Accueil>"On apprend vite qu’un sujet ne se fait jamais en étant seul"

28.02.2023

"On apprend vite qu’un sujet ne se fait jamais en étant seul"

Justine Jankowski

Pouvez-vous décrire votre parcours académique et professionnel ?

Je suis entrée à Sciences Po Paris en première année de Bachelor. En troisième année, j’ai vécu un an à Pékin, en échange universitaire, où j'ai fait un stage au bureau de RadioFrance. Avant d'entrer à l'Ecole de journalisme de Sciences Po, j'ai accumulé les stages, à Télétoulouse, à la TV du Festival d'Avignon, j'ai écrit dans des médias étudiants en ligne. De courtes expériences qui m'ont aidée à me conforter dans l'idée que c'était ce métier, et pas un autre.  

Après avoir été acceptée à l'Ecole de journalisme de Sciences Po, en M2 j’ai fait un second échange à l’université de Hong Kong. Là- bas, j'ai eu un aperçu du journalisme à l'anglo-saxonne, nos professeurs étaient Hongkongais ou Britanniques, et les élèves venaient de tous les continents.  En rentrant à Paris, juste après mon diplôme, j’ai eu la chance d’intégrer le service reportage de TF1 après avoir remporté le Prix Bourrat, dans la catégorie JRI. J'y ai passé six mois en CDD, puis j’ai saisi l’opportunité de repartir à Pékin, cette fois-ci pour intégrer le bureau de France 2 Chine comme JRI rédactrice. 

J'y suis restée trois ans, et en 2020, j’ai rouvert le bureau de TF1 à Pékin, dont je suis désormais la correspondante. 

Quel poste occupez-vous aujourd'hui? A quoi ressemble votre travail au quotidien ?

En tant que correspondante du bureau de TF1 à Pékin, je réalise des reportages sur la Chine et le reste de l’Asie pour les JT du 13h et du 20h. Au quotidien ce sont des sujets news, mais je propose aussi beaucoup de sujets « mag » sur la société, l’économie, la culture, des sujets découverte… Je travaille en équipe, avec une fixeuse chinoise, et une JRI monteuse. On voyage régulièrement dans toute la Chine. Depuis que le pays a rouvert ses frontières, nous partons aussi tourner dans le reste de l’Asie : en Thaïlande, aux Philippines, à Hong Kong...  Une fois les tournages terminés, nous les montons au bureau (ou parfois dans une chambre d'hôtel quand le timing est trop serré), puis le sujet est diffusé au JT. En cas de grosse actualité, je fais aussi des directs, notamment pour LCI.

Quelles ont été les contributions de votre formation à la fonction que vous occupez aujourd'hui ?

La formation terrain. Je me souviens du premier cours de télé, dans lequel on nous a collé une caméra dans les mains en nous disant « dans trois heures, vous revenez avec de quoi monter un sujet ». Ça fait une petite montée d’adrénaline, un vrai challenge. Et c’est finalement ce qu’on ressent à la rédaction, quand on doit le matin même sortir un sujet pour le soir, donc c’est une formation qui colle à la réalité du métier. 

Être propulsée si vite dans le concret, ça permet de progresser rapidement.  On se trompe, on tourne bleu, flou, on ne comprend pas le concept d’une séquence… Jusqu’à ce que ça rentre. 

L’École de journalisme de Sciences Po m’a aussi permis de découvrir tous les médias. Je suis entrée en M1 en pensant devenir journaliste pour la presse papier, et j’ai découvert la télé, notamment grâce à Sophie Merle, qui m’a transmis sa passion. Faire passer une information via une image, en étant créative, synthétiser une idée en trouvant les mots les plus "impactants", c’est ce qui m’a plu, ça m’a aussi aidée à déconstruire les idées reçues que j’avais pu avoir sur l’univers de la télé. 

Quels souvenirs gardez-vous de votre école, de votre promotion, de vos enseignants ?

On était comme une équipe, très soudée. J’y ai rencontré des amis, de ceux qui comptent le plus aujourd’hui. Il y a ce côté collectif, beaucoup d’entraide, de solidarité, qui m’a permis de prendre confiance en moi. Et qui reflète aussi l’ambiance d’une rédaction, en tout cas en télé, ou l’on travaille toujours en équipe. On apprend vite à l'École de journalisme de Sciences Po qu’un sujet ne se fait jamais en étant seule.

Je me rappelle de la pluralité des intervenants et enseignants, des récits de photographes de guerre, des anecdotes de journalistes, il y a une certaine horizontalité dans les rapports enseignants/élèves, de la bienveillance aussi.

Ce qui m’a le plus marquée, c’est définitivement les semaines d’intensives, durant lesquelles on sent l’émulation qu’il peut y avoir dans une rédaction. Il y a du stress, une deadline, de l’épuisement aussi, et la fierté de boucler un JT à la fin de la journée.

Quels conseils donneriez-vous à un étudiant qui souhaiterait devenir journaliste aujourd'hui ?

Croyez en vous! Et si vous n'y arrivez pas encore, croyez en ceux qui croient en vous. 

Partez à l’étranger. On a tout à y gagner. Il y a des opportunités qui font mûrir plus vite professionnellement qu’en France, même si vous restez seulement quelques mois. Quand je suis arrivée en Chine, je ne savais que tourner… Deux ans plus tard, je montais des reportages de 5 minutes, j’écrivais des sujets, je faisais des plateaux et des directs. Notamment parce qu’Arnauld Miguet, le correspondant avec qui je travaillais, m’a transmis tous ces savoirs, et il m’a fait confiance. Je n’aurais peut-être pas été autonome si vite dans une grande rédaction où les rôles sont plus assignés. Le fait d’être dans de petits bureaux, ou freelance, ça permet d’avoir plein de cordes à son arc, de rencontrer des correspondants étrangers, qui pratiquent le journalisme différemment, d'aller sur une multitude de terrain : un jour on interviewe une ouvrière dans une usine de textile, au fin fond du bassin industriel de Canton, le lendemain un inventeur de chien-robot ou un pêcheur sur les rives de l'Irrawaddy au Myanmar. C’est parfois dur d’être loin, géographiquement, culturellement, mais cela permet de ne pas s’endormir dans une routine, dans une zone de confort. Et se frotter à l’inconnu, c’est l’essence même de notre métier.