retraite existent et sont parfois très exposés aux fluctuations des marchés financiers.

Les auteurs proposent plusieurs scénarios pour évaluer les indemnisations, plus ou moins ciblées, que les gouvernements pourraient être amenés à proposer. Ils concluent que l’effort serait supportable pour les budgets publics.

Compenser les actifs dévalués pour les 50% des ménages les moins aisés coûterait 9 milliards de dollars à l’Europe, quand le renflouement de l’électricien allemand UNIPER a coûté 15 milliards. La compensation de toutes les pertes subies par les 90 % les moins aisés coûterait entre 0,1 % et 1,2 % du revenu national et 0,02 % et 0,3 % de la richesse nationale des pays pris en compte dans l’étude.
Les auteurs proposent plusieurs pistes pour financer les indemnisations, dont une taxation des émissions de carbone.

Enfin, les auteurs soutiennent qu’ un modeste impôt progressif sur la fortune appliqué aux 0,005 % les plus riches de la population permettrait de compenser la totalité des pertes induites par les actifs fossiles en 2 à 3 ans seulement. Les gouvernements des pays à revenu élevé pourraient ainsi prendre des mesures audacieuses pour le climat en dépit d’un lobbying certain des acteurs impliqués dans la production et la distribution des combustibles fossiles.

Accès à l'article en anglais (ScienceDirect)

L'article propose une annexe (PDF) et un lien vers le code et les données utilisées dans les figures.

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