RICardo (Research on International Commerce)

Les projets RICardo et GeoPolHist : des outils quantitatifs dédiés à l'histoire commerciale et l'histoire politique

Les statistiques historiques du commerce sont une des plus riches et des plus anciennes données factuelles utilisées par les chercheurs pour analyser la nature, les causes et les conséquences de la richesse des nations. Disposer d’un corpus complet de données et le mettre à la disposition de la communauté scientifique internationale a été la première motivation du projet RICardo dont l’idée est née en 2004 au sein d’une équipe d’historiens économistes de Sciences Po. L’idée s’est concrétisée à partir de 2007 grâce à des financements successifs obtenus de l’ANR, de Sciences Po et de la Fondation Del Duca ; elle s’est adaptée à la mutation technologique qu’a connue l’histoire économique à partir des années 2010 ; et elle a inclus une nouvelle dimension en 2021, avec la création de GeoPolHist, un outil permettant de quantifier la structure politique du monde sur la période postnapoléonienne et de lier l’histoire commerciale à l’histoire politique.

Le projet RICardo avait pour premier objectif la construction d’une base historique de données commerciales la plus exhaustive possible. Collectées à partir de sources d’archives originales, les données statistiques couvrent le commerce bilatéral (distribution des exportations et importations d’un pays par pays partenaires) de l’ensemble des pays du monde sur une période allant du début du XIX e siècle jusqu’en 1938. La base RICardo contient actuellement un volume total d’environ 540 000 données et est devenue une référence internationale en matière de base historique de données commerciales. Son originalité tient dans le respect minutieux des sources consultées. Celles-ci décrivent une grande hétérogénéité d’entités commerçantes sur la période couverte, richesse d’informations que la base conserve. Les données de RICardo, versionnées et hébergées sur http://medialab.github.com/ricardo_data, sont librement téléchargeables.

La création d’une application d’analyse exploratoire des données s’est imposée comme second objectif avec le déploiement des technologies numériques aux sciences sociales. Au-delà de mettre à la disposition de la communauté scientifique une base de données, l’application aide l’utilisateur à la fois à mieux connaître ces données (quantité, qualité, origine…) et à les explorer à l’aide de diverses fonctionnalités. Le site RICardo (http://ricardo.medialab.sciences-po.fr/#/) est ouvert à tous. Il s’adresse plus particulièrement à un public de chercheurs, d’enseignants et d’étudiants ou élèves. Il permet de visualiser en quelques clics des informations qui n’étaient jusque-là pas toujours facilement accessibles. L’utilisateur peut ainsi retracer, sur une période de son choix, la part relative dans le commerce mondial de n’importe quel pays ou la distribution géographique de son commerce. Les statistiques du commerce ont cette particularité unique qu’il existe deux sources pour une même donnée. Les exportations d’un pays vers un autre correspondent aux importations de ce dernier en provenance du premier, mais les deux valeurs ne sont jamais identiques. Cette particularité des statistiques commerciales peut être visualisée grâce à la vue ‘bilateral’ qui invite l’utilisateur à faire un usage raisonné de ce type de données. C’est également grâce à ces flux miroirs que l’on a pu créer la vue ‘partner’ qui permet de reconstituer le commerce d’une entité, pour laquelle on ne dispose d’aucune information, à partir des déclarations de ses partenaires commerciaux. L’utilisateur a enfin la possibilité de retrouver la source exacte de chacune des données de la base. Et tout le panel des sources est visualisable suivant différentes catégories (par pays, par type de source, par nombre de partenaires…).

Le projet initial a connu une évolution nouvelle lorsque l’objectif de recherche s’est tourné vers la représentation géographique de la structure du commerce mondial et de son évolution dans le temps. La réalisation de cet objectif s’est heurtée à la complexité du réseau des entités commerçantes représenté par les statistiques commerciales, ce qui a conduit à s’interroger sur le nombre et la nature des ‘pays’ du monde depuis 1816 (https://ricardo.hypotheses.org/168). Le projet GeoPolHist, issu de cette réflexion, s’est appuyé sur les travaux pionniers des fondateurs du projet Correlates of War (https://correlatesofwar.org/) pour proposer un outil quantitatif dédié aux entités géopolitiques du monde ayant existé sur les deux derniers siècles. Alliant une base de données à une application d’analyse exploratoire de ces données (https://medialab.github.io/GeoPolHist/#/GeoPolHist/), GeoPolHist recense plus de 1 200 entités géopolitiques et suit l’évolution du statut politique de chacune depuis 1816. La liste des entités inclut les états souverains ainsi que leurs colonies et autres types de dépendances. Pour répondre à la question de la variation du nom des entités dans le temps, des noms multiples ont été créés comme Mali (French Sudan) (Upper Senegal and Niger). GeoPolHist peut être utilisé par tout public désireux de rafraîchir ou d’élargir ses connaissances en histoire politique. Il invite à un renouvellement de la recherche sur l’histoire de la structure politique du monde et sur les liens de causalité entre variable politique et autres variables comme le commerce, la croissance économique, l’environnement…

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