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13.10.2025
Paula Hoffmeyer-Zlotnik: explorer les discours et politiques de l'UE en matière de migration
Le mois dernier, nous avons eu le plaisir d'accueillir Paula Hoffmeyer-Zlotnik, nouvellement recrutée comme Assistant Professor. Les recherches de Paula portent sur les politiques de l’immigration en Europe et au sein de l’Union européenne. Elle étudie la manière dont les dynamiques politiques façonnent — et échouent parfois à façonner — les politiques migratoires. Elle accorde une attention particulière aux formes d’immigration qui demeurent moins politisées, ainsi qu’à la manière dont les acteurs politiques mobilisent stratégiquement récits et discours pour influencer le processus de politisation. Paula se sert également de l'immigration comme d'un prisme pour comprendre les dynamiques d'intégration dans l'UE de manière plus générale.
Dans cette vidéo, elle nous parle de son parcours et de sa carrière, de ses projets de recherche récents et actuels, et des raisons qui l'ont poussée à choisir le CEE et Sciences Po.
Bonjour, je m'appelle Paula Hoffmeyer-Zlotnik et j'ai rejoint le Centre d'études européennes et de politique comparée de Sciences Po en septembre dernier en tant qu’Assistant Professor.
Dans mes recherches, je m'intéresse principalement aux politiques de l'Union européenne et aux politiques d'immigration.
Cet intérêt est né dès ma licence à l'Université de Münster (Allemagne), où j'ai principalement étudié les politiques relatives aux réfugiés et le fonctionnement de l'intégration européenne. J'ai ensuite effectué un master en politique européenne à la LSE (London School of Economics and Political Science, Royaume-Uni) puis un stage à la Commission européenne, car je souhaitais comprendre la mise en œuvre concrète des politiques d'immigration et le fonctionnement de l’UE. J'ai ensuite travaillé pour le gouvernement allemand au sein du European Migration Network, un réseau rassemblant à Bruxelles des experts des politiques d’immigration provenant des différents États membres.
Mais j'étais toujours plus intéressée par la compréhension des logiques sous-jacentes à l'élaboration des politiques et j'ai donc décidé de faire un doctorat à l'université de Genève. Je me suis intéressée aux formes d'immigration que nous n'appelons souvent même pas « immigration » ou qui ne viennent pas à l'esprit lorsque nous pensons à l'immigration. La libre circulation dans l'UE, par exemple, est souvent appelée mobilité ou mouvement plutôt qu'immigration. Autre exemple : l'immigration facilitée par les accords commerciaux échappe souvent à cette appellation.
Dans le cadre de mon doctorat, nous avons donc mis au point une base de données mondiale sur le contenu des accords commerciaux en matière d'immigration. Je me suis particulièrement intéressée à la manière dont l'UE gère ce lien entre commerce et immigration : comment les accords commerciaux de l'UE facilitent l'immigration, comment cela se reflète également dans la législation de l'Union européenne, mais aussi comment l'Union européenne utilise le commerce comme levier pour contrôler l'immigration et imposer le retour de migrants dans leur pays d'origine.
Lors de mon post-doctorat à l'université de Cologne (Allemagne), j'ai enrichi ma palette méthodologique et commencé à utiliser l'analyse quantitative de textes et les méthodes computationnelles des sciences sociales pour étudier les discours sur l'immigration. J’ai notamment étudié le discours de la Commission européenne sur la politique de retour, lorsqu'il s'agit de renvoyer des immigrants qui n'ont plus le droit de séjourner dans l'Union européenne. C’est un projet en collaboration avec Philipp Stutz de la Vrije Universiteit Brussel, que je poursuis actuellement. Je cherche à comprendre non seulement comment le discours de la Commission européenne a évolué au fil du temps, mais aussi ce que cela peut nous apprendre sur le rôle de la Commission dans la dynamique d'intégration européenne de manière plus générale.
Dans un autre projet que je mène avec Jordy Weyns, nous cherchons à comprendre comment l'UE a réagi à la guerre en Ukraine et, plus précisément, dans quelles circonstances ou dans quels cas la guerre en Ukraine a conduit à un changement de paradigmes politiques. À rebours des conditions que nous pensions nécessaires aux réformes, des réformes ont été menées dans le secteur de l'énergie, en dépit de conflits entre États membres, et aucune dans le domaine de l'immigration, ou du moins pas en rapport avec la crise ukrainienne, bien que les États membres se soient mis d'accord sur l’accueil des réfugiés ukrainiens. Nous pensons que cela est dû au fait que, sur le plan énergétique, la crise a affaibli de puissants opposants qui auparavant mettaient leur veto, ce qui n’est pas le cas pour l'immigration.
J'ai rejoint le Centre d'études européennes et de politique comparée parce qu'il s'agit d'un important pôle de recherche sur tout ce qui touche à l'UE, et sur la politique comparée en Europe. Mes recherches sont en lien avec tous les aspects étudiés au CEE, qu'il s'agisse de la représentation politique, des politiques publiques ou de l'intersection entre les marchés et les politiques publiques, et bien sûr, des mobilités et des migrations.
Sciences Po, plus largement, est bien sûr un formidable lieu de recherches en sciences sociales, multidisciplinaire, et l'immigration en tant que sujet est intrinsèquement multidisciplinaire. Je suis donc très enthousiaste à l'idée de rencontrer les nombreux chercheurs et chercheuses, ainsi que les étudiantes et étudiants de Sciences Po qui, pour beaucoup, se destinent à des carrières dans le secteur public. Cela résonne avec mes propres expériences dans ce domaine, que je compte bien mettre à contribution dans mon enseignement.
Interview et vidéo : Véronique Etienne