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16.10.2023

Cyber et environnement : les nouvelles frontières de la sécurité intérieure

Christian Rodriguez dans la cour d’honneur Beltrame (crédits : Gendarmerie nationale)

Le 24 mars 2023, Sciences Po avait l’honneur de recevoir le Général d’Armée Christian Rodriguez, Directeur général de la Gendarmerie nationale. Son intervention, organisée par les élèves de la spécialité Sécurité et Défense, fut l’occasion d’exposer les priorités et les grands enjeux d’une institution résolue à s’adapter aux nouvelles menaces sécuritaires qui se font jour. La prise de parole, insistant sur les évolutions cyber et environnementales de la criminalité comme de la réponse qui leur est opposée, s’est suivie d’un temps d’échange fécond avec les étudiants. Leurs perspectives de carrière au sein de la Gendarmerie nationale leur ont été rappelées, ce qui n’aura manqué de conforter dans leur projet les étudiants désireux d’embrasser cette voie, et de faire découvrir à tous les richesses de « l’Arme ».

Le Général Christian Rodriguez est un témoin privilégié des évolutions que connaît notre environnement stratégique. Ce militaire accompli, rompu aux hautes responsabilités de commandement et de direction, dévoile dans son discours l’expérience de celui qui fut l’observateur attentif de grands bouleversements, à l’étranger comme sur le territoire national. Parmi eux, le développement de nouvelles techniques et leur consommation vorace, dont les conséquences pèsent sur nos équilibres de tout ordre, et qui n’échappent plus, par leur ampleur nouvelle, aux préoccupations des Français. L’explosion informatique et l’exploitation de nos ressources sont deux phénomènes liés, qui s’alimentent mutuellement, et qui ont tous deux modifié en profondeur notre rapport au monde. Avec elles, de nouvelles menaces déterritorialisées sont apparues, et le périmètre de notre sécurité s’est incommensurablement élargi. Le cyber et l’environnement sont bien de ces domaines qui, tant s’en faut, ne connaissent pas de frontières : les réseaux de communication informatique forment un continent sur lequel n’existent pas d’îlots ; et, au reste, nous partageons encore la même planète. Ces paramètres, encore absents des débats sécuritaires au début du siècle, ont appelé une transformation d’ampleur de la part de nos forces de sécurité.

Le Général Rodriguez, en esprit transformateur, fut très tôt conscient du besoin d’adapter son institution à ces menaces diffuses, juxtaposées, dont l’anticipation pouvait être rendue malaisée par l’accélération du tempo politique et social. Loin d’initier par la « transformation » une révolution doctrinale, il se fait plutôt l’héritier d’une tradition pluriséculaire, qui a accoutumé ses gendarmes à avancer, grandir, au même pas que la société à protéger. C’est bien dans l’adaptation à la menace, pour se tenir prête et faire face, pour ne jamais faillir à sa mission, que la Gendarmerie continue de dévoiler sa plus éternelle vérité : être au service de la France et des Français, en tout temps, en tous lieux. Elle le fait depuis huit siècles, et cette faculté inspirante à traverser les temps, les crises et les combats réaffirme la pertinence de son action, sa capacité à se réinventer sans jamais jeter le voile sur son identité ou ses valeurs. C’est en représentant de cette institution, force de stabilité et d’évolution face à des ruptures majeures qui en requièrent, que le Général Rodriguez a tenu à nous exposer sa vision des enjeux cyber et environnementaux.

Ces deux thèmes sont éminemment structurants, depuis nos comportements quotidiens jusqu’à l’action publique nationale ; ils tiennent particulièrement à cœur à notre jeunesse qui s’engage, se forme et s’informe sur ces sujets auxquels tient aussi, pour elle, l’avenir du monde. Le Directeur général a choisi d’entamer son propos par la sécurité cyber, sujet que l’on devine familier pour cet ingénieur de formation. Bien qu’il soit inutile de le rappeler, le nouveau millénaire a connu l’avènement d’Internet, une nouvelle territorialité virtuelle dont les potentialités n’ont cessé d’être exploitées… par tous. Ce terrain « cyber », particulièrement utile aux réseaux criminels lorsqu’il est détourné à des fins malveillantes, est aujourd’hui investi en profondeur par la Gendarmerie. Il en tenait de sa capacité à constater, appréhender et lutter contre une nouvelle forme de criminalité, diffuse et anonyme, dont les répercussions sur le monde réel sont bien avérées. Ces technologies sont désormais indissociables du modus operandi criminel, se retrouvant à chaque étape du trafic ou de l’acte illégal. Le détournement des moyens cybernétiques, lorsqu’il se retourne contre la société, peut même se muer en risque majeur pour la population dans son ensemble, comme pour les intérêts supérieurs de la Nation. Or, toute attaque revêt désormais cette dimension numérique qu’il convient de maîtriser.

