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18.01.2021

Daniel | Entrepreneur, Óuliva, l’huile d’olive 100% française

>Daniel Dinia vient de lancer une marque d’huile d’olive 100% française sur le modèle des grands crus. Avec son associé Corentin Engel, ils ont pour objectif d’apporter transparence et goût au consommateur tout en encourageant la filière oléicole locale. Daniel Dinia nous raconte les coulisses de cette nouvelle aventure entrepreneuriale.

Propos recueillis par Charlotte Canizo et Maïna Marjany pour le magazine Émile - édité par Sciences Po Alumni, l'association des diplômés de Sciences Po Paris.

De quand date votre envie de vous lancer dans un projet entrepreneurial ?

Dès la fin de mon Master en finance et sttratégie ! J’ai intégré le startup studio du groupe de vins & spiritueux Pernod Ricard pour faire mes premiers pas dans la construction de projets innovants, tout en ayant l’appui financier d’un grand groupe, c’est-à-dire sans porter de risque personnel. Difficile à 23 ans « d’oser » se lancer tout de suite. Pendant un peu plus de deux ans, nous avons créé une marque de spiritueux qui marie produits d’épicerie fine et alcools blancs haut de gamme, grâce à une technique d’infusion brevetée. C’était passionnant, de la compréhension du besoin consommateur, au pilotage de la production, jusqu’à la commercialisation du produit final aux chefs étoilés !

Dès lors, j’avais une première expérience entrepreneuriale concrète, mais je souhaitais encore découvrir d’autres secteurs d’activité, d’autres sujets potentiellement passionnants. Pendant quelques mois, j’ai côtoyé l’écosystème du Venture Capital et son lot de startups « tech ». Par la suite, de rencontre en rencontre, j’ai découvert l’économie sociale et solidaire au sein de l’incubateur MakeSense, où j’ai accompagné une entrepreneuse lors de son lancement. Puis, j’ai finalement décidé de me consacrer à mon propre projet ! S’ensuit une longue période de réflexion…

Comment vous est venue l’idée d’Óuliva ? Depuis combien de temps travaillez-vous sur le projet ?

Je souhaitais absolument entreprendre dans la food. À mes yeux, c’est ce qui est le plus porteur de sens. On parle souvent de la quête du bonheur, et pour moi c’est très simple : se réunir autour d’un bon repas ! Néanmoins, entreprendre seul, c’est plus dur, et moins plaisant. Mon meilleur ami d’enfance, Corentin, se retrouvait sans activité au même moment, et je savais qu’il songeait à ouvrir un café / restaurant dans Paris. Nous décidons de passer plusieurs semaines en Dordogne l’hiver dernier, pour s’entre-aider sur l’idéation de nos projets. Plus tard, en plein confinement, je reçois un sms de sa part : « veux-tu monter une boîte avec moi ? ». Littéralement ! Connaissant mon amour pour les bons produits de la Méditerranée, il me fait part de ses découvertes sur les coulisses de la production d’huile d’olive. Et surtout, de la désinformation envers le consommateur. Nous fouillons le sujet et commandons quelques huiles médaillées en direct de producteurs, ainsi que des marques d’huiles d’olive haut de gamme du supermarché. Un gouffre les sépare en termes de goût ! C’est parti, nous sommes déterminés à identifier le problème et nous partons à la rencontre de moulins en Provence pendant un mois…

3 cuvées d’huiles Óuliva. (Crédits : Corentin Engel)

3 cuvées d’huiles Óuliva. (Crédits : Corentin Engel)

En quoi les huiles Óuliva se distinguent-elles des autres huiles qui existent déjà sur le marché ?

