Accueil>Entretien avec Alice Antheaume, directrice exécutive de l’École de journalisme

21.04.2022

Entretien avec Alice Antheaume, directrice exécutive de l’École de journalisme

Créé en 2004, l’École de journalisme est une communauté de 180 enseignants et 160 élèves de 26 nationalités. L’école accueille 35% de boursiers et 30% des diplômés travaillent à l’étranger. Les étudiants sont aux prises avec la réflexion intellectuelle sur l’ensemble des questions politiques, économiques, sociales et environnementales qui sont au fondement de l’actualité mondiale.

L’École de journalisme leur offre les moyens de connaître leur environnement professionnel avec la méthode de l'immersion : réalisation de reportages en temps réel ou une enquête fouillée, contrat d'apprentissage, ateliers de production…

Cette année 2022 est spéciale : un déménagement au 1 Saint-Thomas avec de nouveaux locaux pédagogiques et une actualité forte, entre élection présidentielle et guerre en Ukraine.

Alice Antheaume, Directrice exécutive, nous en dit plus.

Pouvez-vous nous décrire comment sont les nouveaux locaux de l’École au 1 Saint-Thomas et comment ils vont vous permettre de réaliser encore plus d’innovations pédagogiques ?

Ils sont magnifiques ! Le déménagement de l’École de journalisme s’est déroulé en mars 2022, et c’est l’aboutissement d’un travail de longue haleine. Notre objectif était la création d’un lieu où la fabrique de l’information et où la dimension pédagogique et technique se rejoignent. Dans nos locaux précédents, les étudiants en journalisme produisaient des tranches d’information dans des studios ; puis ils retiraient leurs micros, posaient leurs caméras et se rendaient dans une autre salle, pour recevoir les conseils de leurs enseignants avant de… retourner en studio pour la tranche d’information suivante. Cela signifie que, pour un même groupe d’étudiants et pour le même enseignement, vous occupiez deux espaces : le studio pour produire les contenus, et une autre salle pour visionner les reportages et améliorer les prises d’antenne réalisées. Autant dire que ce n’était pas optimal.

Au 1 Saint-Thomas, notre rêve se réalise : les étudiants animent des éditions spéciales dans des studios dotés de gradins accueillant enseignants et invités pour que le débriefing de leur production puisse avoir lieu directement au sein du studio. Nous avons un seul espace occupé pour une unité d’enseignement. Aux côtés des studios, une grande newsroom, conforme à celles des rédactions professionnelles, pour permettre aux étudiants de monter et de mixer les sujets de reportage qu’ils effectuent sur le terrain à toute heure de la semaine. Cette nouvelle installation est une vraie prouesse, car même si ce modèle est répandu dans les écoles de journalisme de Missouri et de Chapel Hill, aux États-Unis, sur des campus en pleine campagne, je n’en ai jamais vu dans une école de journalisme en France, et encore moins à Paris, en centre ville.

Qu’attendez-vous du rapprochement des écoles et des centres de recherche, maintenant concentrés en un bloc (13 rue de l'Université et 1 Saint-Thomas) ?

À chaque rentrée de l’École de journalisme, nous insistons sur un point : le journalisme est un sport collectif, non une activité individuelle. Le rapprochement des écoles et des centres de recherche au sein d’un même campus est le prolongement de cette idée : nous formons un corps collectif au service d’informations fiables et de qualité. Les étudiants en journalisme ont besoin de l’expertise de spécialistes pour mieux éclairer telle ou telle actualité, les chercheurs ont besoin des journalistes pour rendre visibles leurs travaux. Au 1 St Thomas, nous proposons, pour les doctorants et chercheurs qui le souhaiteraient, ainsi que pour les étudiants des autres écoles, des sessions individualisées animées par des journalistes professionnels, pour réussir à être à l’aise sur une antenne, en direct sur un plateau.

Pourriez-vous nous dire comment l’école s’est investie dans cette année électorale ? Et quelles actions ont été mises en place ?

Les promotions qui vivent une présidentielle s’en souviennent longtemps. Et celle-là, qui a été assombrie par la guerre en Ukraine, un conflit sur lequel de nombreux alumni de notre école sont envoyés spéciaux, nous a marqué davantage. Nous avons modifié nos maquettes pédagogiques pour créer des enseignements académiques dédiés aux enjeux de cette élection, avec Martial Foucault et Jean Pisani-Ferry, et multiplié les ateliers de production de contenus sur la présidentielle, en anglais et en français, qui sont diffusés en ligne. Les dimanches des deux tours, sur notre campus au 1 St Thomas, les étudiants en journalisme ont animé des éditions spéciales et des fils d’informations en direct, de 15h à minuit, ouvertes au public. C’est potentiellement la plus grande rédaction de Paris que les spectateurs ont pu voir à l'œuvre.

Lors de l'élection présidentielle de 2017, vous aviez innové en exploitant le format mobile (twitter). Cette année la présidentielle rime-t-elle aussi avec réseaux sociaux ?

Tous les contenus produits par les étudiants sur la présidentielle sont pensés pour une consultation depuis un smartphone et une diffusion via les réseaux sociaux. Bref, si vous ne suivez pas encore les comptes de l’Ecole de journalisme sur Facebook, Instagram et Twitter, rejoignez-nous !

Comment les étudiants de l'École de journalisme abordent le passage à Sciences Po des candidats à l'élection présidentielle ?

Ils y voient l’occasion de vivre leur première élection présidentielle en tant que jeunes journalistes. Une expérience intense qu’ils vont revivre assez vite en dehors du cocon de leur école, une fois dans la vie active. Ils racontent ce qu’ils voient, questionnent ce qu’ils entendent, et poussent plus loin que leurs aînés les interviews sur la prépondérance de la technologie sur nos vies, la gestion des données personnelles, les changements environnementaux, les ressources énergétiques, les luttes contre les discriminations, l’égalité de traitement de toutes les conditions humaines. Des thématiques cruciales pour lesquelles l’apport de jeunes journalistes est déterminant.

Une anecdote sur la campagne présidentielle 2017 ou sur une autre élection ?

Plus qu’à la présidentielle française de 2017, je repense à l’élection de Joe Biden aux États-Unis en novembre 2020. D’habitude, pour les élections française et américaine, nous organisons toujours dans les locaux de l’École de journalisme, la couverture éditoriale de ces événements, en présentiel. Pour la première fois, en novembre 2020, à cause du deuxième confinement en France, nous avons dû renoncer à organiser une “nuit américaine” dans la newsroom. À la place et en urgence, nous avons créé un fil WhatsApp sur lequel les étudiants ont produit, à tour de rôle, toute la nuit, en distanciel depuis chez eux, les informations nécessaires pour suivre le déroulé de cette élection, comme sur l’application de Franceinfo. Je ne suis sans doute pas très objective, mais ce fil a été ma source d’informations préférée cette nuit-là.