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04.12.2025

Narcotrafic : l’éclairage des chercheurs du Centre d’études européennes et de politique comparée

Comment la cocaïne arrive en France

Gabriel Feltran, directeur de recherche CNRS en sociologie au CEE, étudie la chaîne de valeur du trafic de cocaïne vers la France hexagonale. Dans ce cadre, il a enquêté dans les ports du Havre et Rotterdam (projet financé par la MILDECA), ainsi qu’en Guyane, en partenariat avec la Direction des services pénitentiaires d'outre-mer (DSPOM).

Un premier résultat, intitulé « Les factions criminelles brésiliennes en Guyane », approfondit la connaissance des dynamiques du narcotrafic en Guyane, à la croisée des violences locales et des mutations globales du marché de la drogue.

2 constats majeurs :

  • La violence visible en Guyane (conflits locaux entre factions brésiliennes et guyanaise) masque une économie criminelle bien plus vaste, transnationale, lucrative et structurée.
  • Le marché de gros de la cocaïne fonctionne de plus en plus comme une économie de plateforme, connectant producteurs, transporteurs et revendeurs dans un modèle décentralisé et en pleine croissance.

Dans cet entretien vidéo, Gabriel Feltran revient sur les enseignements de cette enquête de terrain, menée notamment en milieu carcéral.

Retrouvez aussi ces recherches dans CNRS le Journal : Du Brésil à l’Europe, les nouvelles routes de la cocaïne (1er décembre 2025).

Trafic de drogue, réseaux criminels et violence

Paolo Campana, professeur de criminologie à l’Université de Cambridge et chercheur associé au CEE, a beaucoup travaillé sur la modélisation des réseaux criminels, notamment à partir de données provenant des services de police au Royaume-Uni (Londres, Liverpool, comté de Cambridge…). 

En matière de diffusion du crime organisé, il a ainsi montré que l’existence de marchés locaux de la drogue rendent les quartiers attrayants pour l’installation d’autres types d’activités de criminalité organisée. D’autre part, les groupes criminels organisés semblent cibler des territoires aux caractéristiques socio-démographiques similaires à leur territoire d’origine lorsqu'ils étendent leurs activités. 

Par ailleurs, le trafic de drogues apparaît comme un facteur déterminant dans la coopération entre groupes criminels organisés, contrairement aux autres types d’activités criminelles (vols, fraudes, cambriolages, braquages). Or, ces connexions créent des groupes plus forts et plus enracinés. En outre, les groupes les plus connectés sont aussi les plus violents, la violence émergeant typiquement en cas de rupture de la coopération

Le triptyque production, commerce, gouvernance : un nouveau cadre d’analyse du crime organisé

Depuis des décennies, la criminalité organisée a été abordée comme le fait de groupes hiérarchiques et durables. Une vision incomplète et inopérante pour la lutte contre le crime organisé, d’après les recherches de Federico Varese, professeur des universités en sociologie au CEE. 

Dans son projet CrimGov, financé par une prestigieuse bourse du Conseil européen de la recherche (ERC), il envisage la criminalité organisée comme un ensemble de services : la production (de biens illégaux), le commerce (circulation de biens et de personnes) et la gouvernance (le contrôle de marchés et de territoires). 

Ce cadre d’analyse a d’ailleurs été repris dans le dernier rapport mondial sur les drogues de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime. 

Cette distinction est cruciale en matière de lutte contre le crime organisé, dont le narcotrafic. Si les politiques se concentrent uniquement sur les groupes et non sur les activités, elles risquent de manquer leur cible. Chaque type de service exige en effet des outils de lutte spécifiques.

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(crédits : David Huamani Bedoya)