L’analogie au vin est très marquante : pour la grande majorité des huiles d’olive sur le marché, bas de gamme ou haut de gamme, c’est comme si vous aviez une bouteille de vin qui affiche sur l’étiquette : cinquante domaines différents, plusieurs pays d’origine, plusieurs années de récolte. Tout est systématiquement mélangé. Mélangez-vous un vin de Bourgogne avec un vin de Bordeaux ? Quelle conséquence ? Perte de goût ! C’est impossible de trouver une bouteille d’huile d’olive d’un seul domaine, d’une seule année de récolte… sauf si vous allez directement taper à la porte du producteur ! C’est ce que nous avons fait. Nous avons contacté tous les domaines AOP et bio de France, au nombre de 300. Parmi eux, nous sommes allés rendre visite aux plus médaillés et nous avons collecté une centaine d’huiles d’olive. Avec mon ancienne collègue, experte en arômes chez Pernod Ricard, nous les avons toutes goûtées et décrites dans le moindre détail, pour sélectionner les 3 meilleures cuvées de France.

Pour résumer, ce qui nous distingue, c’est le goût, car nous faisons le choix de l’origine unique, ou « single origin » si on reprend l’analogie à l’alcool ! Grâce à cette démarche, nous sommes capables de vous faire déguster plus de 200 huiles d’olive qui ont toutes un goût différent les unes des autres. Par exemple, notre cuvée noire a des arômes suaves de datte et d’abricot. Versez-en un filet sur une burrata / figue, un peu de poivre et sel, vous n’en reviendrez pas !

« Pour résumer, ce qui nous distingue, c’est le goût, car nous faisons le choix de l’origine unique. »

Le concept du Made in France était-il primordial pour vous dès le début ou s’est-il imposé lors de l’élaboration du projet ?

L’élément clé au départ, c’était d’apporter de la transparence et du goût. Pour comprendre ce qui fait le goût, nous sommes allés visiter en priorité les moulins français. C’est en échangeant avec eux que nous avons compris les défis du Made in France dans l’huile d’olive. Seule 5% de l’huile d’olive consommée par les Français est produite en France, alors que nos oléiculteurs peinent à écouler leurs récoltes. S’ajoute à cela l’imaginaire que l’on a d’une bonne huile d’olive : Grèce, Italie, Espagne… À la différence de ces pays, qui comptent beaucoup de producteurs industriels en culture intensive, la majorité des cultures en France sont artisanales, portées par des producteurs qui exercent ce métier par passion du goût, pour la qualité de vie au milieu des oliviers, malgré des revenus modestes.

« Notre ambition, c’est d’évangéliser la filière française, en termes de reconnaissance, puis on l’espère en termes de débouchés. »

Conclusion ? Nous n’avons pas besoin d’aller chercher très loin pour goûter à ce qui se fait de mieux dans l’huile d’olive ! Notre ambition, c’est d’évangéliser la filière française, en termes de reconnaissance, puis on l’espère en termes de débouchés. Pour autant, la filière ne peut pas satisfaire 100% de la demande française, et il y a de très bons producteurs artisanaux en Espagne, Italie, Grèce…

Domaine d’oliviers. (Crédits : Corentin Engel)

Domaine d’oliviers. (Crédits : Corentin Engel)

En plein débat sur la relocalisation de l’industrie, que pensez-vous de la place accordée aux produits Made in France aujourd’hui ? Les produits sont-ils suffisamment valorisés ? Les pouvoirs publics soutiennent-ils suffisamment les porteurs de projet ?

Ce qui est très positif, c’est qu’une grande majorité de Français privilégient le Made in France. Les initiatives ne manquent pas non plus ! Les alternatives françaises sont très nombreuses dans la food, le textile, les produits de beauté. C’est-à-dire des secteurs non complexes, à la portée d’entrepreneurs.

Cela dit, les initiatives dépendent du secteur d’activité. Pour les biens de consommation à composants électroniques, c’est beaucoup plus compliqué. Les écarts de prix deviennent trop significatifs. C’est précisément là que les pouvoirs publics peuvent jouer un rôle moteur. La France et l’Allemagne ont par exemple l’intention de créer un champion européen des batteries électroniques, principalement importées de Chine pour l’instant.

La crise sanitaire nous a imposé d’énumérer les biens et services considérés comme stratégiques, à l’instar des produits pharmaceutiques. La marge de progression sur cette question est significative. Et je pense que la réponse passera nécessairement par le Made in Europe, pas seulement le Made in France.

« Je pense que la réponse passera nécessairement par le Made in Europe, pas seulement le Made in France. »

Quelles sont les principales difficultés que vous avez rencontrées ?

