Depuis une vingtaine d’années, l’historiographie européenne a connu des tournants majeurs. Des recherches en histoire politique, économique, sociale et culturelle, nourries d’archives inédites ou réexaminant des objets classiques par le prisme de nouvelles approches et méthodologies, ont tout à la fois impulsé le décloisonnement et la « provincialisation » du continent. Les circulations d’acteurs, d’imaginaires et de pratiques sont au cœur de ces travaux qui constituent davantage l’exception que la norme. Les critiques adressées aux historiennes et aux historiens de l’Europe portent fréquemment sur leur biais eurocentriste et leur focalisation sur le cadre national qui les conduirait à ignorer les apports du global et du transnational turn. Ces perspectives analytiques les rendraient incapables de proposer une histoire véritablement européenne, qui ne se limiterait ni à celle de l’UE ni à celle de la partie occidentale du continent. Il est vrai que de manière plus ou moins explicitée, l’adjectif « européen » renvoie souvent dans les travaux à ces espaces, l’Europe centrale et orientale demeurant un champ d’études spécifique.

Explorant les possibilités de contourner les difficultés inhérentes à l’écriture d’une histoire embrassant l’ensemble du continent et ses relations avec les autres espaces du globe, ce séminaire met à l’honneur des approches historiographiques dépassant les dichotomies classiques. Attentif aux jeux d’échelle entre le supranational, le régional, le national et le local, il propose une réflexion structurée selon trois axes problématiques se nourrissant les uns les autres et ne s’excluant jamais mutuellement :

1 - Celui des logiques de formation, de décomposition, de recomposition et de fragmentation d’espaces régionaux européens dans la longue durée des XIX e et XX e  siècle.

2 - Celui des circulations d’acteurs, d’idées, de pratiques et d’imaginaires au sein de l’espace européen et entre ce dernier et les mondes extra-européens. Il s’agira notamment de réfléchir aux phénomènes d’appropriation, d’altération et de rejet que ces circulations peuvent susciter parmi les populations.

3 - Celui des mental maps et des pratiques par lesquelles les acteurs façonnaient – et façonnent toujours – les frontières intérieures et extérieures du continent par rapport à d’autres espaces culturels et politiques. La « frontière fantôme » entre l’Est et l’Ouest, fruit de la partition du continent pendant la Guerre froide mais reposant sur des fractures anciennes, en est l’un des exemples les plus emblématiques.

En s’efforçant de penser l’Europe au-delà et en-deçà de ses différentes entités nationales, ce séminaire entend ainsi montrer combien la définition de l’« histoire européenne » s’avère problématique et combien elle exige, de la part des historiennes et des historiens, une réflexivité sans cesse renouvelée sur leurs objets de recherche.

Repenser les divisions européennes : imaginaires et pratiques

Calendrier 2025-2026 (1 er semestre)

16 octobre 2025
Repenser l’Histoire de l’Europe : Introduction au séminaire
Mathieu Fulla, Jakob Vogel, Agnieszka Wierzcholska (Sciences Po, Centre d'histoire))

13 novembre 2025
Les mots des migrations portugaises (19e-21e siècles)
Victor Pereira (Université de Pau/Instituto de História Contemporânea da Universidade
Nova, Lisbonne)

11 décembre 2025
Penser/classer : à l’Ouest des savoirs et des cartographies mentales de l’Europe
Nadège Ragaru (CNRS/CERI Sciences Po Paris)

15 janvier 2026
Violence in East and West - Towards an Integrated History of 20th Century Europe
Pavel Kolář (Univ. Konstanz, Allemagne)