Depuis les années 1980, l’Union européenne mobilise l’assistance technique pour accompagner des États membres, des États en développement ou encore des États en procédure d’accession dans la conduite de leurs réformes. Cette « assistance » renvoie à un ensemble d’activités réputées capables de soutenir la mise en réforme des États, depuis la conception d’un projet de politique publique jusqu’à sa mise en œuvre. À la faveur des crises des années 2010, l’outil s’est généralisé, mais aussi articulé à un autre, devenu incontournable au sein de l’Union : la conditionnalité.
La normalisation de la subordination de l’accès à des financements à la mise en œuvre de réformes, sous des formes plus ou moins coercitives, a ainsi imprégné nombre d’instruments européens – du Semestre Européen aux Plans pour la reprise et la résilience mis en place après la pandémie de Covid-19. La Commission intervient ainsi de manière croissante dans les politiques publiques des États membres, y compris dans des domaines situés au-delà de ses compétences ordinaires.

Après m’être intéressée aux modalités de la routinisation de ces instruments, je propose, dans cette communication, d’explorer la façon dont ils ont contribué à la (re)constitution d’un monde d’experts. J’adopte ici une entrée par les acteurs intervenant comme prestataires (organisations internationales, entreprises de conseil, agences nationales de développement, institutions européennes), en mobilisant une base de données sur les contrats d’assistance technique croisant les informations de la Transparence financière européenne et de la littérature grise.

Ma communication proposera, dans un premier temps, une cartographie de cet espace réformateur, mettant en évidence les divisions géographiques qu’il contribue à renforcer, entre un Nord-Ouest réformateur – pourvoyeur d’acteurs-experts publics et privés – et un Sud-Est réformé. Dans un second temps, j’ouvrirai la discussion sur ce que ce monde réformateur révèle d’un processus plus large de mise en réforme européenne des États membres de l’UE, et des formes de hiérarchisations symboliques qu’elle emporte.

Intervenante

Marylou Hamm, CIVICA Post-doc Fellow, European University Institute

Chair

Ulrike Lepont, Sciences Po, CEE, CNRS