Masterclass Sécurité et défense avec Christian Rodriguez (crédits : DR/Sciences Po)

Le Général Rodriguez tient à le souligner : dans cette société, toujours plus dépendante des systèmes d’information, notre maîtrise de l’environnement numérique est un « prérequis dans la protection de nos intérêts vitaux les plus souverains ». Aussi la Gendarmerie a-t-elle armé sa première ressource, ses hommes et femmes, contre la « délinquance intelligente ». Le recrutement scientifique a été renforcé, quand la formation interne permet désormais à tout gendarme de fournir un premier niveau de réponse aux attaques et préjudices informatiques. La création d’un grand commandement du cyber pour le ministère de l’Intérieur, le COMCYBERMI, est récemment venu entériner la nouvelle dimension institutionnelle qu’occupe cet enjeu au sein des forces de sécurité. La Gendarmerie embrasse ainsi pleinement la composante numérique que comporte, désormais, chacune de ses missions.

L’environnement est l’autre nouvelle frontière de notre sécurité intérieure. Si le sujet n’est pas nouveau, l’ampleur du défi environnemental et l’accélération du changement climatique en font un combat de premier ordre, de ceux qui concentrent une forte attente des Français. Le rapprochement du combat environnemental à une force de sécurité comme la Gendarmerie peut surprendre, au premier abord, ceux qui l’associent surtout à ses missions historiques et méconnaissent l’étendue de son action. Pourtant, les contentieux liés à la dégradation de notre cadre de vie et de notre patrimoine naturel sont croissants, quand la criminalité environnementale – qui va de la « délinquance ignorée » aux trafics organisés – monte en puissance. Dans son mandat de protection de la population, la Gendarmerie sait qu’elle doit protéger non seulement ceux qui la composent, mais aussi leur territoire – dont elle couvre 95 % de la surface. Ainsi, pour accomplir sa mission de protection des Français, la Gendarmerie s’est dotée d’une stratégie environnementale claire, à la hauteur des enjeux, qui embrasse tout le spectre des infractions environnementales, des incivilités du quotidien jusqu’aux crimes les plus graves.

Le Général Rodriguez a tenu à rappeler l’action protéiforme de la Gendarmerie en la matière, qui n’a voulu se départir d’aucune responsabilité envers quelque population même animale, à telle enseigne que la maltraitance envers les animaux bénéficie désormais d’une cellule dédiée ! Pour assurer la sécurité de chacun dans son environnement, la Gendarmerie, dans les prérogatives qui sont les siennes, accompagne la transition énergétique en y exerçant ses pouvoirs de police. Cette redéfinition de son action doit être entérinée par la création d’une gendarmerie verte, qui devra prendre en compte, dans leur globalité, toutes les questions de sécurité environnementale et sanitaire. À terme, 3000 gendarmes spécialisés devraient couvrir ce spectre : la résilience environnementale pourra compter sur l’action de la Gendarmerie nationale.

La stratégie de transformation engagée par la Gendarmerie pour, toujours, être au plus près des besoins et des attentes des Français, démontre finalement la nécessaire adaptation de nos structures traditionnelles à ces nouvelles frontières. Pour les franchir et y assurer notre sécurité collective, le mouvement doit primer sur l’inertie, pour échapper au retard, au dépassement, à l’impuissance. La résilience est aussi un enjeu de service public. Dans tous les domaines, y compris cyber ou environnementaux, la Gendarmerie continue de faire de la sécurité de la population sa priorité. Loin de restrictivement s’en tenir à la voie publique et à la police judiciaire – ses missions historiques, si l’on y ajoute les opérations militaires –, elle accompagne toutes les évolutions de notre environnement stratégique pour rester fidèle à son slogan, « répondre présent ». En s’appuyant sur toutes les ressources humaines et techniques à sa disposition, la Gendarmerie continuera de le faire, sans faille. C’est l’engagement que tient le Général Rodriguez, face à un parterre d’étudiants qui transposeront, peut-être, cet exemple de continuité face à l’incertitude, de stabilité dans le changement, dans les diverses responsabilités qu’ils auront à assumer. Dans l’amphithéâtre Émile Boutmy, le message est passé.

Article rédigé par les étudiants organisateurs de la Masterclass : Lucas Custodio, Inès de Mentque, Francis Chenas, Aurélie Gadjendra, Sixtine Le Floc’h, Maxence Michelet

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