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20.11.2023

Entretien avec Pierre-Philippe Combes, directeur des études en Économie

Entretien avec Pierre-Philippe COMBES, directeur des études en économie
(crédits : Alexis Lecomte)

Professeur affilié depuis 2013, Pierre-Philippe Combes a rejoint le Département d'économie en 2021 en tant que professeur CNRS, il est également directeur des études de nos programmes de master et de doctorat en économie. Il était auparavant à l'Université et à l'École normale supérieure (ENS) de Lyon. Ses recherches portent sur l'économie urbaine et l’économie géographique. Il a un intérêt particulier pour le fonctionnement des marchés locaux du travail et du logement ainsi que les choix de localisation des entreprises et des ménages et leur impact sur les inégalités spatiales.

Vous avez l'habitude de cumuler les " casquettes " et de travailler à la fois dans un cadre universitaire classique et à Sciences Po. Selon vous, qu'est-ce que le projet éducatif de Sciences Po a à offrir qui distingue nos programmes d'études supérieures en économie ?

Le département d’économie de Sciences Po est relativement petit comparé à ceux d’autres universités françaises ou du Royaume-Uni. Il ressemble davantage à certains départements de taille moyenne aux États-Unis. Cela crée une atmosphère amicale et idéale pour la supervision de thèses. La plupart des professeurs n'ont pas d'heures fixes de rendez-vous pour les étudiants, car ils peuvent être contactés à tout moment et proposer une discussion très rapidement - les portes sont toujours ouvertes !

Malgré sa taille, le département jouit d'une reconnaissance mondiale grâce à la visibilité scientifique exceptionnelle de son corps professoral, dont certains membres figurent parmi les plus grands leaders mondiaux dans leur domaine. Le programme de master est très bien équilibré entre les cours de base qui fournissent les outils et les compétences techniques les plus avancés et un très large éventail de sujets et d'activités plus spécialisés.

La cohorte du master a tendance à se diviser en deux, la moitié de nos étudiants entrant directement sur le marché du travail, tandis que l'autre moitié se dirige vers un doctorat et le monde universitaire. Les étudiants ne sont pas toujours sûrs de ce qu'ils veulent faire lorsqu'ils entrent, ce qui est habituel. Le programme est conçu pour répondre aux exigences des marchés académiques et non académiques tout en aidant les étudiants à identifier les objectifs qui correspondent le mieux à leurs aptitudes et à leurs désirs personnels.

Vous êtes directeur des études en économie et à ce titre, vous accompagnez les travaux des étudiants et étudiantes en master et des doctorants et doctorantes de Sciences Po. Que vous apporte cette expérience ?

Les étudiants et étudiantes en master et en doctorat se trouvent dans un monde intermédiaire. Ce sont des étudiants désireux d'apprendre toujours plus et capables d'absorber de grande quantités de connaissances nouvelles mais également des individus qui préparent leur parcours professionnel. En tant que responsable des études doctorales, j'essaie d'agir à la fois comme un directeur de programme académique, en concevant le cursus le plus approprié pour eux et en traitant les questions personnelles ou académiques, et comme un conseiller d'orientation professionnelle, en les conseillant sur leurs futurs choix de carrière, les stratégies pour les atteindre au mieux et leurs objectifs à moyen et long terme. Cela prend du temps, mais me permet de connaître nos étudiants sur une base individuelle quant à leurs antécédents personnels et leurs rêves pour l'avenir, ce qui est vraiment agréable. J'aime plaisanter en disant que les étudiants ont le grand avantage d'avoir toujours le même âge, ce qui vous fait ressentir la même chose !

Le programme de master et doctorat est au cœur du département d'économie et occupe une place centrale de sa vie quotidienne - la plupart de ses membres enseignent en master et encadrent les mémoires de master et les thèses de doctorat. Les étudiants et étudiantes de master et de doctorat participent et contribuent à de nombreux événements du département (séminaires, conférences, ateliers...). Cela signifie que j'interagis non seulement avec l'ensemble des cohortes d'étudiants de master et doctorat, mais aussi avec tous les membres du corps enseignant et le personnel administratif. Cela me permet d'avoir une vision globale de tous les thèmes de recherche abordés au sein du département d'économie et de totalement apprécier les progrès faits par la discipline économique et sa capacité à répondre aux grandes questions sociétales et à étayer la décision publique.

