Né en 1895, Jean Coutrot entre à l'École polytechnique en 1913 et voit son destin bouleversé par la Première Guerre mondiale. Ses études sont brutalement interrompues et, après avoir été mobilisé comme sous-lieutenant d'artillerie, il est très grièvement blessé devant Craonne en septembre 1915 et est amputé de la jambe droite.
Au sortir de la guerre, marié avec Annette Gaut, il entre dans l'entreprise Gaut et Blancan. Il a cependant d'autres horizons que la papeterie familiale.
Chantre de la rationalisation de l'économie, il devient à la fin des années vingt un ingénieur engagé sur ces questions. Il participe aux activités du Comité national de l'organisation française (groupement taylorien) et de la Commission générale d'organisation scientifique du travail (liée à la Confédération générale de la production française), tout en créant un bureau d'ingénieur-conseil en organisation avec le Hollandais Ernst Hijmans.
La crise des années trente propulse Jean Coutrot dans le débat public. D'abord, parce qu'il est un des pionniers du groupe X-Crise né à l'automne 1931 et transformé en 1933 en Centre polytechnicien d'études économiques. Ensuite, parce qu'il multiplie les contacts avec de nombreuses figures incarnant les relèves des années vingt et trente : Georges Valois et sa Compagnie d'organisation rationnelle et surtout l'Ordre nouveau, aux cellules techniques duquel il participe, contribuant à mettre sur pied un système de "service civil". Enfin, parce qu'à partir de 1936, Jean Coutrot, qui a publié en 1935 son essai-phare De quoi vivre, entend voler de ses propres ailes en lançant des manifestations et des groupements dont il est le seul chef de file : entretiens de Pontigny, centre d'études des problèmes humains. Au centre de cette activité, la promesse de l'avènement d'une "mystique de l'avenir" devant régénérer l'espèce humaine, le "transhumanisme".
Jean Coutrot ne se contente pas de proposer mais souhaite agir. Il se retrouve en particulier dans le cabinet de Charles Spinasse, ministre de l'Économie nationale du Front populaire où il se voit confier la vice-présidence du comité d'organisation scientifique du travail. Si Jean Coutrot est un prophète de la rationalisation, ses qualités d'administrateur restent à démontrer et ses expériences sont autant d'échecs. C'est donc un homme seul et laissé pour compte, dont les offres de service sont refusées à l'automne 1940 par l'État français, qui s'enfonce dans une dépression qui le conduit au suicide le 19 mai 1941. Drame personnel et privé, cet événement tragique devient rapidement politique puisque Jean Coutrot voit son nom mêlé à un mythe politique qui a eu depuis la vie dure : le prétendu complot de la synarchie.
Notice rédigée par Olivier Dard.