Nous avons eu la chance de très bien nous entendre avec les oléiculteurs, qui ont tout de suite soutenu notre démarche. Le défi principal est à venir, et concerne la communication. Comme c’était mon cas il y a quelques mois, le consommateur ne sait pas que « vierge extra » n’est pas un gage de qualité gustative, il ne sait pas que sa jolie bouteille bio de marque italienne est un assemblage d’olives espagnoles, il ne sait pas qu’il y a en France autant de variétés d’olives que de cépages de vin…

Je ne dis pas que les huiles existantes sont mauvaises, je dis simplement qu’on propose un produit différent. Soit on opte pour une matière grasse, soit pour un goût. Nous proposons un véritable jus de fruits ! Ce jus est nécessairement plus cher que la simple matière grasse. Ce n’est pas un choix bas de gamme versus haut de gamme, mais bien deux produits différents. J’utilise l’huile du supermarché pour cuire mes aliments, mais pas pour relever mes salades.

Le plus difficile à atteindre, c’est de faire en sorte qu’un jour, vous alliez dans votre supermarché et qu’au rayon des huiles d’olive, vous ayez beaucoup plus de choix, et que vous trouviez normal que le nom de domaine et l’année de récolte soient clairement identifiables. Comme pour le vin. JSi on y arrive, c’est nos papilles qui nous remercieront ! 

« Le plus difficile à atteindre, c’est de faire en sorte qu’un jour, vous alliez dans votre supermarché et qu’au rayon des huiles d’olive, vous ayez beaucoup plus de choix. »

La crise du Covid-19 a-t-elle impacté vos activités ?

Pour l’anecdote, début juin, en période de post-confinement, je me trouvais à Strasbourg chez mes parents, Corentin également mais outre-Rhin, à Kehl en Allemagne (nous sommes tous les deux franco-allemands). Bien que seulement 5 km nous séparaient, nous étions obligés de collaborer par Zoom, puisque les frontières étaient fermées sauf exceptions. Le retour des checkpoints fut un sentiment étrange.

Au-delà, les impacts de la crise du Covid-19 commencent doucement à se faire ressentir, au moment où nous entrons en phase de commercialisation. Nous vendons un goût, et il est donc impératif de proposer des évènements de dégustation. C’est délicat à mettre en place dans le respect des gestes barrières. Ensuite, les incubateurs fonctionnent en remote, les salons sont annulés… La rencontre d’interlocuteurs pouvant accélérer notre développement est également devenue difficile.

Néanmoins, malgré la multitude de pénibles conséquences sanitaires, économiques et sociales engendrées par le Covid-19, de nombreux Français ont réappris le plaisir de cuisiner chez soi, et s’intéressent donc davantage à des bons produits locaux. C’est là une conséquence positive pour nos huiles d’olive. Et grâce à notre solution e-commerce, nous pouvons livrer nos cuvées en toute sécurité.

Comment pourrions-nous soutenir vos activités ?

Le 17 septembre dernier, nous avons mis en ligne une campagne de crowdfunding sur Ulule pour permettre au projet de se concrétiser. Dès les premiers jours, nous avons enregistré 200 précommandes, ce qui nous permet de financer la première mise en bouteille de nos huiles. Nous en sommes très heureux !

Cependant, si nous voulons envoyer un signal fort à nos producteurs et montrer que nous sommes capables de créer un vrai débouché sur le long-terme, atteindre le palier des 1000 précommandes serait une réussite considérable en ce sens.

Alors comment soutenir nos activités ? Nous proposons dès 19€ un coffret avec un rituel de dégustation pour découvrir le goût de nos 3 délicieuses cuvées. Chaque précommande sur Ulule nous donne un vrai coup de pouce. Ensuite, comme l’un de nos défis est d’évangéliser l’huile d’olive de qualité, chaque partage sur Facebook, LinkedIn, Instagram, Twitter, fait connaître le projet à davantage de personnes. Et si certains Alumni ont d’autres idées pour soutenir le projet, je suis tout ouïe par email à daniel@ouliva.fr !

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