Quels conseils donneriez-vous aux étudiants et étudiantes voulant faire un doctorat en économie à Sciences Po ?

Il faut voir le doctorat à la fois comme un immense espace de liberté, dans le choix des questions abordées, des outils utilisés, des personnes avec qui l’on travaille et en même temps considérer cela comme un vrai travail, avec un bureau où l’on va tous les jours, des collègues de diverse séniorité avec qui l’on interagit et d’autres que l’on croise au moins à l’occasion, une équipe administrative qui aide au quotidien, comme dans un emploi “normal”.

Même si le chercheur est souvent seul face à la page blanche devenue son écran d’ordinateur, il faut comprendre qu’il s’agit d’un travail en équipe, à diverses échelles. Le premier cercle, avec la, le ou les directeurs de thèses, le deuxième cercle avec les autres doctorants et doctorantes et les enseignants en économie du département, le troisième cercle avec le reste de la communauté Sciences Po puis les autres centres de recherche en économie, à Paris, en France et à l’étranger.

Il faut également profiter des moments où le travail va être présenté aux collègues, lors de séminaires, conférences, discussions autour d’un café, qui vont souvent conduire à des avancées décisives, à des moments où on s’y attend souvent le moins, ce qui rend ce travail si excitant. Comprendre aussi que c’est par la critique que l’on progresse et que même des remarques pouvant paraître négatives sont là pour faire avancer les choses, et le font souvent.

Comment l'évolution de l'économie avec l'émergence de nouveaux domaines et l'utilisation du big data, impacte-t-elle les méthodologies de recherche ? En tant que chercheur et directeur des études, comment soutenir les étudiants qui souhaitent explorer des domaines émergents ou des sujets exigeant une approche pluridisciplinaire ?

Quand on fait de la recherche, on est à la frontière des connaissances et l’objectif principal est de repousser encore cette frontière. Donc effectivement, on évolue dans un monde qui change en permanence et le but est de tirer le meilleur de ces évolutions. Nous encourageons au quotidien les étudiants à se saisir de ces nouveautés, en abordant de nouvelles questions, en utilisant de nouvelles méthodes et en mixant les approches pour aborder ces questions.

Par exemple, j’utilise de mon côté le machine learning pour extraire de l’information de cartes du XIXème siècle, je doute que les personnes qui les ont produites aurait pu imaginer cela ! Et l’on est déjà typiquement ici à l’intersection de l’histoire, de la géographie et de l’économie.

Comme mentionné précédemment, justement, c’est vraiment un des objectifs de nos programmes, dès le master puis en doctorat, d’aider les étudiants à affiner leurs préférences en leur présentant tous ces multiples possibles, en termes de questions et de méthodes.

En 2020, nous avons demandé à votre prédécesseur Sergei Guriev "Pourquoi y a-t-il si peu de femmes en économie ?". Vous avez vous-même coécrit quelques articles sur le sujet en 2016 et 2019. Qu'est-ce qui a changé au cours des dernières années ? Et que reste-t-il à faire ?

Effectivement, l’économie est un des domaines académiques où les femmes sont les plus sous-représentées, même si quelques domaines en sciences ‘dures’ parviennent à faire encore moins bien. Mais, d’une part, cela change, en particulier en économie à Sciences Po et cela à tous les niveaux, master, doctorat et parmi la faculté permanente du département d’économie. D’autre part, nous essayons d’être pro-actifs dans cette démarche en ayant un vrai suivi des odds-ratio entre la part de candidates femmes et le nombre d’admises, encore une fois pour les étudiants comme les recrutements d’enseignants, mais aussi en essayant de susciter encore plus de candidatures féminines. C’est d’ailleurs une démarche générale en économie, avec les créations de comités Womens in economics par exemple au Centre for Economic Policy Research (CEPR) ou à l’European Economic Association (EEA dont la présidente est actuellement Ghazala Azmat, une des professeures en économie du département) ou encore au sein de l’Association Française de Sciences Economiques (AFSE), dont je fais partie.

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