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21.10.2025

Orientation postbac : pourquoi les femmes choisissent moins les sciences que les hommes

Si les filles sont beaucoup moins enclines que les garçons à se diriger vers des filières scientifiques, c’est bien entendu lié pour une part à la persistance des stéréotypes de genre. Mais d’autres facteurs entrent en compte lors des processus d’orientation scolaire. Explications à partir d’une enquête de la Chaire pour l’emploi et l’entrepreneuriat des femmes de Sciences Po.


Comment attirer plus de femmes vers des études supérieures en sciences et technologies ? Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics soutiennent des initiatives visant à favoriser la mixité de ces filières d’études, la plus récente étant le plan d’action « Filles et maths », lancé par le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, en mai 2025.

Deux raisons principales motivent ces initiatives. D’une part, il s’agit de réduire les inégalités femmes-hommes sur le marché du travail, en particulier les écarts de rémunération. D’autre part, l’objectif est de soutenir la croissance économique dans des domaines porteurs, en formant davantage de personnes pouvant contribuer à l’innovation dans des secteurs d’activité stratégiques.

Des différences de choix marquées sur Parcoursup

Les différences d’orientation entre les femmes et les hommes restent très marquées à l’entrée de l’enseignement supérieur. C’est ce qui ressort des choix formulés par les élèves de terminale sur Parcoursup, la plateforme d’accès aux filières postbac, comme on peut le voir dans le graphique ci-dessous, obtenu grâce aux données mises à disposition sur Datagouv. Il représente le nombre de candidatures pour les formations les plus demandées (plus de 4 000 candidatures).

Source : Parcoursup 2024 – vœux de poursuite d’études et de réorientation dans l’enseignement supérieur et réponses des établissements. Fourni par l'auteur
Source : Parcoursup 2024 – vœux de poursuite d’études et de réorientation dans l’enseignement supérieur et réponses des établissements. Fourni par l'autrice (Anne Boring)

Les points au-dessus de la diagonale représentent les formations avec une prédominance de candidatures hommes, alors que ceux en dessous représentent les formations avec une prédominance de candidatures de femmes. Les hommes représentent environ 70 % des candidatures aux formations en sciences et technologies, y compris en sciences et technologies des activités physiques et sportives, ou Staps (en orange).

Les principales exceptions concernent des formations en sciences de la vie et de la Terre, pour lesquelles les candidatures par des femmes sont plus nombreuses. Les formations en sciences économiques, en gestion et en commerce (en bleu) sont plutôt mixtes. Enfin, les formations en santé, en sciences humaines et sociales, en lettres, en langues et en arts (en violet) sont majoritairement privilégiées par les femmes, qui constituent autour de 75 % des candidatures.

Certains facteurs permettant d’expliquer ces différences de choix d’études ont déjà été analysés, en particulier le rôle des stéréotypes de genre, des différences de performance scolaire dans les matières scientifiques ou la confiance en soi.

La passion pour un domaine d’études, un facteur déterminant

Afin de mieux comprendre les raisons actuelles des différences entre femmes et hommes dans les choix d’études supérieures, la Chaire pour l’emploi et l’entrepreneuriat des femmes de Sciences Po a mené, en février 2025, une enquête en partenariat avec Ipsos auprès d’un échantillon représentatif de la population étudiante en France, comprenant au total 1 500 réponses. Les résultats de cette enquête ont été publiés par l’Observatoire du bien-être du Centre pour la recherche économique et ses applications (Cepremap).

L’un des résultats marquants de l’enquête concerne les différences femmes-hommes dans l’importance accordée à la passion comme facteur déterminant des choix d’études supérieures.

Les étudiantes sont significativement plus nombreuses à choisir des filières en lien avec leurs passions, et elles semblent faire ce choix en ayant pleinement conscience qu’il risque de les pénaliser plus tard sur le marché du travail. En effet, 67 % des femmes (contre 58 % des hommes) disent « préférer étudier un sujet qui les passionne, même si cela ne garantit pas un emploi bien rémunéré », alors que 33 % des femmes (contre 42 % des hommes) disent « préférer obtenir un emploi bien rémunéré, même si cela ne garantit pas d’étudier un sujet qui les passionne ».

Les femmes qui privilégient la passion ont une probabilité plus élevée de s’inscrire en lettres, arts et humanités, alors que celles qui préfèrent un emploi bien rémunéré ont une probabilité plus élevée de s’inscrire en sciences économiques, gestion et commerce ou en sciences et technologies.

Des parents plus ou moins prescripteurs

Par ailleurs, les résultats de l’enquête mettent en évidence le fait que les parents sont plus prescripteurs pour les garçons que pour les filles, concernant les choix d’études de leurs enfants. En effet, les étudiantes ont davantage le soutien de leurs parents, quel que soit le domaine d’études de leur choix, alors que les étudiants reçoivent moins souvent l’approbation de leurs parents, en particulier pour les domaines d’études qui mènent vers des carrières moins rémunératrices sur le marché du travail (par exemple, en sciences humaines et sociales ou en lettres et arts) ou qui se sont féminisés (par exemple, le droit ou la santé).

Paradoxalement, le manque de prescriptions parentales sur les choix des filles peut expliquer qu’elles suivent plus souvent leur passion, se retrouvant plus contraintes par la suite sur le marché du travail.

Les résultats montrent aussi que les goûts développés pour les différentes matières dans le secondaire permettent d’expliquer plus de la moitié des différences femmes-hommes dans les choix d’études supérieures.

Les filles auraient des goûts plus diversifiés, le seul goût pour les maths n’explique qu’une petite partie (environ 10 %) de l’écart dans les choix d’études. Cela permet d’expliquer en partie pourquoi les filles se détournent des formations en sciences et technologies, qui peuvent être perçues comme impliquant un renoncement à d’autres matières appréciées. Les hommes sont quant à eux plus nombreux à n’avoir aimé que des matières scientifiques dans le secondaire (29 % des étudiants contre 14 % des étudiantes).

Filières pluridisciplinaires et « roles models »

Si l’économie française a besoin de davantage de femmes diplômées en sciences et technologies, comment faire alors pour les attirer vers ces domaines d’études ? Le défi principal réside dans le fait de transmettre la passion des sciences et technologies aux femmes.

Cela peut passer par les « role models », avec des personnalités qui viennent communiquer leur enthousiasme pour leur discipline avant que les élèves ne fassent des choix cruciaux, notamment en termes d’options choisies au lycée. Cela peut aussi passer par le développement de filières pluridisciplinaires qui associent sciences, sciences sociales et humanités, de manière à offrir aux jeunes femmes (et aux jeunes hommes) aux intérêts variés la possibilité de poursuivre des études scientifiques sans renoncer à d’autres domaines.

Enfin, les formations scientifiques peuvent adapter leur offre pédagogique afin de rendre les enseignements plus attractifs auprès des étudiantes. En mettant en avant comment les sciences et technologies peuvent contribuer au bien commun et aux défis de nos sociétés contemporaines, une reformulation des intitulés de cours peut par exemple faire ressortir des enjeux leur tiennent à cœur.


Créé en 2007 pour aider à accélérer et partager les connaissances scientifiques sur des questions sociétales clés, le Fonds Axa pour la recherche – qui fait désormais partie de la Fondation Axa pour le progrès humain – a soutenu plus de 750 projets à travers le monde sur des risques environnementaux, sanitaires et socio-économiques majeurs. Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site web du Fonds Axa pour la recherche ou suivez @AXAResearchFund sur LinkedIn.

Légende de l'image de couverture : Une scientifique travaille avec un microscope. (crédits : Edward Jenner / Pexels)

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