Toute la carrière de Wilfrid Baumgartner est celle d'un financier public. Issu d'une famille protestante, élève à l'École libre des sciences politiques (1919-1922), il est reçu à l'Inspection des Finances en 1925. Nommé en février 1928 à la direction du Mouvement général des Fonds (la direction du Trésor à partir de 1940), choisi pour diriger en 1930 le cabinet du ministre des Finances, Paul Reynaud, Wilfrid Baumgartner gravit rapidement les échelons de l'administration centrale des Finances. Directeur du Trésor en janvier 1935, il demeure à ce poste-clé jusqu'en novembre 1936, date à laquelle il est placé à la tête du Crédit national.
Il contribue à accroître notablement, de 1936 à 1949, malgré sa déportation par les Allemands en 1943, le rôle de cet établissement de crédit mixte dans le financement de l'économie, particulièrement en mettant en place le mécanisme des crédits à moyen terme mobilisables.
Appelé en 1949 par Maurice Petsche à la direction de la Banque de France, il exerce à ce poste jusqu'aux débuts de la Ve République une véritable magistrature monétaire, bien illustrée par l'épisode de la Lettre du Gouverneur de 1952. Sa réputation de technicien hors pair lui fait succéder en 1960 à Antoine Pinay comme ministre des Finances dans le gouvernement de Michel Debré. Démissionnaire au début de 1962, il pantoufle alors comme président-directeur général de Rhône-Poulenc SA, première entreprise industrielle privée française. Il demeure à ce poste jusqu'à la fin de 1973, après avoir accompagné le grand mouvement de concentration de la chimie française et l'intense effort d'investissement qui ont marqué la période, interrompus par le retournement des années 1970.
Au-delà du discours libéral qui a toujours été le sien, la trajectoire de Wilfrid Baumgartner éclaire à merveille le processus de mutations économiques et sociales qui, des années 1920 aux années 1970, a vu l'institution en France d'une "économie d'endettement". Il décède le 1er juin 1978.
Olivier Feiertag